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Epilogue de l’«affaire Hainard» à Neuchâtel

Si le ministre cantonal Frédéric Hainard n’avait pas présenté sa démission en août dernier, la commission d'enquête parlementaire la lui aurait demandé. Keystone

Le rapport accablant sur l’ancien ministre neuchâtelois Frédéric Hainard a signé mercredi l’épilogue d’une affaire qui a traumatisé le canton de Neuchâtel pendant un an. Tensions, complots, l’enquête a mis en lumière le manque de collégialité du gouvernement.

Frédéric Hainard n’avait pas l’étoffe d’un homme d’état. C’est en substance ce que conclut le rapport de la Commission d’enquête du Grand Conseil (Parlement) neuchâtelois (CEP) après 11 mois d’enquête sur ce que les médias ont appelé «L’affaire Hainard».

Accablante, l’enquête confirme les dérapages de l’ancien conseiller d’Etat libéral-radical (droite), en charge du Département neuchâtelois de l’économie au moment des faits. 

Méthodes «illégales»

Pour rappel, l’affaire a éclaté le 29 avril 2010, lorsque le quotidien Le Matin dénonce les méthodes de shérif de Frédéric Hainard. Dans trois dossiers, cet ancien policier intervient directement sur le terrain, méthodes qualifiées d’ «inacceptables, voire d‘illégales». Dans le cas le plus grave, une femme soupçonnée d’abuser de l’aide sociale porte plainte contre l’ancien conseiller d’Etat. Cette plainte est suivie de la demande de la levée de son immunité parlementaire, que le parlement neuchâtelois accepte.

Frédéric Hainard outrepasse encore ses compétences lorsqu’il engage sa maîtresse dans son département, au Service de surveillance et des relations de travail (SSRT). Enfin, le «shérif»  de Neuchâtel est accusé de créer des tensions à l’Office de contrôle en engageant des anciens collègues policiers. A la clé, plusieurs démissions.

Manque de collégialité

L’«affaire Hainard»  a donné une image pitoyable du canton de Neuchâtel. Et le rapport d’enquête d’enfoncer le clou: si Frédéric Hainard n’avait pas présenté sa démission le 22 août dernier, la CEP la lui aurait demandé.

Mais le gouvernement neuchâtelois ne sort pas indemne non plus du rapport d’enquête. «En lieu et place d’un collège œuvrant pour le bien du canton, c’est l’individualisme et la rivalité permanente qui ont prévalu au sein du Conseil d’Etat», pointe la CEP.

Particulier à Neuchâtel?

Un manque de collégialité particulier au canton de Neuchâtel? Pas pour la CEP, qui attribue les dysfonctionnements constatées dans les institutions neuchâteloises à la seule personnalité de Frédéric Hainard, décrit comme «manipulateur, complexe, et imprévisible».

L’avis de Claude Jeanrenaud, professeur d’économie politique à l’Université de Neuchâtel, est plus nuancé. «Dans les autres cantons, il y a aussi des tensions et des scandales, mais ils ne sortent pas du gouvernement. Les conseillers d’Etat règlent cela à l’interne», affirme-t-il.

Pour le politologue neuchâtelois Ernest Weibel, rien ne distingue Neuchâtel des autres cantons. «Il existe partout des difficultés et des crises. L’affaire Hainard en est une parmi d’autres. Rien de plus normal car la vie politique en Suisse est très cantonalisée».

De nombreuses fuites

Pourtant, l’«affaire Hainard», précédée par l’affaire «Valérie Garbani» –  la conseillère communale qui a démissionné suite à des dérapages liés à des problèmes personnels – ont montré que les fuites concernant les politiciens neuchâtelois étaient plus importantes qu’ailleurs.

Ernest Weibel acquiesce. «Neuchâtel est un petit canton. On se connaît tous, et de là viennent les fuites. Les affaires privées débordent davantage sur la vie politique», analyse-t-il.

La présidente de la CEP Veronika Pantillon (Verts) a aussi déploré les fuites dans l’«affaire Hainard». Pour détecter de manière précoce des dysfonctionnements, elle propose la création d’une commission de gestion parlementaire permanente.

Règlement de compte. Blessé par les conclusions du rapport de la commission d‘enquête du Grand Conseil neuchâtelois (CEP), Frédéric Hainard dénonce un règlement de compte politique. «L’engagement de mon amie dans mon département était une erreur qui a été habilement exploitée par deux sinistres personnages: Jean Studer et Claude Nicati [actuels conseillers d’Etat]», dit-il.

Erreurs. S’il reconnaît avoir commis des erreurs, il estime que la CEP n’a pas été honnête, car elle n’a pas tenu compte des succès du Département neuchâtelois de l’Economie. Ce qu‘il regrette amèrement.

Avocat. Il s’est aujourd’hui refugié dans son étude d’avocat. L’exercice du droit paraît moins ingrat à l’ancien conseiller d’Etat . «En droit, le doute profite à l’accusé. En politique, il le condamne», conclut-il.

Le Neuchâtelois Frédéric Hainard est élu à 33 à l’exécutif de son canton fin avril 2009.

Moins d’un an plus tard, les conflits personnels avec plusieurs collègues – dont certains datent d’avant l’entrée en fonction du ministre – occupent discussions de bistrots et gazettes, qui y vont de leurs révélations sur son style cavalier sur le terrain en particulier.

Fin mai 2010, le parlement cantonal opte pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Frédéric Hainard démissionne en août, avec effet à fin octobre, après avoir pris connaissance de documents de la CEP.

En novembre, les électeurs neuchâtelois lui choisissent un remplaçant dans les urnes, son collègue de parti Thierry Grosjean.

Fin janvier 2011, l’immunité de Frédéric Hainard est levée par le Parlement cantonal afin de permettre à la justice d’enquêter. Et sur le plan politique, la CEP rend ses conclusions le 20 avril.

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