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Etats-Unis: toujours pas d’accord sur la dette

Le président Obama avec le républicain John Boehner, président de la Chambre des représentants. Reuters

Les négociations entre démocrates et républicains restent dans l’impasse. Le président Obama a réitéré son appel pour un relèvement du «plafond» de la dette publique avant le 2 août et a appelé le Congrès «à la raison». Les banques suisses figurent en bonne place parmi les créanciers.

A la naissance, chaque citoyen américain doit faire face à une dette publique individuelle de 46’609 dollars, indique le Département du trésor. Et la facture augmente de minute en minute.

Tant et si bien qu’en ce mois de juillet, le passif de Washington a atteint la somme de 14,5 billions de dollars. La limite de l’endettement public, fixée à 14,2 billions par le Congrès, est dépassée depuis mai.

L’administration Obama a besoin du soutien du pouvoir législatif pour relever le plafond de la dette publique avant le 2 août. Dans le cas contraire, «le gouvernement pourrait renoncer à certaines de ses obligations financières en août prochain», a averti le secrétaire du Trésor Tim Geithner.

Lundi, dans un discours à la nation, le président Barack Obama a exhorté les parlementaires à «revenir à la raison» et à éviter que les Etats-Unis se déclarent en cessation de paiement pour la première fois de leur histoire. Aux républicains, opposés à son projet, il a déclaré: «Ce n’est pas une façon de diriger la plus grande nation de la Terre».

Le 10 août, date butoir

La grande banque suisse UBS estime qu’en réalité, la date butoir n’est pas fixée au 2 août, mais quelques jours plus tard.

Dans un rapport signé par Chris Ahrens, stratégiste en chef de la division taux d’intérêt d’UBS, et publié il y a quelques jours par le Wall Street Journal, il est indiqué que «le Département du trésor détient des fonds suffisants pour réaliser tous ses paiements jusqu’au 8 ou au 10 août».

Mais même ainsi, la nervosité augmente sur les marchés. Actuellement, le dollar vaut 80 centimes, ce qui est un niveau historiquement bas. Et le billet vert atteint également un plancher historique face au yen (78 yens pour un dollar), pour citer un autre exemple.

Surtout un conflit politique

Le problème de la dette des Etats-Unis est avant tout politique. Le gouvernement américain a beaucoup dépensé, spécialement pour relancer une économie durement touchée par la crise. Mais maintenant, il est temps de réduire ses dépenses, explique Jochen Hartwig à swissinfo.ch.

Selon cet expert de l’institut de recherche KOF, la gravité réelle de l’endettement des Etats-Unis doit être remise dans son contexte.

«Si nous observons l’ampleur de la dette publique américaine en proportion du produit intérieur brut, nous verrons que les Etats-Unis ne sont pas désavantagés par rapport à l’Allemagne ou à d’autres pays à qui personne ne pose de question sur leur solvabilité présente et future», explique-t-il.

Le problème est essentiellement politique, juge l’économiste. Il y aura des élections en 2012 aux Etats-Unis et ni les républicains ni les démocrates ne sont disposés à prendre des décisions qui pourraient être sanctionnées demain par les électeurs. Cependant, dans les faits, Washington fait face à une menace réelle et non politique.

Les trois principales agences de notation internationales, Standard & Poor’s, Moodys et Fitch Ratings ont averti Washington qu’elles retireront aux Etats-Unis la note AAA (synonyme de solidité et de solvabilité) si le pays était frappé d’un défaut technique (technical default) en août prochain.

Mais selon Jochen Hartwig, les agences de notation sont surtout en train d’envoyer des signaux aux membres du Congrès pour qu’ils se réveillent et parviennent à un accord aussi vite que possible.

La Suisse créancière

Pour la Suisse, une crise de la dette aux Etats-Unis se ferait sentir sur deux fronts. Tout d’abord, les banques suisses font partie des créanciers de Washington.

Selon les données obtenues par swissinfo.ch auprès de la Banque des règlements internationaux, qui a son siège à Bâle, le secteur bancaire suisse possédait des titres de créance du gouvernement américain pour un montant de 138’936 millions de dollars au 31 décembre. Egalement contactée, l’Association suisse des banquiers, n’a pour sa part pas souhaité faire de commentaires.

Quant à l’institut de recherche KOF, il estime que les banques suisses ne seront affectées que si c’est le pire des scénarios qui se produit, c’est-à-dire si les Etats-Unis cessent réellement de payer et que les papiers-valeur qu’ils ont émis perdent leur valeur. Mais pour Jochen Hartwig, un tel scénario semble peu réaliste.

Un franc qui s’apprécie

Cependant l’absence d’accord entre démocrates et républicains ravive la volatilité sur les marchés. En période d’incertitude, les capitaux internationaux recherchent des endroits sûrs.

Il est donc possible que les prix en dollars des matières premières, et en particulier des matériaux précieux, explosent, a estimé John Kowalik, directeur du Département Matières premières et Marketing d’UBS, lors d’un discours prononcé récemment à Chicago dans le cadre d’un forum sur l’avenir des matières premières.

«Il est hautement probable que le franc suisse s’apprécie encore si l’incertitude aux Etats-Unis continue. Le dollar a perdu de sa valeur face à toutes les devises importantes, comme l’euro, le yen, la livre sterling ou le franc suisse, et nous pensons que le dollar ne remontera pas, du moins durant un certain temps», analyse Jochen Hartwig.

Les capitaux se relocalisent et le franc suisse, compte tenu de la sécurité qu’il offre, représente une destination attractive, ce qui, sans aucun doute, fera ressentir de nouveaux effets sur le secteur des exportations, conclut l’économiste.

Les Etats-Unis ont vécu pendant des décennies à crédit.

Durant le présent exercice, le gouvernement a engrangé des recettes de l’ordre de 2,2 billions de dollars pour un total de dépense de 3,6 billions, soit un déficit de 1,4 billion.

En mai dernier, Washington a dépassé le plafond de l’endettement total, que le Congrès a fixé à 14,3 billions.

Républicains et démocrates sont d’accord sur le fait que le moment est venu d’assainir les finances publiques, mais les stratégies pour y parvenir divergent.

Les démocrates ne veulent pas couper dans les dépenses sociales, alors que les républicains refusent tout scénario qui implique des augmentations d’impôt.

Le président Barack Obama propose une solution de compromis consistant à augmenter les recettes (c’est-à-dire les impôts) et à couper dans le budget de la Défense et de la santé pour les retraités.

Les républicains refusent les augmentations d’impôt et proposent, à la place, de supprimer les subventions à l’éducation, à l’environnement et de privatiser les services de santé pour les retraités.

(Traduction de l’espagnol: Olivier Pauchard)

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