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Euthanasie: les Néerlandais relancent le débat en Suisse

Des opposants à l'euthanasie manifestent devant le Parlement néerlandais. Keystone

Le Vatican a dénoncé mercredi la légalisation de l'euthanasie et du suicide médicalement assisté adoptée par le parlement néerlandais. Une position partagée par la Conférence des évêques suisses. Elle devrait publier un document sur la question qui suscite un vif débat en Suisse aussi.

L’euthanasie passive et l’euthanasie active indirecte sont déjà tolérées. Dans le premier cas, le médecin décide, en accord avec la famille, de renoncer à un traitement en sachant que sa décision provoquera indirectement la mort du patient. Dans le second cas, il peut administrer une substance – de la morphine par exemple – dont les effets pourront faciliter l’euthanasie.

L’an dernier, le Conseil fédéral a décidé que ces pratiques devaient être clarifiées et expressément réglementées par la loi. En revanche, et contre l’avis des experts chargés de plancher sur le sujet, il a refusé de dépénaliser l’euthanasie active directe qui reste donc assimilée à un meurtre.

Ce qui n’a pas empêché Franco Cavalli – cancérologue tessinois et chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales – de déposer, en septembre dernier, une initiative parlementaire demandant un assouplissement des dispositions actuellement en vigueur.

Le débat est loin d’être clos. Les partisans de la dépénalisation de l’euthanasie active directe souhaitent pouvoir intervenir à la demande claire et explicite des patients qui souffrent d’une maladie incurable pour laquelle la science n’a plus de réponse.

«C’est au malade de choisir les limites de ce qu’il est capable d’endurer, affirme Franco Cavalli. Quant à la loi, elle doit fixer les conditions cadres qui permettront, dans les cas extrêmes, de l’aider à accomplir sa volonté.»

«En refusant d’entrer en matière, on prive certains patients du droit au suicide qui est pourtant inscrit dans le code pénal», renchérit Jérôme Sobel, président d’Exit Suisse romande, qui milite depuis de nombreuses années déjà pour que les malades incurables puissent mourir dans la dignité.

Les adeptes de l’euthanasie souhaitent que l’assistance au suicide, autorisée par la loi, puisse être appliquée aux personnes qui ne sont plus en mesure d’agir de manière indépendante. «Cela permettrait à ces malades de rester en vie le plus longtemps possible, tout en ayant la certitude que le médecin pourra intervenir dans la phase finale, affirme Jérôme Sobel. Aujourd’hui, selon la loi, c’est le patient qui doit porter le poison à ces lèvres».

Toutes les parties, qu’elles soient pour ou contre l’euthanasie active directe, sont d’accord pour admettre que la loi n’est pas toujours respectée. «On ne connaît pas les chiffres, mais on sait que cette pratique existe dans les hôpitaux suisses, déclare le docteur Yves Beyeller. Cet acte doit continuer à être considéré comme une transgression grave. En aucun cas, il ne peut être question de banaliser une telle pratique.»

Le flou législatif qui entoure l’euthanasie permet aussi tous les abus même les plus intolérables, soulignent ses partisans. «Seule une parfaite transparence permettra d’éviter les dérapages, affirme Jérôme Sobel. En outre, l’ouverture d’un vrai dialogue permettrait de préparer et d’aider les médecins à faire face à leurs interrogations et aux demandes des patients.»

Cette meilleure écoute du malade, les partisans de l’interdiction de l’euthanasie directe active la revendiquent aussi. Mais, pour eux, il s’agit surtout de répondre à l’angoisse du patient face à la douleur.

«On sait que c’est la peur de la souffrance qui pousse la plupart des malades à réclamer une assistance à la mort», explique Yves Beyeller. «Les soins palliatifs permettent de faire face à la plupart des situations. Malheureusement, ils ne sont pas assez répandus. Il faut donc généraliser cette pratique, avant d’envisager des solutions extrêmes.»

Très controversée, cette question comporte également une dimension morale. Et les médecins ne sont pas les seuls à s’en préoccuper. «Le thème de l’euthanasie renferme un paradoxe de taille», souligne Denis Müller, professeur d’éthique à la faculté de théologie de Lausanne.

«Il prône un total libre-choix pour le malade, sans tenir compte de celle du corps médical ou de la famille, conclut Denis Müller. En fait, le patient décide d’un acte mortel qui doit être exécuté par quelqu’un d’autre. Dans ce contexte absurde, la seule solution moralement acceptable serait celle du suicide.»

Vanda Janka

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