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Expertise accablante contre la BCV

La BCV va devoir redorer son blason. Keystone

L'Etat de Vaud et la BCV vont porter plainte pénale contre les anciens dirigeants de la banque. Une expertise indépendante parle de manipulations comptables.

Plusieurs responsables de la Banque cantonale vaudoise ont d’ores et déjà été remerciés. Et avec effet immédiat.

Les investigations menées par l’ancien procureur tessinois Paolo Bernasconi montrent que des anciens dirigeants de la banque cantonale se sont livrés à des manipulations.

Elles concernent la façon dont les risques sur les crédits ont été inventoriés, puis provisionnés, durant l’exercice 1996, voire jusqu’en 2000.

Selon Me Bernasconi, il y a matière à engager des procédures pénales, au moins pour faux dans les titres, gestion déloyale, faux renseignements sur des entreprises commerciales et infractions réprimées par la Loi fédérale sur les banques.

«Les faits sont suffisamment graves pour relever peut-être même de la gestion déloyale des intérêts publics», ajoute Paolo Bernasconi.

BCV consternée

L’annonce de ces conclusions a fait l’effet d’une bombe mercredi soir. Olivier Steimer, actuel président du conseil d’administration de la Banque cantonale vaudoise, se dit «surpris, consterné et déçu». Même s’il ne veut pas préjuger des conclusions finales du juge d’instruction.

Sans tarder, plusieurs têtes sont tombées parmi ceux qui étaient aux commandes de la BCV en 1996.

Le conseil d’administration s’est séparé «avec effet immédiat et pour justes motifs», de Pierre Fischer (actuel vice-président de la BCV), de Ralph Ziegler(directeur général) et de Bernard Kraehenbuhl (chef Compliance et ancien directeur général).

Le conseil d’administration enregistre également la démission de Jean-Pierre Launaz (secrétaire général).

L’Etat de Vaud n’est pas épargné non plus, puisque le chef de l’administration cantonale des impôts, Jean-Marie Brandt (ancien membre de la direction générale de la BCV) a également démissionné avec effet immédiat.

Recapitalisations

Les manipulations comptables sont à l’origine de l’identification et de la présentation tardive des besoins de fonds propres auxquels la BCV a été confrontée récemment, conclut l’expert Paolo Bernasconi.

Plus grave, selon Paolo Bernasconi, dans l’état des risques de l’exercice 1996, un problème «saute aux yeux». En effet, début 1997, la direction générale (DG) a volontairement présenté des chiffres qui étaient plus favorables qu’ils l’étaient en réalité.

En clair, il existe 316 millions d’écart dans les provisions entre le document de travail fourni par la division commerciale et le document signé par la DG.

Le réviseur interne avait alors mis en garde contre un «éventuel faux dans les titres».

«Opération de gommage»

En outre, dès l’exercice 1997, la BCV a changé sa méthode de provisionnement. Elle a appliqué un taux forfaitaire linéaire de 45%, au lieu d’un taux adapté à chaque catégorie de crédit. Elle maintenait ainsi son niveau de provisions en deçà des besoins réels.

Pour Paolo Bernasconi, il est difficile de dire précisément qui est responsable de cette «opération de gommage».

En plus de Gilbert Duchoud et de Jacques Treyvaud (présidents de la direction générale et du conseil d’administration), l’expert retient deux autres noms.

A savoir celui de Raymond Pidoux (directeur de la division commerciale) et celui de Daniel Crausaz (chef du département des affaires spéciales de la banque).

Pas de réaction

Le comité de banque (organe restreint du Conseil d’administration) a été informé de «manière assez compréhensible» de cette méthode de provisionnement, constate Paolo Bernasconi. Mais il n’a pas réagi.

Enfin, l’expert tessinois met également en cause le réviseur externe de l’époque, Atag, Ernst & Young.

Seul le juge, au terme de son enquête, pourra établir exactement quels membres de la BCV étaient véritablement au courant de ces pratiques.

Il n’y a pas d’indice d’enrichissement illégitime. Mais, sans ces manipulations comptables, la banque aurait connu des pertes en 1996 et n’aurait pu verser de dividende.

Regagner la confiance

Rappelons que cette gestion discutable a entraîné trois recapitalisations successives, dans lesquelles l’Etat a dû injecter plus de 2 milliards de francs.

D’ailleurs, une recapitalisation à hauteur de 1,25 milliard de francs doit être avalisée par les actionnaires le 5 février prochain.

Selon Olivier Steimer, il n’y aurait plus cadavres dans les placards. Quoi qu’il en soit, l’actuel président du conseil d’administration de la BCV a décidé de mettre en place «des éléments de communication à l’interne et à l’externe pour rétablir la confiance».

De nombreuses plaintes

Il faut noter que les plaintes pénales de la BCV et du Conseil d’Etat vaudois s’ajoutent aux huit déjà en possession des services du juge d’instruction cantonal.

En effet, un magistrat à plein temps enquête depuis le début de l’année sur la BCV.

Le rapport de Me Bernasconi constitue évidemment une pièce très importante du dossier, a déclaré jeudi Jacques Antenen, juge d’instruction cantonal. Chargé de l’affaire, le juge Patrick Auberson va prendre le temps d’étudier le document en profondeur.

Pour sa part, la police cantonale a aussi demandé des moyens supplémentaires au Conseil d’Etat afin de pouvoir affecter des policiers spécifiquement à cette enquête.

Le travail d’investigation des juges et des inspecteurs va, sans doute, durer plusieurs mois.

«Nous ne pouvons pas faire de pronostics, mais les effectifs supplémentaires sont engagés sur cette affaire en tout cas jusqu’à la fin de l’année», a expliqué M. Antenen. Il a ajouté: «Cela m’étonnerait qu’on ait fini à ce moment-là, nous ferons donc le point.»

swissinfo avec les agences

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