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Cendres volcaniques: un réseau pour sécuriser le ciel

Reuters

Météo Suisse dirige un réseau européen de surveillance qui permettra de pister les nuages de cendres volcaniques. Et ce pour éviter qu’ils ne perturbent les vols des compagnies aériennes, comme en 2010. L’office fédéral devra coordonner le travail de 17 services météorologiques d’Europe.

C’était le 14 avril 2010. Les cendres du volcan islandais en éruption Eyjafjallajökull paralysaient du jour au lendemain une bonne partie du trafic aérien européen. 

Pour éviter un nouveau grounding, Météo Suisse vient d’inaugurer à Payerne (Vaud) E-Profile, un réseau européen de mesure des particules volcaniques. Et ce à la demande de l’association des services météorologiques européens – EUMETNET – initiateur du projet E-Profile. Et c’est  Météo Suisse – l’Office fédéral de météorologie et de climatologie – qui a obtenu la direction de ce réseau de mesure permanent des cendres volcaniques.

Nous retrouvons Dominique Ruffieux à la station aérologique de Payerne, qui est le centre de Météo Suisse pour les techniques de mesure en météorologie.

À côté d’un ceilomètre, un instrument de mesure par laser qui détecte les aérosols et les particules de cendres présentes dans l’atmosphère, le chef pour les données atmosphériques chez Météo Suisse explique: «Ces ceilomètres sont beaucoup moins chers que le système Lidar utilisé précédemment. Mais nous espérons qu’ils peuvent faire le même travail.» L’idée étant d’installer ces ceilomètres à travers toute l’Europe.

Suite à l’éruption de l’Eyjafjallajökull en 2010, la sécurité aérienne a ordonné l’immobilisation  de milliers d’avions pendant presque une semaine. Un grounding qui a coûté aux compagnies aériennes environ 1,8 milliard de dollars en pertes de revenus, selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (IATA).

Un an plus tard, un autre volcan islandais, Grimsvötn, a provoqué de nouvelles perturbations de l’espace aérien européen.

Dans les deux cas, les spécialistes de la sécurité aérienne avaient peu d’informations à leur disposition sur les panaches de cendres s’échappant à travers l’Europe.

Un budget raisonnable

Quant au coût du projet, il est encore difficile  à estimer. Mais le réseau lui-même nécessite un investissement modeste: environ 200’000 francs suisses annuels pour les cinq prochaines années.

«L’argent ne sert pas à la construction physique d’un réseau, déclare Bertrand Calpani, chef de la station de Payerne. Le financement permet seulement une meilleure coordination entre les services météorologiques européens.»

Les installations elles-mêmes sont financées par les services météorologiques nationaux, qui décident seuls quel matériel acheter. L’Allemagne, par exemple, est en passe d’achever son réseau national, tandis que d’autres pays ne font que commencer.

La difficulté provient du nombre de pays engagés dans ce projet, chacun des 17 Etats concernés ayant ses propres configurations. «Parce que les résultats sont hétérogènes, nous devons les coordonner afin d’offrir un bon produit pour les compagnies aériennes, les aéroports et les autorités aéronautiques», explique Dominique Ruffieux.

Si tout le monde semble d’accord qu’un système de suivi continental est nécessaire, il a fallu trois ans pour le faire démarrer.

«Vous devez avoir une coordination au niveau national pour mesurer, par exemple, les panaches de cendres. Et ce avant même d’envisager une coordination continentale, souligne Dominique Ruffieux. Or depuis les événements de 2010, la plupart des efforts ont été consacrés à la mise en place de systèmes nationaux».

Alors que Météo Suisse est le principal organisme du projet E-Profile, c’est un service météorologique du Royaume-Uni qui est responsable de recueillir et de redistribuer les données collectées à travers l’Europe.

Il y a plus de 500 volcans actifs dans le monde. Parmi les éruptions volcaniques qui ont perturbé le trafic aérien :

1980 – Mont St. Helens, États-Unis

1982 – Galungugung, Indonésie

1991 – Pinatubo, Philippines

1997 – Popocatepetl, Mexique

2010 – Eyjafjallajokull, Islande

2011 – Puyehue-Cordón, Chili

2011 – Grimsvötn, en Islande

 (Source: IATA)

Concentration dangereuse

Pour les spécialistes de la météo, il est important de suivre les événements en temps réel, d’identifier à la fois l’arrivée d’un nuage de cendres et son départ de l’espace aérien. Ce qui permet aux autorités de rouvrir les aéroports en toute sécurité dès que possible.

Les météorologues veulent également surveiller et mesurer soigneusement les concentrations de cendres. «Nous avons besoin de savoir si elles sont assez élevées pour provoquer des dégâts aux avions et à leurs moteurs à réaction. Ce qui implique aussi une mesure verticale du nuage.»^

En 2010, il n’était pas possible de mesurer à la fois la distribution horizontale et verticale du panache de cendres. Pour décider s’il était sûr de prendre les airs, les responsables de l’aviation s’étaient appuyés sur une combinaison de données sur les vols d’essai, les estimations des concentrations de cendres et les données du constructeur.

L’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) salue le développement du réseau, tout en soulignant ses limites: «Les mesures effectuées par le réseau de surveillance européen peuvent donner la hauteur et l’épaisseur de la couche de cendres. Mais elles ne peuvent nous donner qu’un profil très limité de la concentration de cendres.»

De leur côté, les chercheurs et les spécialistes de la météo impliqués dans le projet de surveillance sont convaincus qu’il apportera de bons résultats et se révélera comme un modèle ailleurs dans le monde.

«C’est un projet pilote, déclare Bertrand Calpini. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) à Genève va probablement prendre cet exemple pour montrer ce qui peut être fait sur d’autres continents comme l’Amérique du Sud ou en Asie où l’activité volcanique est régulière. »

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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