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Fabienne Pasquet et le roman, “travail de mémoire”

Fabienne Pasquet swissinfo.ch

Fabienne Pasquet, d'origine helvético-haïtienne, a publié en 2002 «La deuxième mort de Toussaint-Louverture».

Quand la fiction vise elle aussi à la réhabilitation.

C’est parce que Fabienne Pasquet en avait assez de voir passer à la trappe de l’histoire, blanche en général et française en particulier, certains personnages du passé caraïbe qu’elle a décidé de s’attacher à eux. «Une espèce de travail de mémoire», précise-t-elle.

Elle s’était déjà intéressée à Jeanne Duval, maîtresse et muse métisse de Baudelaire dans «L’ombre de Baudelaire», en 1996. Toujours aux Editions Actes Sud, elle a donc engagé sa plume au service de Toussaint Louverture.

La fiction pour faire revivre l’histoire

Le roman de Fabienne Pasquet n’est pas une biographie, loin de là. Mêlant l’histoire et la fiction, le rêve et la réalité, elle fait se rencontrer un jeune poète prussien, Heinrich von Kleist – réellement enfermé au Fort de Joux, en 1807 – et le personnage de Toussaint Louverture.

L’un et l’autre partagent la même cellule… à quatre ans d’écart. Qui est donc ce Toussaint-là? Le vrai? Son fantôme, un ectoplasme? Un rêve éveillé?

«Il m’a fallu bien sûr trouver un petit truc, puisque chronologiquement ça ne marchait pas! Mais les poètes ont la capacité de faire revivre les personnages, et les écrivains aussi, d’ailleurs! Donc j’ai utilisé cet avantage», dit Fabienne Pasquet dans un immense sourire.

Bonheur du dialogue

«Quel contraste entre un jeune blanc poète romantique sublime, et un vieux noir en train de pourrir dans sa cellule», constate l’auteur. La mise en scène voulue par Fabienne Pasquet vise évidemment à mettre en valeur les échanges entre Kleist et Toussaint.

L’un exalté, idéaliste et romantique, au sens originel du mot, l’autre rationnel et ironique. Alors on parle de Napoléon, de révolution, de liberté, de la vie, de la mort, du suicide – le Kleist historique finira d’ailleurs par se suicider.

«J’avais des thèmes qui me tenaient à cœur: le rapport à la liberté, au corps, à la mort et à l’écriture. Et ces deux personnages m’ont permis de les incarner», précise Fabienne Pasquet.

Europe et Caraïbe. Noir et blanc. Romantisme échevelé et pragmatisme révolutionnaire. Le roman de Fabienne Pasquet additionne les oppositions pour mieux les mettre en relation. Et faire se dégager de son récit une étrange ambiance, qui conjugue la revendication historique à la subjectivité de la poésie. C’est fort et habile.

swissinfo, Bernard Léchot

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