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Le roi du pétrole Marc Rich n’est plus

Poursuivi par les Etats-Unis, Marc Rich avait trouvé refuge en Suisse. RDB

L'homme d'affaires Marc Rich est décédé à l'âge de 78 ans d'une hémorragie cérébrale dans un hôpital de Lucerne. Le financier controversé, au parcours légendaire, est à l'origine du géant des matières premières Glencore.

Son corps sera transféré en Israël où il sera inhumé, a indiqué mercredi sa fondation. De son vrai nom Marcell David Reich, Marc Rich est né le 18 décembre 1934 à Anvers, en Belgique, dans une famille juive. Il émigre aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Marc Rich débute à vingt ans dans le métier chez l’une des plus grandes maisons de courtage, Philipp Brothers, devenue par la suite Phibro. En 1974, il fonde à Zoug avec plusieurs autres courtiers Marc Rich + Co, au départ modeste société spécialisée dans le négoce de pétrole brut, de métaux et de minéraux.

Au fil des ans et des acquisitions, l’entreprise se transforme en un géant des matières premières, avec d’importantes participations industrielles. Pionnier du négoce en pétrole et métaux, Marc Rich a réussi le tour de force de «briser quasiment tout seul le cartel des grands groupes pétroliers qui dominaient le marché du pétrole, du puits jusqu’à la pompe à essence», souligne le journaliste alémanique Daniel Ammann dans la biographie qu’il a consacrée à l’homme d’affaires.

Malgré les démêlés judiciaires de son fondateur, Glencore a poursuivi son incroyable essor. Géant très discret, le numéro un mondial des matières premières a dû lever le voile sur ses activités suite à son entrée en Bourse à Londres et Hong Kong en 2011.

Le groupe a le mois dernier finalisé sa fusion avec la firme minière Xstrata, également établie dans le canton de Zoug. Une opération évaluée à plus de 32 milliards de francs, et maintes fois retardée.

L’union des deux sociétés a donné naissance à un géant des matières premières générant un chiffre d’affaires cumulé de près de 200 milliards de francs, soit deux fois celui du numéro un mondial de l’alimentation Nestlé.

Grâce de Bill Clinton

Marc Rich fuit en 1983 les Etats-Unis pour se réfugier en Suisse. Il était poursuivi pour fraude fiscale ainsi que pour avoir contourné l’embargo sur l’Iran décrété après la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran en 1979.

Il était accusé d’avoir tiré parti de l’embargo, imposé en 1980 par les Etats-Unis, pour faire d’énormes bénéfices en vendant illégalement du pétrole iranien. L’homme figure pendant des années sur la liste des personnes les plus recherchées du monde par le FBI.

Il sera toutefois gracié in extremis en janvier 2001 par Bill Clinton, qui vit alors les dernières heures de son mandat de président des Etats-Unis. A l’époque, le premier ministre israélien Ehud Barak aurait lui-même téléphoné à Bill Clinton pour plaider sa cause. Marc Rich n’a jamais été reconnu coupable de ces accusations, souligne sa fondation.

Au bord du lac

Cette décision présidentielle fera grand bruit outre-Atlantique, du fait que Denise Rich, l’ex-femme de l’insaisissable homme d’affaires, a donné un million de dollars au Parti démocrate de Bill Clinton, peu avant que Marc Rich ne soit gracié.

Le financier, qui avait renoncé à sa citoyenneté américaine, était depuis longtemps établi à Meggen, sur les rives du lac des Quatre cantons, dans le canton de Lucerne. Sa fortune est estimée à 1 milliard de dollars. Malgré sa grâce, il n’a jamais remis les pieds aux Etats-Unis.

Marc Rich cède en 1994 sa participation majoritaire dans le groupe Marc Rich + Co. à ses cadres. Devenus des associés contrôlant l’entreprise, ces derniers la rebaptisent Glencore. L’homme d’affaires, qui avait la citoyenneté suisse et israélienne, est à l’origine de plusieurs organisations de bienfaisance, notamment actives dans l’éducation, la culture et la santé.

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«Un homme très charmant»

En 2009, son biographe Daniel Ammann avait souligné dans une interview à swissinfo.ch combien il avait été surpris par sa rencontre avec Marc Rich. «Un trader en matières premières travaille en quelque sorte dans les zones grises du capitalisme. Publiquement, on le décrivait comme le démon absolu, arrogant et sans scrupules. Mais c’est en fait une personne très charmante».

Daniel Ammann estime que Marc Rich avait simplement un «nez» pour les affaires. «Il avait le don d’anticiper des tendances et lorsqu’il s’est mis à son compte, il s’est rendu compte que le monde du négoce des matières premières était en train de basculer des mains des sociétés multinationales aux pays qui voulaient exploiter eux-mêmes leurs ressources. Ces derniers devaient pour cela compter sur des traders indépendants et Marc Rich a été l’un des premiers d’entre eux, notamment dans le pétrole».

Une des forces de Marc Rich était de réussir à réunir des partenaires d’affaires improbables, comme Israël et l’Iran après la chute du Shah. «Ce fut l’une de ses plus grandes réussites», estime Daniel Ammann.

L’auteur décrit également la Suisse comme une «cage dorée» pour Marc Rich. «Il a été effectivement poursuivi par les autorités américaines aux quatre coins du globe. Elles ont même tenté de l’enlever en Suisse. Il devait donc se montrer extrêmement prudent lorsqu’il voyageait, en évitant par exemple de traverser l’espace aérien étatsunien lorsqu’il s’envolait vers les Caraïbes ou l’Amérique du Sud».

(avec la collaboration de Matthew Allen)

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