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Fin des plaidoiries du procès de Dogu Perinçek

Dogu Perinçek attend avec confiance le verdict du Tribunal de police de Lausanne. Keystone

Le procureur général du canton de Vaud a requis une peine pécuniaire avec sursis et une amende contre le nationaliste turc qui a nié à plusieurs reprises le génocide arménien.

Le président du Parti des travailleurs turc comparaît pour atteinte à la norme pénale antiraciste. En 2005, il avait prononcé plusieurs discours en Suisse où il qualifiait les événements de 1915 de «mensonge international».

La culpabilité de Dogu Perinçek est «lourde», selon l’avocat général. Le leader nationaliste avait été averti de l’existence de la loi suisse qui punit le négationnisme.

Tout au long de son réquisitoire, le procureur a fustigé l’attitude du président du Parti des travailleurs turc, dénonçant «une certaine arrogance» de celui qui veut «donner des leçons».

Pour Eric Cottier, le procès de Lausanne n’est pas un tribunal de l’histoire car le génocide arménien est «un fait avéré, notoire, admis». De nombreuses instances internationales, la Chambre basse du Parlement et des parlements cantonaux l’ont reconnu. «C’est un fait définitivement reconnu par la Suisse», à son avis.

La motivation raciste de Dogu Perinçek ne fait pas de doute non plus. Le leader turc parle de complot, qualifie les Arméniens d’agresseurs. C’est pourquoi le procureur a requis 90 jours-amendes (100 francs par jours) avec sursis durant deux ans ainsi qu’une amende de 3000 francs contre le nationaliste turc.

Une enquête incomplète

Dans sa plaidoirie, l’avocat du nationaliste, Me Laurent Moreillon, s’est employé à contester cette vision des faits.

«On n’a pas fait le tour de la question» du génocide arménien et «il ne faut pas étouffer le débat historique». Selon lui, la tragédie de la Shoah n’est pas comparable à celle des Arméniens qui nécessite encore de la prudence car les preuves d’un génocide manquent.

Dogu Perinçek ne conteste pas les massacres, il ne nie pas les déportations massives d’Arméniens, mais refuse d’admettre le concept de génocide. Il met au «défi de démontrer que cela ait été orchestré». Ce n’est «pas un révisionniste, il n’est animé par aucune haine», a encore argumenté l’avocat.

Pour Me Moreillon, la Suisse n’a pas reconnu le génocide. Si la Chambre basse du Parlement l’a fait, ce n’est pas le cas de la Chambre haute. Idem pour le gouvernement qui préfère dire qu’il ne sait pas.

Sur cette base, Laurent Moreillon conteste la compétence du Tribunal de Lausanne pour asséner des vérités historiques et juge «inconcevable» que l’on puisse condamner son client.

Un débat d’historiens

En ouverture d’audience, l’avocat de l’Association Suisse-Arménie, Philippe Nordmann, a dépeint Dogu Perinçek de manière diamétralement opposée.

Le nationaliste est bien raciste et éprouve de «la sympathie» pour les génocidaires de l’époque. «C’est un meneur, un fin lettré» et les responsables des massacres sont ses «héros».

Quant au génocide, c’est une évidence. Il a été mis en place progressivement et l’éclatement de la Première Guerre mondiale a mis le feu aux poudres. La comparaison entre la Shoah et le sort des Arméniens peut être faite: climat de haine, peuple fautif, préparation de listes de personnes à éliminer.

Dernier à s’exprimer, Dogu Perinçek a répété ses thèses en soulignant que le débat appartient aux historiens et non pas à la justice. Le chef du Parti des travailleurs turcs estime que le débat qui s’est tenu durant deux jours devant le Tribunal de police aurait dû avoir lieu «dans une salle d’université».

La loi qui sanctionne le négationnisme n’est pas applicable dans le cas arménien, alors qu’elle est pleinement justifiée pour l’extermination des juifs par les nazis, selon lui.

Le verdict doit être prononcé vendredi en fin de matinée.

swissinfo et les agences

Dogu Perincek, président du Parti des travailleurs turc, répondait d’atteinte à la norme pénale antiraciste. En été 2005, il avait prononcé des discours dans les cantons de Vaud, Zurich et Berne sur la question arménienne et déclaré que le génocide arménien de 1915 était un «mensonge international».

En Suisse, la Chambre basse du Parlement ainsi que les parlements genevois et vaudois ont reconnu le génocide arménien, ce qui a provoqué des tensions diplomatiques entre la Suisse et la Turquie.

La norme pénale antiraciste a été approuvée à 54,7% des voix lors d’une votation populaire en 1994.

Depuis le 1er janvier 1995, l’article 261bis CP interdit la discrimination et l’atteinte à la dignité d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. L’article rend notamment punissable le négationnisme.

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