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Erreur humaine au Gothard

Le drame du 24 octobre 2001 dans le tunnel du Gothard reste unique en Suisse. Alptransit

Pour les experts et le Ministère public tessinois, la catastrophe qui a fait onze morts dans le tunnel du Gothard le 24 octobre est due à une erreur humaine.

Pour les experts de la police scientifique zurichoise et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le système de ventilation du Gothard a contribué à la propagation de l’incendie. Mais c’est la collision entre deux camions qui est à l’origine du sinistre.

La reconstitution a montré que l’accident s’est produit juste après l’entrée du tunnel. Un camion transportant 1 100 pneumatiques a heurté un panneau de signalisation. Puis il a touché la paroi de la galerie, avant de percuter un semi-remorque italien circulant en sens inverse.

L’enfer provoqué par cette collision a été décrit dans ses moindres détails jeudi à Bellinzone. Six mois après, Antonio Perugini le procureur tessinois chargé de l’enquête et une dizaine d’experts ont livré les résultats de leur enquête sur ce drame du 24 octobre 2001. Qui reste unique en Suisse.

Ivresse au volant

Ce jour-là, venant de Milan, le chauffeur turc Seyfi Aslan passe la frontière de Chiasso aux alentours de 6 heures du matin au volant d’un camion de la «Gül Transport» de Bruxelles. Et, à 9 heures et 39 minutes, il perd la maîtrise de son engin.

Il a donc fallu au routier turc plus de 3heures et demies pour parcourir les 108 kilomètres qui séparent Chiasso d’Airolo. Ceci, précise Antonio Perugini, parce qu’il s’est longuement arrêté sur l’aire autoroutière de Personico, au nord de Bellinzone.

L’enquête révèle que le chauffeur turc était en fait pris de boisson au moment de l’accident. L’autopsie du corps a en effet démontré que le taux d’alcoolémie de la victime était beaucoup trop élevé pour être simplement dû au processus normal de décomposition.

D’ailleurs, à Quinto, en Léventine, le camion avait été vu en train de zigzaguer. Et, à l’entrée du tunnel, Seyfi Aslan avait bien de la peine à diriger son camion.

Et Jörg Arnold, de la police scientifique de Zurich, de préciser que les traces de pneus relevées sur la chaussée le prouvent.

20 heures d’enfer

De l’avis des experts, au moment de la collision, Seyfi Aslan roulait à 40 km/h et le chauffeur italien qui roulait en sens inverse à 10 km/h seulement. Les deux camions se sont heurtés latéralement.

Sous le choc, le réservoir du poids lourd italien s’est fendu et du diesel s’est répandu sur la chaussée. Et c’est le court-circuit d’un câble électrique qui a provoqué l’étincelle qui a mis le feu au mélange d’essence et d’air.

Il a fallu à peine trois minutes pour que les deux poids lourds soient la proie des flammes. Sept véhicules seront détruits. Et onze personnes au total perdront la vie dans la catastrophe.

L’incendie durera plus de 20 heures, confirme Jean-Claude Martin, professeur à l’Institut de Police scientifique et de criminologie (IPSC) de Lausanne. Il a été favorisé par le chargement de pneus transporté par le camion belge.

Morts asphyxiés

Le chauffeur responsable du désastre n’est pas mort à bord de son véhicule. Son corps a été retrouvé à 300 mètres du camion. Le Turc a été asphyxié. Comme la quasi totalité des autres victimes.

Le système de ventilation qui s’est déclenché sept minutes après la collision était vieux de plus de 30 ans. «Il ne correspondait plus aux nécessités du tunnel, affirme Jacques-André Hertig, un ingénieur de l’EPFL. En l’occurrence, il a même aggravé la situation.»

Le procureur Antonio Perugini n’a pas donné d’indications sur les responsabilités pénale et civile de l’accident. Il s’est refusé à toute déclaration quant à une éventuelle action en justice.

Quant à la question de savoir qui payera l’ardoise de 18 millions de francs, elle reste, elle aussi, sans réponse.

swissinfo/Gemma d’Urso à Lugano

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