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L’heure des comptes pour la Rentenanstalt

Herbert Lüthy, directeur de l'OFAP, a rendu son verdict lundi. swissinfo.ch

Les anciens patrons de la Rentenanstalt / Swiss Life devront rembourser les gains accumulés via la société d'investissements LTS.

C’est du moins le verdict rendu lundi par l’autorité fédérale de surveillance des assurances. Les intéressés contestent.

Le 28 octobre 2002, Herbert Lüthy, directeur de l’Office fédéral des assurances privées (OFAP), convoque dans son bureau les dirigeants de Rentenanstalt / Swiss Life.

En fonction depuis deux semaines seulement, le nouveau patron de l’autorité de surveillance des assurances veut les entendre au sujet des affaires qui secouent le groupe depuis quelques mois.

Une double démission

Il y a d’abord eu les deux erreurs comptables, avouées à moins d’un mois d’intervalle, et qui plombent les résultats de l’assureur de près d’un demi-milliard de francs.

Puis est sortie au grand jour l’existence de LTS (Long Term Strategy), société d’investissements destinée à faire fructifier en bourse les capitaux des cadres de Rentenanstalt / Swiss Life, mais partiellement alimentée par des fonds appartenant au groupe.

Quelques jours plus tard, Roland Chlapowski, directeur exécutif de la Rentenanstalt, démissionne et Gerold Bührer se voit contraint de quitter la présidence nationale du Parti radical (centre droit). Son poste d’administrateur d’un groupe dans la tourmente est devenu incompatible avec sa fonction politique.

«Clairement insuffisant»

Lundi, l’OFAP a donc rendu les conclusions de son enquête. Et celles-ci sont plutôt sévères pour Rentenanstalt / Swiss Life.

«La création de la société LTS était légale, mais le contrôle de ses activités a été clairement insuffisant», note Herbert Lüthy.

En effet, la commission censée vérifier les activités de LTS n’a jamais siégé et les principes visant à exclure les conflits d’intérêts n’ont pas été mis en vigueur.

Par ailleurs, l’OFAP relève que «l’octroi d’un crédit par la Rentenanstalt et la garantie par celle-ci de positions sur dérivés ont permis à la LTS de prendre des risques qu’elle n’aurait pas pu assumer seule.»

Un joli pactole

Et ces risques se sont avérés payants. En deux ans et demi, LTS a permis à six membres de la direction de la Rentenanstalt d’empocher 11,5 millions de francs pour une mise de fonds de 3,8 millions.

Roland Chlapowski a été particulièrement bien servi, puisque son capital de départ de 967 000 francs lui a rapporté 3,2 millions.

Dans son rapport, l’OFAP mentionne les «circonstances heureuses» qui ont permis à LTS de ne pas faire de pertes, mais Herbert Lüthy souligne que, si pertes il y avait eu, celles-ci auraient dû être épongées par Rentenanstalt / Swiss Life.

Sur le dos des assurés

Pour l’OFAP, cela ne fait aucun doute: les assurés du groupe ont été lésés dans cette affaire.

En effet, des membres de la direction ont pu acquérir auprès de la Rentenanstalt des actions LTS à leur valeur nominale, malgré la plus-value acquise au moment de l’achat.

Le groupe a également accordé à LTS des crédits «pour des montants et à des taux d’intérêt non conformes aux usages du marché».

Pour Herbert Lüthy, «ces avantages ont été obtenus de manière illicite». En conséquence, les sommes indûment encaissées devront être remboursées à Rentenanstalt / Swiss Life.

Le directeur de l’OFAP intime donc au groupe l’obligation de réclamer ces sommes «par tous les moyens légaux». Selon Herbert Lüthy, le total devrait osciller entre un et 10 millions de francs.

L’épilogue de cette affaire n’est toutefois pas pour demain. En effet, le Ministère public zurichois a ouvert en novembre 2002 une enquête pénale contre la Rentenanstalt, en vue de déterminer le montant que l’assureur peut réclamer à ses anciens cadres. Et la procédure devrait durer de deux à trois ans.

Ce qui est acquis par contre, c’est que la Rentenanstalt devra s’acquitter des frais de l’enquête menée par l’OFAP, qui se montent à un million de francs.

Un recours annoncé

En attendant, les injonctions de l’OFAP ne semblent pas impressionner Manfred Zobl, un des anciens présidents de la direction de Rentenanstalt / Swiss Life.

Interrogé lundi par la radio alémanique DRS, il a dit sa conviction que les gains empochés et les activités en lien avec LTS n’étaient pas illicites. Selon lui, les intérêts des assurés n’ont jamais été mis en danger.

En conséquence, Manfred Zobl n’exclut pas un recours contre la demande de l’OFAP. L’organe responsable serait alors la commission de recours de l’Office fédéral des assurances privées.

Pas de manipulation des comptes

Quant aux deux erreurs comptables qui faisaient également l’objet de l’enquête de l’OFAP, la conclusion est claire.

Selon les experts fédéraux, «certains aspects administratifs et techniques ont été manifestement négligés pendant plusieurs années, soit à peu près jusqu’en été 2002».

Mais l’OFAP n’a trouvé «aucun indice d’une quelconque intention ou tentative manifeste de manipuler les comptes».

swissinfo et les agences

– Avec 3,8 millions de mise de fonds, les cadres de Rentenanstalt / Swiss Life ont gagné 11,5 millions de francs en deux ans et demi via la société d’investissements LTS.

– LTS n’aurait jamais pu prendre les risques qu’elle a pris sans le soutien du groupe d’assurances.

– Si LTS avait essuyé des pertes, en revanche, celles-ci auraient été épongées par Rentenanstalt / Swiss Life.

– Après enquête, l’Office fédéral des assurances privées (OFAP) juge que le contrôle exercé sur LTS a été insuffisant et que cette affaire a lésé les intérêts des assurés de Rentenanstalt / Swiss Life

– En conséquence, les sommes indûment acquises par les anciens cadres devraient être restituées.

– L’ancien président de la direction conteste les conclusions de l’OFAP et envisage de déposer un recours.

– Pendant ce temps, le groupe, qui avouait l’automne dernier deux grosses erreurs comptables, boucle l’exercice 2002 sur une perte de 1,7 milliard de francs.

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