L’une des plus grandes galeries d’art au monde

Dans les Préalpes fribourgeoises, on dénombre plus de 500 poyas accrochées aux murs des fermes. Selon un art populaire savamment orchestré, depuis près de deux siècles, ces tableaux représentent la montée des troupeaux de vaches à l'alpage.
«La Gruyère et les districts environnants (la Veveyse, la Glâne et la Sarine), sont une des plus grande galerie d’art du monde, lance Denis Buchs, conservateur au musée gruyérien, à Bulle. La grande majorité des fermes arborent toujours une poya. Elles sont restées fidèles à la tradition».
Depuis le 19e siècle, la coutume veut que les façades des domaines de ces régions préalpines soient ornées de grands tableaux faisant la part belle aux bovins et aux autres animaux d’élevage. «Ces représentations mesurent généralement entre 3 et 4 mètres de long», explique Denis Buchs.
Pour les fermes, ce sont, en quelque sorte, des enseignes. Pas question donc pour un éleveur de la race de Read Holstein d’exhiber une poya qui représente un troupeau de «tachetées noires».
«Au fil du temps, certains éleveurs se sont spécialisés dans l’élevage de l’une ou de l’autre des deux races, confirme Denis Buchs. Ils ont alors fait changer leur poya pour rester conforme à la réalité de leurs étables».
Autant dire que, dans la région, on ne badine pas avec les symboles. La poya doit répondre à certains critères bien définis. Même si une certaine marge de manœuvre est laissée à l’artiste.
Il n’y a pas vraiment de style homogène. Certains artistes adoptent une peinture faite de détails et de minutie. Et d’autres s’expriment de manière plus rustique et plus naïve. «Mais, précise Denis Buchs, selon une hiérarchie parfaitement codifiée, tous représentent le moment-clé de la vie paysanne: la montée des troupeaux à l’alpage».
Conformément à un ordre orchestré de longue date, l’artiste peint, à la tête du troupeau, le «train de chalet». Autrement dit le chariot qui permet de monter le matériel à l’alpage.
Les vaches sont dessinées selon leur rang. Muni d’une cloche, le bovin dominant prend la tête de l’expédition. Alors que les génisses, elles, se retrouvent à la queue du peloton.
Enfin, le propriétaire du domaine occupe toujours une place centrale. Alors que le garçon de chalet, lui, est relégué dans le fond du tableau.
Rien n’est laissé au hasard. Pas même le positionnement du paysage environnant et des objets. «Les poyas sont des tableaux de commande, explique Denis Buchs. Elles répondent généralement aux souhaits des paysans qui veulent y voir figurer des éléments familiers. Même si, dans la réalité, tous ne se situent pas dans le même périmètre».
Et, selon les spécialistes, le comble de la réussite, c’est quand l’éleveur arrive à reconnaître ses bêtes favorites sur la poya qu’il a commandée.
Vanda Janka

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