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«La Francophonie reste spectatrice» de la crise

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La crise financière se fera sentir au Sud. En Afrique notamment. Que peut-y faire la Francophonie réunie en sommet à Québec? Pas grand chose, selon la Malgache Lantosoa Rakotomalala, spécialiste de la finance, de l'entreprenariat et des processus d'intégration économique régionale.

Il y a quelques années, Lantosoa Rakotomalala a notamment créé l’incubateur d’entreprises ICREA de l’Agence universitaire de la Francophonie à Antananarivo.

Universitaire de terrain, la Malgache jette un regard «autorisé» sur la crise financière, dont le XIIe Sommet de la Francophonie s’est emparé à Québec.

swissinfo: La crise financière obnubile les pays du Nord. Qu’en est-il au Sud?

Lantosoa Rakotomalala: La crise financière internationale que nous traversons actuellement aura un impact à très court terme sur les pays du Sud. Mais pour l’instant, on ne sent pas encore très bien le phénomène.

Il faut reconnaître que l’Afrique n’est pas vraiment un continent directement sensible à ce type de crise financière. Elle l’est plutôt indirectement. C’est pourquoi l’impact ne se fait pas encore sentir.

swissinfo: Qu’entendez-vous par «très court terme»?

L.R.: Peut-être avant la fin de l’année, lorsque les réserves de banques présentes dans les pays du Sud commenceront à être touchées. Pour l’instant, le problème est localisé dans les pays du Nord. L’impact sur les mécanismes de refinancement au niveau des pays du Sud n’est pas encore concret.

Il faut savoir que le Sud ne dispose pas vraiment de sources de financement qui lui sont propres. Les banques qui travaillent en Afrique et à Madagascar se refinancent auprès de leurs sociétés mères.

swissinfo: Faut-il s’attendre à ce que cette crise touche durement Madagascar et les autres pays du continent?

L.R.: Oui, je crois qu’elle va les toucher durement. Sur quelle étendue, on ne le sait pas encore. Car la crise commence, peu ou prou, à se régler au Nord.

swissinfo: Attendez-vous un impact sur l’économie réelle, puis au niveau social et politique?

L.R.: L’impact sera économique tout d’abord. Ce qui fait marcher l’économie, ce sont les financements. Il faut donc que les entreprises arrivent à en trouver pour tourner.

La crise financière touche avant tout les entreprises. Si elles n’arrivent pas à trouver le financement nécessaire pour investir mais aussi pour leur fond de roulement quotidien, bien évidemment, cela aura un impact social. Par la suppression d’emplois, qui commence à intervenir, mais aussi par la disparition d’activités économiques en tant que telles.

Conséquences de tout cela, à moyen terme: des conflits sociaux dus essentiellement à l’augmentation des prix sur le marché – prix de l’alimentation, des carburants, etc.

swissinfo: Face à la crise et ses conséquences, la Francophonie peut-elle agir concrètement?

L.R.: La Francophonie reste spectatrice, et continue son petit bonhomme de chemin dans sa mission quotidienne. Il s’agit d’une crise financière mondiale, et les choses se règlent plutôt à un niveau gouvernemental, de chaque pays. Même en Europe, la crise n’a pas été réglée globalement, mais beaucoup plus au niveau de chaque pays.

swissinfo: Jusqu’ici au sein de la Francophonie, les pays du Sud avait de la peine à se faire entendre face au néolibéralisme du Nord. La remise en question induite par la crise va-t-elle laisser plus de place à ces pays?

L.R.: C’est une question délicate. A l’heure actuelle, il s’agit d’une tendance qui n’est pas encore réversible. Et pour moi, avec le néolibéralisme extravagant du Nord, le Sud ne peut que subir.

swissinfo: Quel bilan tirez-vous de l’action de la Francophonie en tant qu’instrument de développement économique?

L.R.: Il est encore difficile de tirer un bilan pour tout ce qui touche au rôle de la Francophonie dans le développement économique. En effet, dans sa mission principale, la Francophonie n’a pas vraiment laissé une large place aux questions économiques. Reprocher à la Francophonie de n’avoir rien fait est malaisé, on nous répondra qu’elle ne s’est pas engagée sur ce plan.

Une certaine volonté d’agir dans ce domaine existe, mais elle ne s’est pas vraiment exprimée. La Francophonie s’est cantonnée au domaine culturel, linguistique et autres et n’ose pas vraiment s’avancer pour dire: en matière économique également, nous sommes présents.

Certains efforts concrets existent toutefois, notamment à travers les différents séminaires et formations que la Francophonie organise depuis 2004 en matière de négociation commerciale internationale pour les pays du Sud. Autrement dit, la Francophonie œuvre pour aider les pays du Sud à intégrer l’économie mondiale.

Mais jusqu’ici, en matière économique, je qualifierais le travail de la Francophonie de plutôt «soft».

Interview swissinfo, Pierre-François Besson à Québec

Les délégations de plus de 60 Etats et gouvernements ont rendez-vous à Québec entre le 17 et le 19 octobre pour le 12e Sommet de la Francophonie.

Au menu des discussions, la crise financière et la situation politique internationale mais aussi la démocratie et l’État de droit, la gouvernance économique, l’environnement et la langue française.

Plus haute instance de la Francophonie, cette conférence réunit les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Fondée sur le partage du français, l’OIF compte 55 États et gouvernements membres et 13 observateurs, totalisant une population de 803,44 millions de personnes.

Fondée sur un ensemble de valeurs universelles, l’OIF mène une action politique en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme et anime dans tous les domaines une concertation entre ses membres.

Membre de l’OIF depuis 1989, elle participe à plusieurs organisations comme l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l’Association internationale des Maires francophones (AIMF), TV5 Monde, l’Université Senghor d’Alexandrie.

La Suisse est aussi représentée au sein de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (AUF), de la Conférence des ministres de la Jeunesse et des sports des pays francophones (CONFEJES) et de celle des ministres de l’éducation des pays francophones (CONFEMEN).

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