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La grogne des banques suisses au Japon

Une fois n'est pas coutume, les banques suisses se fâchent. Elles dénoncent, de concert avec la toute puissante Chambre de commerce américaine, le refus des autorités japonaises de faciliter les fusions d'entreprises ou leur rachat par des investisseurs étrangers. Ils demandent la révision du Code du commerce nippon.

Il faut dire que, ces dernières années, les banques suisses à Tokyo ont renforcé leurs départements de fusions et d’acquisitions dans l’espoir d’une prochaine libéralisation de ce secteur.

Le premier coup de colère est donc venu de la Chambre de commerce américaine à Tokyo. Celle-ci déplore le retard japonais dans un domaine où la plupart des pays industrialisés les plus avancés – Suisse incluse – encouragent l’intégration de leurs industries et de leurs marchés des capitaux par le biais des activités de fusions et acquisitions à l’échelle internationale.

Les banques suisses ont suivi ce mouvement de grogne. D’autant plus qu’elles ont consenti des investissements considérables ces dernières années.

«Beaucoup de nos grands clients européens et américains veulent profiter de la faiblesse momentanée de l’économie japonaise pour acquérir à bas prix d’excellentes entreprises qui traversent une zone de turbulence», déclare un responsable d’une grande banque suisse à Tokyo qui souhaite conserver l’anonymat.

Selon lui, «c’est une chance, unique pour eux, d’accroître leur présence au Japon par des fusions ou des acquisitions. Les groupes pharmaceutiques suisses ne cachent pas leur intérêt pour certains de leurs rivaux japonais. Sans mentionner les assureurs suisses».

Or dans sa révision de son Code du commerce, «le Japon omet de rendre plus facile la vie des groupes étrangers spécialisés dans les fusions et acquisitions», souligne ce responsable d’une grande banque suisse.

Ce dernier a participé au sein de la Chambre de commerce américaine à l’élaboration d’un manifeste et d’une liste de recommandations soumises, aujourd’hui, aux autorités japonaises pour qu’elles corrigent cette omission.

Ce même banquier observe qu’en Europe et aux Etats-Unis, l’utilisation d’actions comme monnaie pour l’acquisition d’une entreprise est pratique courante. C’est ainsi que l’UBS a pu racheter la banque de gestion de patrimoine PaineWebber aux Etats-Unis.

«Au Japon, ce n’est pas possible. Si Nestlé veut racheter une entreprise japonaise, il ne peut pas le faire par l’échange d’actions. Il est forcé d’avoir recours à l’emprunt bancaire ou a ses fonds propres», ajoute le même banquier.

Les fusions et acquisitions pour des banques comme l’UBS et le Credit Suisse sont l’un des domaines d’activités les plus rentables. Sauf au Japon où la Chambre de commerce américaine suspecte les autorités japonaises de vouloir protéger leurs entreprises contre des acquisitions étrangères non sollicitées.

«Les entreprises japonaises ont peur d’être reprises par des étrangers. Elles n’acceptent de l’être que lorsqu’elles sont au bord de la faillite. L’on peut imaginer que Nestlé soit intéressé par le rachat d’une société en difficulté comme Snow Brand. Il a, d’ailleurs, passé une alliance avec le premier producteur japonais de produits laitiers. Et celui-ci doit craindre l’éventualité d’une offre d’achat hostile de la part du groupe suisse», note un avocat d’affaires suisse à Tokyo.

En omettant, dans la révision de son Code du commerce, de libéraliser le domaine des fusions et acquisitions, le gouvernement japonais veut s’assurer que ses entreprises, du moins les plus saines d’entre elles, ne tombent pas entre des mains étrangères.

Mais Yasuyuki Kasai, un directeur du ministère de l’Economie, réfute une telle accusation de protectionnisme.«Nous entendons adresser la question des fusions et acquisitions mais il nous faut du temps car elle est d’une grande complexité juridique et technique», affirme-t-il.

Georges Baumgartner, Tokyo

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