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Genève sur le point de classer son enquête sur le Kremlingate

Bernard Bertossa, procureur général de Genève, critique toujours la décision de la justice moscovite de clore l'affaire Mabetex. Keystone / AP Photo / Donald Stampfli

L'affaire Mabetex-Mercata, du nom de ces deux sociétés tessinoises soupçonnées d'avoir versé des pots-de-vin à de hauts fonctionnaires russes en échange de travaux de rénovation du Kremlin, risque de se terminer en queue de poisson.

Décidément, les dossiers russes ne conviennent pas aux juges genevois. Après que l’Etat de Genève ait dû verser 800 000 francs d’indemnisation à Serguei Mikhailov, accusé à tort d’être un parrain de la mafia, c’est l’affaire Mabetex-Mercata qui va probablement aboutir dans une impasse.

Le classement est une possibilité indique Bernard Bertossa, procureur général de Genève. «J’attends encore une communication plus précise des autorités russes sur Mabetex pour faire le point avec le juge Daniel Devaud, en charge du dossier, au début de l’année prochaine», explique le magistrat.

Pour les enquêteurs genevois, les coups ont été rudes ces derniers jours. Mercredi, le Parquet russe a annoncé la fermeture du dossier Mabetex. L’affaire, qui mettait notamment en cause l’ancien président Boris Eltsine et Pavel Borodine l’ex-intendant du Kremlin, a été close «pour absence de délit».

Un verdict qui n’a pas vraiment surpris les spécialistes dans la mesure où, depuis plusieurs mois, il devenait évident que l’administration du nouveau président Vladimir Poutine désirait enterrer cet embarrassant dossier.

En revanche, jeudi, la décision de la Chambre d’accusation de Genève de débloquer les comptes de Mercata a probablement laissé pantois le juge Devaud. Dans une ordonnance de 18 pages, que swissinfo s’est procurée, la Chambre estime «que le dossier pénal, en son état actuel, ne comporte que des soupçons, mais point d’indices suffisants de la commission des infractions visées».

En clair, après une année et demie d’investigations, le juge n’a pas réussi à établir que des opérations délictueuses ont été réalisées en Russie. «L’enquête a essentiellement porté sur l’établissement de flux financiers, (…) mais n’a pas permis de déterminer que des actes de blanchiment ont été commis».

La Chambre «ordonne la levée immédiate» des séquestres frappant les comptes bancaires de la société Mercata et ceux de son patron, Viktor Stolpovskikh. En réalité, seulement une partie des 60 millions de dollars concernés sera débloquée car un second ordre de gel du juge Devaud, portant sur un autre volet du dossier est encore en attente d’un jugement de cette même juridiction.

«Cela démontre que le juge Daniel Devaud a fait chou blanc dans ses enquêtes, c’est le triomphe du droit», estime Lucio Amoruso, avocat de Mercata. Une vision que ne partage pas Bernard Bertossa.

Dans une interview publiée dans le quotidien russe Segodnia, le procureur critique la décision de la justice moscovite de clore l’affaire Mabetex. Il estime «que la justice russe agit en fonction de partis pris politiques et qu’il y a deux poids deux mesures selon que l’on est ami ou opposant au régime».

Pavel Borodine «a d’excellentes relations avec le pouvoir en place et il a été lavé des soupçons qui pesaient sur lui, bien que les numéros des comptes bancaires et les renseignements sur les sommes qu’il a perçues aient été transmis à Moscou par la justice suisse», explique le procureur genevois.

Luigino Canal

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