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George Weah, le footballeur qui rêve d’être président

George Weah a remis leur «FIFA Master» à 29 lauréats vendredi à Neuchâtel. swissinfo.ch

George Weah était vendredi à Neuchâtel pour remettre un master universitaire spécialisé dans le sport à 29 étudiants. L’ancienne star du football en a profité pour revenir sur le Mondial en Afrique du Sud et confirmer sa candidature à la présidentielle libérienne de 2011.

La chaleur et une atmosphère estivales régnaient vendredi matin dans la salle du Conseil général (parlement) du canton de Neuchâtel. «Ne vous inquiétez pas, vous passerez une excellente journée», lance sur le ton de la boutade Bertrand Reeb, directeur du Centre international d’étude du sport (CIES), au ministre Philippe Gnaegi, faisant allusion aux fortes tensions qui secouent actuellement le gouvernement neuchâtelois.

A leurs côtés, des représentants du monde académique, de la FIFA ou encore Denis Oswald, membre du comité exécutif du CIO. Mais la star du jour, c’est George Weah, footballeur reconverti dans la politique, venu spécialement de Floride, où il réside, pour remettre leur «FIFA Master» (diplôme couronnant une année d’étude en management, droit et sciences humaines du sport) aux 29 lauréats issus de 23 pays.

Voix du football mais aussi de l’Afrique – il est une véritable légende vivante sur le continent, au même titre que Roger Milla – George Weah a accordé un entretien à swissinfo.ch, dans lequel il revient sur la Coupe du monde en Afrique du Sud mais aussi sur son intention de se représenter à l’élection présidentielle libérienne de 2011.

swissinfo.ch: George Weah, pourquoi avez-vous accepté de parrainer cette 10e édition des «FIFA – Master»?

George Weah: C’est un grand honneur pour moi d’avoir été invité à Neuchâtel. Il est primordial de donner une formation de haute qualité à ces futurs managers du sport. Ils devront désormais appliquer ce qu’ils ont appris dans leur carrière professionnelle. Le sport est le vecteur d’union le plus puissant au monde, il dépasse les clivages sociaux, économiques et politiques. Ces futurs managers sont les garants de cette mission qui doit perdurer.

swissinfo.ch: Vous étiez ambassadeur de la récente Coupe du monde en Afrique du Sud. Comment avez-vous vécu cet événement ?

G.W.: L’Afrique du Sud a merveilleusement bien organisé cette Coupe du monde. C’est une victoire et une fierté pour le continent tout entier. Beaucoup ont rigolé lorsque la FIFA a porté son choix sur ce pays. Ils ont eu tort. Durant un mois, le pays s’est montré uni et la sécurité des visiteurs a été assurée. Personnellement, je souhaiterais remercier Monsieur Blatter, qui s’est beaucoup battu et qui a toujours soutenu l’Afrique, même lorsque les critiques étaient sévères.

swissinfo.ch: Quel héritage cette Coupe du monde laissera-t-elle à l’Afrique du Sud et plus généralement au continent africain?

G.W.: Beaucoup de choses. Des infrastructures, des emplois, mais surtout un esprit entreprenant qui subsistera. L’Afrique du Sud a fait œuvre de pionnière, elle a montré la voie à suivre à d’autres pays du continent.

swissinfo.ch: Hormis le Ghana, quart de finaliste, les équipes africaines ont toutes échoué au premier tour de la compétition. Comment expliquez-vous un tel échec?

G.W.: Il y a plusieurs éléments qui expliquent ce ratage. Les équipes africaines n’étaient tout simplement pas prêtes pour la compétition. Certaines fédérations ont changé d’entraîneur trois semaines avant le Mondial. On ne peut pas décemment espérer des miracles dans de telles conditions. Ensuite, on a vu que les équipes qui ont brillé durant ce Mondial sont celles qui pratiquaient un jeu offensif. Pour gagner, il faut marquer des buts. J’espère un jour que les Africains comprendront cela. Le football n’est pas seulement une science tactique, il faut que les Africains jouent avec leurs qualités: la puissance et la rapidité.

swissinfo.ch: La quasi-totalité des joueurs africains évolue en Europe. Est-ce véritablement une bonne chose pour le football africain?

G.W.: C’est important que des joueurs africains puissent évoluer dans des clubs professionnels en Europe. Cela ouvre de belles opportunités, et j’ai aussi pu en profiter moi-même. Mais beaucoup d’entraîneurs oublient de former la base. Les sélectionneurs nationaux, en place souvent pour peu de temps, comptent uniquement sur les professionnels évoluant en Europe. Il faudrait davantage faire confiance aux joueurs locaux, dotés d’une meilleure technique, et leur donner les moyens d’élever leur niveau en vue des grandes compétitions. Ensuite seulement, il faudrait renforcer l’équipe par des professionnels évoluant en Europe. Cela donnerait une meilleure cohésion et une plus grande unité au sein des sélections nationales africaines.

swissinfo.ch: Après le football, vous avez décidé de vous lancer dans la politique. Pourquoi ce choix?

G.W.: Ce sont les Libériens qui m’ont demandé de venir les aider. J’aime mon pays et il me tient à cœur de le servir. Lors de la présidentielle de 2005, nous avons échoué de justesse, mais notre parti, le Congrès pour le changement démocratique (CDC), est le plus populaire du Libéria. Je vais me représenter en 2011, car beaucoup de gens ont besoin de nous. J’espère qu’un jour nous aurons l’opportunité de changer notre pays.

swissinfo.ch: En 2005, vos adversaires ont estimé que vous faisiez preuve de beaucoup d’amateurisme. Un footballeur a-t-il vraiment sa place à la tête d’un Etat?

G.W.: Ce sont des slogans de campagne politique. Il suffit de regarder ce qui se passe à Neuchâtel. Ces diplômés vont diriger les grandes institutions sportives internationales. Au départ, ce sont tous des amoureux du sport. S’ils ambitionnent de devenir un jour président de leur pays, va-t-on les en empêcher sous prétexte d’avoir fait du sport auparavant? Et que va-t-on dire à Michel Platini, ancienne star du football et aujourd’hui patron de l’UEFA?

Moi, je me sens prêt à diriger mon pays. Les Libériens ont besoin de personnes qui veulent réellement changer leur vie.

swissinfo.ch: Le Libéria vient d’obtenir une importante remise de dettes. N’est-ce pas là un signe que les réformes avancent et que le gouvernement d’Ellen Johnson Sirleaf fait du bon travail?

G.W.: Aujourd’hui au Libéria, la corruption est omniprésente, la population est sans travail et la pauvreté toujours très importante. On ne peut pas dire que les choses avancent. Nous avons certes fait un pas dans la bonne direction, car après quinze ans de guerre civile, nous vivons désormais en paix.

Mais cette paix n’existe que parce qu’elle répond aux vœux de l’opposition. Lors des deux tours de l’élection présidentielle de 2005, nos adversaires ont triché pour accéder au pouvoir. Malgré cela, nous avons décidé de ne pas contester les résultats afin de ne pas mettre en péril la paix fragile. J’espère que nous réussirons tous ensemble à construire un Etat démocratique et à faire avancer notre pays.

Samuel Jaberg, Neuchâtel, swissinfo.ch

Né le 1er octobre 1966 au Libéria, il possède les passeports libérien, français et américain. Il vit actuellement en Floride.

Il a évolué à l’AS Monaco, au Paris Saint-Germain, au Milan AC, à Chelsea, à Manchester City et à Marseille. Il a arrêté sa carrière de footballeur en 2003. Il a notamment remporté le championnat de France avec le PSG en 1994 et celui d’Italie avec le Milan AC en 1995.

Il a décroché à trois reprises le Ballon d’or africain (1989, 1994, 1995). En 1995, il est devenu le premier et jusqu’ici unique joueur africain à se voir décerner le Ballon d’or.

En 2005, il tente une reconversion dans la politique en se présentant à l’élection présidentielle libérienne sous les couleurs du Congrès pour le changement démocratique (CDC). Arrivé en tête du premier tour, il échoue finalement face à sa principale adversaire, l’économiste Ellen Johnson-Sirleaf, qui devient la première femme à accéder à la présidence d’un Etat africain.

Depuis 1997, George Weah est ambassadeur de l’UNICEF. Il est également à la tête d’une fondation en faveur d’enfants libériens.

Pluridisciplinaire. Créé en 2000 conjointement par la FIFA et le CIES (Centre international d’étude du sport) à Neuchâtel, le «FIFA Master» est un Master of Advanced Studies (MAS) dédié au sport. Il couvre les domaines du management, du droit et des sciences humaines.

Succès. Plus de 250 étudiants en provenance de 70 pays ont suivi ce cursus universitaire d’une durée d’un an et dispensé par trois universités: De Montfort (Leicester, Angleterre), Bocconi (Milan, Italie) et Neuchâtel. Quelque 200 dossiers de candidature sont étudiés chaque année.

CIES. Créé en 1995, le Centre international d’études du sport de Neuchâtel est le fruit d’un partenariat entre la Fédération internationale de football (FIFA), l’Université de Neuchâtel, la Ville et le Canton de Neuchâtel. Il a pour mission de développer des activités de recherche, de formation et de consulting au service de la communauté sportive.

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