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Giovanni Segantini le peintre de la lumière engadine

Midi dans les Alpes. © Foto Flury, Pontresina

La fulgurante et ascendante œuvre de Giovanni Segantini (1858-1899) occupe les cimaises de la Fondation Beyeler jusqu’au 25 avril. Magnifique parcours que celui qui marqua ses contemporains avant d’être longtemps oublié.

Même si des bancs de brume restent accrochés au petit village de Riehen, en région bâloise, la Fondation Beyeler illumine le paysage, encore plus avec l’exposition en cours. Les œuvres exposées sont celles de Giovanni Segantini, qui a trouvé son style au fur et à mesure qu’il s’établissait plus haut en altitude, de déménagement en déménagement.

Même si le parcours de l’exposition – fait de 45 toiles et d’une trentaine de dessins – reste, architecture muséale oblige, plat, le visiteur aura, presque à coup sûr, l’impression de monter, en même temps que le peintre, vers des ciels plus brillants et des airs plus transparents.

Riche idée de la fondation d’avoir non seulement choisi l’hiver pour faire ressortir les couleurs de Segantini, mais aussi, en premier lieu, de redonner une place entière à cet artiste. Plus aucune rétrospective n’avait été organisée en Suisse depuis celle du Kunsthaus de Zurich (1990) puis celle de St-Gall (1999) pour le centenaire de sa mort.

Orphelin à 8 ans, Giovanni Segatini (il rajoutera le «n» plus tard) vit chez une demi-sœur à Milan, sœur qui ne s’occupe guère de lui. Mais il sait ce qu’il veut: peindre.

Après un apprentissage chez un peintre de décoration et des cours du soir, il rencontre, à 21 ans, son marchand, Vittore Grubicy de Dragon, et sa compagne, Luigia («Bice») Pierina Bugati, avec qui il aura quatre enfants.

Le musée accueille le visiteur par un stupéfiant panorama, «St-Moritz en hiver», peint en 1898. Une couche ocre recouvre les sommets et quelques bâtiments, qui se découpent comme les traits d’une estampe japonaise.

 

Autoportraits

Le parcours est organisé de façon chronologique. Parmi les œuvres qu’on pourrait dire «de la ville» ou «de la plaine», par rapport aux travaux ultérieurs, plusieurs portraits happent le spectateur par l’intensité de leur expressivité.

Un premier autoportrait (l’exposition en présente six sur les sept existant), peint en 1882, montre un Segantini aux yeux hagards, sur un fond presque noir. Les autoportraits suivants seront nettement plus apaisés.

Il peint «A messa prima» en 1885-1886, saisissante contre-plongée montrant un prêtre montant des escalier en diagonale, semblant hésiter à poursuivre. Une lune blafarde éclaire encore ce petit jour, fait de la pierre grisâtre de l’architecture et d’une présence humaine fatiguée.

La famille Segantini part s’installer à Savognin en 1886. Les motifs montagnards s’imposent. Si la nature est idyllique, les êtres humains n’en sont pas moins, souvent, courbés sous le poids du labeur – et de la fatigue.

 

Transition entre labeur et repos

Segantini a un goût prononcé pour ces moments de transition que sont l’aube, la fin de la journée aux champs, ou le retour de la forêt avec du bois, le retour des animaux à l’étable ou la sieste pendant la journée.

De Savognin vient la deuxième version d’«Ave Maria a trasbordo», montrant une frêle barque transportant un homme, une femme tenant un petit enfant endormi entourant une poignée de moutons. L’œuvre – dont plusieurs dessins préparatoires sont aussi exposés – illustre parfaitement la recherche stylistique de Segantini, qui peint le ciel et l’eau en petits traits circulaires.

Le tableau attire tellement les spectateurs, penchés sur le visage de la femme enlaçant son enfant, qu’ils font résonner l’alarme déclenchée dès qu’une distance réglementaire est franchie…

En 1894, la famille Segantini franchit une nouvelle étape vers les hauteurs en déménageant à Maloja, à 1815 mètres d’altitude, sur la commune de Stampa, patrie des Giacometti. Le peintre travaille sur de très grands formats à l’extérieur, souvent accompagné par son élève et ami, de dix ans plus jeune, Giovanni Giacometti.

 

Péritonite fatale

Il aura encore le temps d’achever son grand projet, le Triptyque des Alpes («La Vie», «La Nature», «La mort»), présent à Riehen par de spectaculaires versions dessinées.

Le 28 septembre, Segantini meurt d’une péritonite, à 41 ans. Les intempéries et l’altitude (il peignait à 2730 mètres) rendent tout transport impossible. Il sera peint sur son lit de mort par Giovanni Giacometti.

A Riehen, le portrait est exposé sous vitrine, de même que des photos de l’enterrement. Ces raretés ont pu être rassemblées grâce à Diana Segantini, petite-fille de l’artiste, une des commissaires de l’exposition.

1858 Naissance à Arco, dans le Trentin alors rattaché à l’Autriche.

 

1865 Margherita, la mère de Giovanni, meurt des suites d’une longue maladie. Son père Agostino le conduit alors à Milan, chez sa fille Irene, née d’un premier mariage.

 

1866 Mort d’Agostino Segatini.

 

1870–1873 Giovanni fugue. Etablissement d’éducation surveillée de Marchiondi.

 

1874–1878 Giovanni regagne Milan et se consacre à la peinture.

 

1880 Il s’installe avec Bice, sa compagne, à Pusiano dans la Brianza.

 

1882–1886 Leurs enfants Gottardo (1882–1974), Alberto (1883–1904), Maria (1885–1916) et Bianca (1886–1980) naissent au cours des quatre années suivantes.

 

1886 Segantini et sa femme s’installent à Savognin, dans les Grisons. C’est là qu’il applique pour la première fois la technique du divisionnisme.

 

1889 Médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris, avant plusieurs autres médailles d’or, des prix et diverses distinctions.

 

1891 Des œuvres de Segantini figurent dans la première présentation substantielle du divisionnisme italien, à l’Accademia di Brera.

 

1894 En juin, rétrospective de 90 œuvres au Castello Sforzesco de Milan.

 

1894 Nouveau déménagement, à Maloja dans la Haute Engadine.

 

1899 Le 18 septembre, Segantini est atteint de péritonite à la suite d’une appendicite aiguë. Il meurt le 28 septembre 1899, entouré de sa famille et de ses amis.

(Source: Fondation Beyeler)

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