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Gouvernement: une élection à plusieurs inconnues

Keystone

L'Assemblée fédérale est réunie depuis 8 heures mercredi matin pour élire le successeur de Pascal Couchepin. Libéral-radical, son siège est convoité par le parti démocrate-chrétien. Le 112e conseiller fédéral devrait être connu vers 10 heures.

D’un côté, deux candidats «légitimes». Le Neuchâtelois Didier Burkhalter, économiste, et le Genevois Christian Lüscher, avocat. Radicaux-libéraux et romands, ils assureraient au fauteuil du ministre démissionnaire, le Valaisan Pascal Couchepin, un profil identique.

De l’autre, Urs Schwaller, avocat. Fribourgeois, plus précisément Singinois, donc issu de la minorité alémanique du canton, et démocrate-chrétien (PDC/ centre droit). Désigné à l’unanimité par son parti, il incarne la détermination du PDC à regagner le siège perdu en 2003 au profit de l’Union démocratique du centre (UDC/droite conservatrice).

Appelées à trancher mercredi matin entre ces trois candidatures officielles au Conseil fédéral (gouvernement), les deux Chambres réunies sont libres, s’il leur plaît, d’élire un candidat sauvage. Déjà pratiqué à plusieurs reprises – et avec fracas en 2007 lors de la non-réélection de Christoph Blocher -, ce scénario paraît cette fois moins probable.

L’inconnue linguistique

Mais cette élection n’en est pas pour autant jouée d’avance. Parmi les principales inconnues qui demeurent arrive en premier lieu le maintien de la latinité du poste. Fréquemment abordée depuis la démission de Pascal Couchepin, cette question touche à l’équilibre culturel de l’Exécutif fédéral, actuellement composé de cinq Alémaniques et deux Romands.

A ce propos, le ministre démissionnaire lui-même a tenu des propos catégoriques, estimant qu’il serait «insupportable» que son successeur soit un Alémanique. La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey a quant à elle déclaré qu’elle trouverait «difficile» d’être la seule à parler français au Conseil fédéral.

En présentant le ticket unique Urs Schwaller et ne prenant pas en considération les candidatures latines – un Romand et un Tessinois étaient pourtant sur les rangs -, le PDC a en fait misé sur la respectabilité politique du Singinois. Lequel bénéficie de fait d’un léger avantage dans la course.

Souvent cité pour reprendre le costume de conseiller fédéral, Urs Schwaller s’est déjà effacé devant Joseph Deiss en 1999, puis devant Doris Leuthard en 2006. Cette fois par contre, il s’est pleinement investi dans la campagne, insistant sur sa sensibilité particulière aux minorités en tant qu’«Alémanique dans un canton romand.»

L’inconnue Dick Marty

Minoritaires parmi la minorité latine, les italophones font eux figure de perdants de cette élection. Dix ans après le départ de Flavio Cotti, l’espoir était pourtant grand de voir le président du PLR Fulvio Pelli accéder à cette charge.

Mais, de tergiversations en déclarations ambiguës, le président des libéraux-radicaux n’a jamais donné l’impression de vouloir tenter l’aventure. Il a laissé le groupe parlementaire trancher à sa place, lequel n’a vraisemblablement fait qu’entériner son propre choix. Une décision qui, au Tessin, a été interprété comme une gifle.

Surgie en fin de semaine passée, la candidature non-officielle de Dick Marty a rallumé la flamme, même si le sénateur tessinois, situé à gauche du PLR, possède une aura plus internationale que purement cantonale. Avec le soutien du bloc rose-vert, il pourrait, en début de course, évincer l’un des deux candidats PLR officiels.

Car dans cette subtile pesée d’intérêts qu’est une élection au Conseil fédéral, le mode de scrutin contribue à multiplier les inconnues: dès le 3e tour en effet, toute nouvelle candidature est exclue et le candidat qui a obtenu le moins de voix est éliminé.

Les inconnues tactiques

Sur le plan stratégique, les partis vont, comme de coutume, effectuer leurs calculs jusqu’à tard dans la nuit qui précède l’élection. Mardi après-midi, les candidats officiels ont encore été auditionnés par différents groupes parlementaires, dont l’UDC, qui a clairement maintenu sa préférence à Christian Lüscher au détriment de Didier Burkhalter, jugé trop europhile et pas assez à droite économiquement.

En cas d’élimination du Genevois, l’UDC lancera-t-elle le député fribourgeois francophone Jean-François Rime dans la course comme elle l’a évoqué ? Certains démocrates du centre se rallieront-ils à la candidature Urs Schwaller, qui, soit dit en passant, avait joué un rôle déterminant dans l’éviction de Christoph Blocher en 2007?

Autant de questions qui s’ajoutent à celles liées à l’attitude de la gauche. Celle-ci renverra-t-elle l’ascenseur au PDC, qui l’avait aidée à l’époque à évincer Christoph Blocher? Soutiendra-t-elle Didier Burkhalter afin d’éviter une alliance bourgeoise contre les deux sièges socialistes au gouvernement lors de la prochaine vacance?

Pour sa part, le politologue zurichois Michael Herrmann estime que le fauteuil à repourvoir a une importance tactique considérable. «Ce siège est celui qui peut faire la différence entre le centre-droit et le centre-gauche. Le parti qui détient ce siège peut créer des majorités», a-t-il indiqué à swissinfo.ch.

Sous cet angle, l’un des enjeux les plus intéressants de l’élection de mercredi sera la manière dont les partis réinterpréteront la démocratie de concordance. A l’heure où le mode d’élection du gouvernement et son élargissement numérique sont en discussion, le choix du Parlement révélera ses priorités: revenir à une certaine stabilité ou continuer sur la voie qui a vu la répartition des sièges gouvernementaux changer trois fois au cours des cinq dernières années.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Pascal Couchepin, ministre de l’Intérieur, a annoncé le 12 juin dernier sa démission du gouvernement.

Lorsqu’un ministre démissionne en cours de législature, son parti propose un ou plusieurs candidats pour le remplacer. En règle générale, l’Assemblée fédérale choisit un candidat officiel, mais elle peut aussi faire un autre choix.

Entre 1959 et 2003, le gouvernement suisse a été élu conformément à la fameuse «formule magique»: 2 socialistes (PS), 2 libéraux-radicaux (PLR), 2 démocrates-chrétiens (PDC) et 1 démocrate du centre (UDC).

En 2003, l’UDC est parvenue à arracher un second siège au PDC, mais la non-réélection de Christoph Blocher en 2007 a déchiré le parti et a incité sa remplaçante Eveline Widmer-Schlumpf à rejoindre une nouvelle formation, le parti bourgeois-démocratique.

L’élection du 16 septembre pourrait modifier une nouvelle fois la composition actuelle du Conseil fédéral, soit 2 PLR (anciennement PRD), 2 PS, 1 PDC, 1 UDC et 1 PBD.

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