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Grèce: une aide inévitable, mais dangereuse

Ce plan signifie de «grands sacrifices» pour les Grecs, a annoncé le premier ministre Georges Papandréou. Reuters

Les 110 milliards promis dimanche soir par les ministres des Finances de la zone euro étaient le prix à payer pour sauver la monnaie européenne, estime la presse suisse. Mais les risques qu’Athènes ne parvienne pas à rétablir la situation et que la crise fasse tache d’huile demeurent, selon elle.

Caricaturées sous toutes les formes depuis le début de la crise grecque, les statues antiques reprennent du service lundi matin dans le journal de boulevard Le Matin.

Sur son piédestal, un athlète se ceinture les hanches et, les yeux exorbités, souffle très péniblement. «La Grèce va devoir se serrer la ceinture», annonce le dessin.

Décliné ici sur le mode comique, ce message est répété sur un ton autrement plus grave dans les quelques journaux helvétiques – alémaniques surtout – qui commentent lundi le plan d’aide à la Grèce.

Tous commencent d’ailleurs par souligner que ce sauvetage se fait sous la pression. «A vrai dire, il n’existait tout simplement pas d’alternative», relèvent ainsi le Bund et le Tages Anzeiger dans un éditorial commun.

Car, poursuivent les deux journaux, cette aide d’urgence, les Grecs «ne la reçoivent assurément pas par sympathie.» Elle ne sert «qu’à assurer la stabilité de l’union monétaire et à empêcher que la crise contamine d’autres pays membres de la zone euro.»

La NZZ très critique

Ce scénario catastrophe, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) l’évoque aussi, rappelant que la Grèce n’est pas le seul Etat membre de la zone euro qui a «négligé de juguler l’influence de l’Etat, d’assainir le ménage étatique et d’augmenter les capacités concurrentielles de l’économie.»

Très critique quant à la décision des ministres des Finances de la zone euro, le journal zurichois juge que ce plan de sauvetage – le plus important jamais mis au point dans l’histoire récente pour un pays en difficulté financière – représente en fait «le prix de la peur» et qu’il est à maints égards problématique.

D’abord parce qu’il «enfreint toutes les règles que l’Union s’était fixées» et constitue une entorse au traité sur le fonctionnement de l’UE, lequel stipule qu’aucun État membre n’est responsable des engagements d’un autre.

La NZZ va même jusqu’à citer l’article 103 de ce traité, aux termes duquel «Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, […] d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique.»

Mais aussi parce qu’il donne quittance à des pays comme le Portugal, qui pourraient être tentés de ne pas faire ce qu’il faut pour maîtriser leur endettement. Dans cette perspective, l’euro-groupe doit respecter les règles qu’il s’est imposées. Sinon, avertit le journal zurichois, «la réalité pourrait le contraindre à prendre des mesures encore plus graves et surtout contraires à ses principes de fonctionnement.»

Autres solutions possibles

Aux yeux du journal zurichois, d’autres solutions auraient pourtant été possibles. Un rééchelonnement de la dette ou une sortie de la Grèce de la zone euro par exemple, solutions pour lesquelles il existait «de sérieux arguments d’ordre politique et économique.» Même son de cloche dans Le Temps.

«Un rééchelonnement de la dette, assorti bien sûr de conditions exigeantes, aurait permis à la Grèce de s’engager dans la voie de la croissance et d’honorer ses engagements sur une base plus saine», estime le journal romand, qui est plutôt pessimiste quant à la capacité de la Grèce de s’en sortir.

«Avec ses ingrédients inchangés, la recette du FMI permettra sans doute à la Grèce de garder la tête hors de l’eau. Mais elle ne suffira pas à lui donner les moyens pour en sortir. La Grèce change de créanciers mais elle n’est pas libérée du cycle infernal de l’endettement. Elle risque même de s’y enfoncer davantage: en 2014, sa dette pourrait être de 144% du PIB, contre 133% en 2010», écrit son éditorialiste.

Une pensée pour la population

A ce tarif, les journaux ne cachent pas que la facture sera plus que salée pour la population grecque. «La mise sous tutelle de la plus petite économie de la zone euro – la Grèce ne pèse que 2,5% du produit intérieur brut des seize pays qui en font partie – signifie une pénible et longue cure d’austérité. ­Malgré quelques correctifs, celle-ci frappera sans pitié les couches les plus défavorisées», ajoute Le Temps.

Reste que «les 15 euro-partenaires sont en droit d’attendre une application conforme au calendrier des obligations liées à ce paquet d’aide d’urgence», estiment quant à eux le Bund et le Tages Anzeiger.

Et de formuler des avertissements destinés aux autres pays du Sud de l’Europe: «Ils ont aussi un devoir: entreprendre un programme de réformes crédible afin de briser le cercle infernal de l’endettement, de la faible croissance, de la bureaucratie et du manque de concurrence», conseillent-ils.

Quant à l’Union européenne, elle doit désormais affronter plusieurs tâches d’envergure après cette crise, met en garde la presse suisse. Pour les journaux alémaniques, il est ainsi nécessaire de renforcer les institutions de la zone euro, quitte à définir des critères qui risqueraient aussi de concerner l’Allemagne et la France.

Prisonnière d’une contradiction de fond, à savoir «concilier des politiques économiques nationales et une monnaie européenne unique», l’UE ne parvient à se mettre d’accord «que dans l’urgence», analyse La Regione. Or le journal tessinois voit un autre problème qu’elle devrait s’attacher à résoudre: «stopper une spéculation financière à qui jusqu’ici personne n’a pu ou voulu opposer de contre-mesures efficaces.»

Carole Wälti, swissinfo.ch

Les ministres des finances de la zone euro ont approuvé dimanche un plan d’aide à la Grèce.

Ce plan prévoit le versement de 110 milliards d’euros sur trois ans, dont 80 milliards à la charge de la zone euro et le reste à la charge du Fonds monétaire international (FMI).

L’Allemagne, principal contributeur européen, s’est engagée à verser 8,4 milliards d’euros. Viennent ensuite la France (6,3 mia), l’Italie (5,5 mia), l’Espagne (3,7 mia), les Pays-Bas (1,8 mia) et la Belgique (1,1 mia).

En contrepartie, Athènes a annoncées dimanche des mesures d’austérité drastiques. Elles prévoient notamment la suppression des 13e et 14e mois de salaire dans la fonction publique et une hausse de la TVA.

Leur but est de ramener d’ici la fin 2014 le déficit public abyssal du pays, qui atteint 14% du produit intérieur brut (PIB), sous le seuil européen des 3%.

Mesures douloureuses. Lundi, la presse grecque se penche sur «les mesures douloureuses» prises dimanche par le gouvernement socialiste.

Sacrifices.Des mesures qui se traduiront par des «sacrifices» de la part du peuple grec, principalement des salariés et des retraités.

Une fin.«La manière dont nous avions l’habitude de vivre, de travailler, de consommer et d’organiser notre vie, ici dans cette région du sud des Balkans, a pris fin hier», note par exemple le journal Une Ta Néa (progouvernemental).

Injustice.«Quatre ans sans respirer…», titre de son côté Elefthérotypia (gauche indépendante), avant de souligner l’injustice des mesures qui frappent «toujours les mêmes.»

Demi-mesures.Pour sa part, Elefthéros Typos (droite) juge que «les demi-mesures du gouvernement conduisent mathématiquement le peuple à la détresse» et que le parti socialiste au pouvoir, le PASOK, «sert dorénavant le FMI, la Commission et la Banque européenne.»

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