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Heurs et malheurs du milan royal immature

Le Milan royal semble apprécier le territoire helvétique. fr.ch/mhn

Quasi-exclusivement européen, ce rapace est en expansion sur territoire suisse. En Allemagne, en France et en Espagne par contre, il régresse, parfois fortement.

Des naturalistes suisses ont recours aux balises Argos pour tenter de lever une part du mystère.

Les ornithologues s’interrogent. Alors qu’en Suisse, la population du milan royal compte aujourd’hui 1000 couples, contre moins de 300 en 1985, la tendance est inverse dans les trois pays qui regroupent les neuf dixièmes de la population mondiale (18’000 couples).

Depuis 1996, ce rapace partiellement migrateur régresse parfois vertigineusement en Allemagne, en France et en Espagne – ce dernier pays accueillant la très grande majorité des hivernants.

«Dans la plupart des régions du nord-est de la France, les populations ont chuté de 60 à 70%, indique le biologiste Adrian Aebischer. Et dans certaines zones de l’ex-RDA, ce chiffre atteint même les trois quarts».

De la bromadiolone largement utilisé en France (un anticoagulant pour la lutte contre les campagnols) en passant par les tirs sauvages, l’usage de poteaux électriques inadaptés et l’intensification de l’agriculture après la réunification allemande, les hypothèses d’explication sont nombreuses.

Déterminer le taux de survie

En Suisse, grâce à un suivi de terrain, on connaît assez bien la densité de la population de milans et ses succès en matière de reproduction.

Reste l’inconnue du taux de survie des jeunes (de la sortie du nid à l’âge de la reproduction à 2 ans), qui pourrait en partie expliquer cette évolution contrastée à l’échelle du continent.

Une autre question y est associée. Les jeunes milans «helvètes» auraient-ils de plus en plus souvent tendance à passer l’hiver en Suisse, ce qui éliminerait les dangers rencontrés lors de la migration? Certains le pensent. Encore faut-il le prouver.

Pour en avoir le cœur net, les ornithologues – bénévoles pour la plupart – se sont mis au travail sous l’égide du Musée d’histoire naturelle de Fribourg.

Tous morts en route



Coordinateur du projet de recherche lancé en 2001, Adrian Aebischer est devenu, au fil des ans, une sorte de Monsieur Argos.

Le biologiste pose ses petits émetteurs de signaux captés par satellites sur tout ce qui se trouve à sa portée: chouette harfang (l’oiseau fétiche de Harry Potter) au Groenland, tortues marines en Grèce, cigognes blanches en Suisse.

Tous sont ensuite suivis en quasi-direct dans leurs déambulations par écran d’ordinateur interposé.

Jusqu’ici, une dizaine de milans immatures ont été munis de balises dorsales (16 grammes). Hormis les quatre jeunes équipés en juin dernier, aucun n’a survécu.

Ils sont morts «pendant la migration ou en site d’hivernage, indique Adrian Aebischer. Mais l’échantillon est évidemment trop petit pour en tirer une quelconque conclusion statistique».

En visite dans quinze cantons



Avant de mourir, l’un des jeunes milans à «visité» quinze cantons suisses et plusieurs départements français. Ce qui fait penser aux ornithologues que le jeune milan prospecte le terrain avant de revenir de migration le printemps suivant pour se reproduire à l’endroit choisi.

Autre constat tiré du projet fribourgeois: les jeunes tendent à se regrouper (entre 5 et 20 individus) et à prendre leur temps avant de migrer, la plupart vers la fin septembre.

Impossible de dire à ce stade si Pilar, Oscar, Julie et Romeo, – les heureux participants de l’année – respecteront cette règle de conduite.

Pour l’heure, seule Pilar a fait une incursion hors du Plateau suisse, comme le signale le site web du musée fribourgeois, qui suit la déambulation des milans en léger différé.

swissinfo, Pierre-François Besson

Le Milan royal mesure entre 145 et 165 cm d’envergure.
Il est reconnaissable à ses tons roux, à l’échancrure de sa queue et à ses ailes coudées et marquées de blanc à la base des rémiges primaires.
Ce rapace est essentiellement charognard.
Son aire de répartition principale recouvre l’Espagne, la France, l’Allemagne et la moitié nord de la Suisse.

– Le projet de suivi télémétrique du Musée d’histoire naturelle de Fribourg est financé par des capitaux privés. Sa poursuite en 2005 dépendra du succès des recherches de fonds.

– Les signaux émis par les balises Argos sont captés par l’un des six satellites mobilisés à cet effet. En Europe, chaque satellite reçoit les émissions d’un émetteur entre six et sept fois par jour.

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