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Incapacité de travail: comment améliorer les évaluations

Dans l’idéal, les expertises sur la capacité de travail des personnes souffrant de troubles psychiques devraient arriver à des résultats similaires pour des situations comparables, mais c’est loin d’être le cas (archives). KEYSTONE/MARTIN RUETSCHI sda-ats

(Keystone-ATS) Les assurances sociales font appel à des psychiatres afin d’évaluer la capacité de travail des personnes atteintes de problèmes psychiques. Or, ces expertises divergent trop. Une nouvelle formation évaluée dans le cadre d’une étude est parvenue à réduire ces écarts.

Toute personne ne pouvant pas travailler à plein temps du fait de troubles psychiques a droit à une rente. Le montant dépend de la capacité de travail évaluée par les psychiatres.

Dans l’idéal, les expertises devraient arriver à des résultats similaires pour des situations comparables, mais c’est loin d’être le cas. Parfois, les évaluations sont même radicalement opposées, a indiqué mercredi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué.

Grâce à une nouvelle forme d’évaluation orientée sur les capacités fonctionnelles et à des formations spécifiques destinées aux psychiatres, des chercheurs emmenés par Regina Kunz, de l’Hôpital universitaire de Bâle, sont parvenus à obtenir des appréciations plus cohérentes. Dans leur étude, la variation statistique a baissé de plus d’un cinquième.

Le travail au centre

Dans le nouveau processus d’expertise, les psychiatres placent le travail plutôt que la maladie au centre de la discussion, et ce dès le début de l’entretien. Ils interrogent notamment la personne sur les activités qu’impliquait son dernier emploi, sur celles qui sont encore possibles et sur ce qui pourrait débloquer la situation.

A la fin, les spécialistes doivent évaluer treize capacités liées au travail qui sont fréquemment limitées chez les personnes atteintes de troubles psychiques. Sur cette base, ils estiment le taux d’occupation envisageable.

Pour l’étude, les chercheurs ont comparé les expertises de 35 psychiatres, portant sur la capacité de travail de 40 individus. Les entretiens ont été filmés et évalués à chaque fois par trois autres spécialistes indépendants.

A la fin, on a obtenu ainsi quatre évaluations différentes par requérant. Les divergences entre ces expertises ont alors été comparées avec celles d’une série antérieure d’évaluations, pour lesquelles les psychiatres avaient bénéficié d’une formation nettement plus courte, remontant à plus d’une année au moment de l’expertise. Dans ce cadre, 19 spécialistes avaient évalué la capacité de travail de 30 requérants.

Pas des experts

Les chercheurs ont calculé à quelle fréquence deux expertises divergeaient de 25% au maximum: dans le groupe témoin, 39% des comparaisons dépassaient ce seuil. La formation a permis de réduire cette part à 26%, un effet statistiquement significatif.

Afin de déterminer la divergence maximale acceptable dans la pratique entre deux expertises, les scientifiques ont préalablement effectué une enquête auprès de 700 experts en Suisse: évaluateurs, représentants des assurances sociales, avocats et juges estiment ainsi qu’un écart maximum de 25% est tolérable.

Les auteurs pensent par conséquent que le nouveau processus pourrait clairement améliorer la transparence et la clarté des expertises pour les assurances et la justice. Dans une autre étude, ils cherchent maintenant à savoir si une formation plus approfondie des psychiatres pourrait encore améliorer la situation.

En effet, le problème des fortes variations touche tout le monde occidental, comme l’avait montré une étude publiée précédemment. “Les médecins ne sont pas des experts du travail, la formation à elle seule ne suffira pas”, souligne Regina Kunz.

Elle suggère à titre d’exemple d’envisager de nouveaux systèmes d’évaluation: “Aux Pays-Bas, les psychiatres se concentrent sur la thérapie, et les évaluations sont faites par des personnes spécialement formées à cet effet”, dit-elle. L’étude financée par le FNS, l’Office fédéral des assurances sociales et la Suva a été publiée dans la revue BMC Psychiatry.

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