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Interlaken, étape dans la bataille du diamant sale

La traçabilité des diamants est essentielle pour éviter les trafics. Keystone Archive

La Suisse et une trentaine de pays tentent lundi et mardi à Interlaken de faire un nouveau pas vers le contrôle du trafic de diamants qui finance les guerres.

La réglementation prévue doit garantir l’origine et la traçabilité des pierres précieuses.

Les diamants ne sont pas seulement éternels. Comme l’argent, ils n’ont pas d’odeur et sont donc aussi le nerf de la guerre notamment dans des pays comme l’Angola, le Congo, la Sierra Leone et le Liberia.

Le commerce de ces «pierres sales» et autres «diamants du sang» est depuis quelque temps déjà dans le collimateur de l’ONU. Le Conseil de sécurité a tenté ici et là d’y mettre fin à coup d’embargos.

En mai 2000, les principaux pays concernés par la production et par le marché du diamant ont décidé de créer un système de certification international, aussitôt baptisé «processus de Kimberley», du nom de la cité sud-africaine célèbre pour ses gisements diamantifères.

«Nous voulons un commerce propre»

Après plusieurs réunions, du Botswana à Ottawa en passant par Moscou, ce «processus» fait étape à Interlaken, lundi en assemblée plénière, mardi en conférence ministérielle, pour se donner un calendrier concret.

Qu’est-ce qui motive la Suisse dans ce processus? «D’abord des considérations humanitaires», nous explique Luzius Wasescha, délégué du gouvernement aux accords commerciaux.

«Mais aussi la volonté de développer des sanctions qui touchent ceux qui pratiquent ce commerce illicite. Nous voulons un commerce propre, nous voulons aussi un marché de diamants propres qui fonctionne.»

Le diplomate relativise cependant l’importance de ce dossier pour la Suisse: «nous étions jusqu’il y a peu le troisième marché européen de diamants, nous sommes devenus entre temps un acteur marginal».

Le processus de Kimberley sera-t-il efficace? Luzius Wasescha n’en doute pas, à condition que toutes les parties concernées jouent le jeu. «D’ailleurs , ajoute-t-il, les ONG ne manqueront pas de mettre sur leur liste noire ceux qui essaient d’échapper à ce système.»

Le «oui, mais…» des ONG

Du côté des ONG précisément, on accueille cette initiative de façon assez positive. «Elle comblera, nous dit Danièle Gosteli, de la section suisse d’Amnesty International, un vide de la législation internationale».

Il faut savoir que ce trafic de «pierres sales» a permis de financer pour 300 à 500 millions de dollars en achats d’armes. Autrement dit, des ressources naturelles ont servi à aggraver les guerres intestines de leurs pays d’origine, faisant des centaines de milliers de victimes innocentes.

La satisfaction des ONG n’est pourtant qu’un ‘oui, mais…’, car pour elles les mesures annoncées restent non contraignantes et relèvent du volontariat: leur utilité serait donc faible, faute d’une instance de contrôle digne de ce nom.

Danièle Gosteli s’inquiète par exemple du double langage de la RDC: Kinshasa soutient le processus de Kimberley mais viole en toute impunité les droits de l’homme à Mbuji-Mayi, haut lieu de l’industrie congolaise du diamant.

Ce n’est pas dans la culture des orfèvres

Depuis le début de cette année, le groupe sud-africain De Beers ne commerce plus à Lucerne. En Suisse, le négoce du diamant brut est en chute libre.

La Suisse n’est donc plus le supermarché du diamant qu’elle était. Pour autant, le commerce des pierres précieuses n’y est pas négligeable.

D’ailleurs, Amnesty International (AI) a eu des contacts avec quelque 400 bijoutiers, orfèvres et autres diamantaires de Suisse pour les informer des tenants et aboutissants du Processus de Kimberley.

Si leurs réactions sont jugées plutôt favorables, certains bijoutiers constatent cependant que l’introduction de cette certification bouleversera leurs habitudes, car leur négoce se développe davantage sur des rapports de confiance que sur des actes administratifs.

Reste que mardi après-midi, à Interlaken, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, ministre sud-africaine des Minéraux et de l’Energie, et Pascal Couchepin, ministre suisse de l’Economie, devraient être en mesure d’annoncer la date d’entrée en vigueur du processus de Kimberley.

swissinfo/Bernard Weissbrodt

-En 2001, la production mondiale de diamants dépassait les 100’000 carats pour une valeur de plus de 11 milliards de dollars

-On estime entre 2 et 4% le volume des «diamants de la guerre» dont la vente est utilisée pour financer des conflits

-Le «Processus de Kimberley» regroupe 35 pays, des représentants de l’industrie du diamant et des ONG

-A l’avenir, les envois de diamants bruts seront accompagnés d’un certificat d’origine attestant qu’ils ne contiennent pas de «pierres sales»

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