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Internet a son futur devant lui, selon son créateur

Le père d'Internet Tim Berners-Lee. Keystone

Le World Wide Web a déjà changé radicalement la société, mais son potentiel de développement réserve encore bien des surprises, estime Tim Berners-Lee. C'est lui qui, il y a vingt ans, a crée cet outil informatique révolutionnaire.

C’est en mars 1989 que Tim Berners-Lee a imaginé au CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) un nouveau système de gestion de l’information. Son supérieur avait alors qualifié le projet «d’un peu vague, mais prometteur.»

Vendredi, c’est en présence du fameux scientifique britannique que le CERN, dont le siège est à Genève, a fêté les 20 ans de cette invention révolutionnaire.

«La quantité de nouvelles applications développées pour Internet est en train de croître vertigineusement», a affirmé Tim Berners-Lee devant quelque 500 auditeurs. Il a également fait remarquer que le CERN était un «excellent lieu pour lancer une nouvelle idée.»

Pour lui, il est aujourd’hui fondamental de se concentrer sur le futur de la toile. Car celle-ci compte des centaines de millions d’utilisateurs, 80 millions de sites, un nombre encore plus important d’ordinateurs connectés et des milliards de pages.

L’avenir sur portables

«Internet n’est pas un objet fini; le web représente plutôt la pointe de l’iceberg. De nouveaux changements vont survenir, qui engendreront à leur tour des changements encore plus importants, lesquels modifieront le monde car nous pourrons alors compter sur des machines beaucoup plus puissantes», a pronostiqué le Britannique.

Actuellement directeur du «World Wide Web Consortium» (W3C), l’organisation internationale qui établit les normes du secteur et les protocoles pour l’évolution du web, Tim Berners-Lee estime qu’un autre secteur clé à l’avenir pour le développement d’Internet sera son utilisation sur les téléphones portables.

«Fournir un accès à Internet via les téléphones portables est très important car il existe beaucoup plus de moteurs de recherche sur les téléphones que sur les ordinateurs portables. Dans les sociétés en voie de développement, c’est d’ailleurs souvent la seule manière d’accéder à Internet», s’est-il enthousiasmé. Et de rappeler que 80% de la population mondiale ne peut toujours pas surfer sur Internet.

Autre évolution saluée par le père du web, tous les projets informatiques qui vont dans le sens d’une plus grande collaboration, que ce soit au niveau de la collecte ou du stockage de données, ou au niveau du réseautage social.

Possibles menaces

Mais Tim Berners-Lee n’a pas caché la part d’ombres recelée par l’évolution d’Internet – qu’il définit comme «une sorte de nébuleuse». Cette évolution s’accompagne en effet de risques accrus et de nouvelles menaces, notamment en ce qui concerne la protection de la sphère privée.

«Il est nécessaire que les informations puissent circuler à travers la toile sans être interceptées, manipulées ou dégradées», a-t-il confié à swissinfo. Pour lui, les systèmes qui peuvent répertorier automatiquement les habitudes et les goûts des utilisateurs et ainsi établir leur profil sont dommageables.

Ce type de violations doivent être «absolument évitées», insiste-t-il. A ses yeux, l’un des plus grands défis actuels est donc de garantir que toutes les informations mises en ligne sont utilisées de manière transparente, et surtout en fonction de l’usage spécifique auquel les internautes ont volontairement consenti.

«Dans ce domaine, de nouvelles technologies vont apparaître pour distinguer entre l’usage approprié des données et l’utilisation abusive», a assuré Tim Berners-Lee.

Intuition et tenacité

Car, l’histoire le montre, Internet est en redéfinition constante. Ayant pour objectif initial de permettre aux scientifiques du CERN de communiquer avec le reste de la commuanuté scientifique éparpillée aux quatre coins du globe, le web a été pensé à l’origine pour un projet précis. A savoir la mise au point du LHC, le plus grand accélérateur de particules du monde que le CERN était en train de concevoir à la fin des années 1980.

A la recherche d’un nouveau système de gestion de l’information, Tim Berners-Lee a alors imaginé l’hypertexte, effectuant un premier pas vers la mise en réseau et le partage non-localisé de documents.

C’est en 1991 que le premier site web a finalement vu le jour, grâce à la collaboration avec Robert Cailliau, un collègue belge travaillant également au CERN. Son adresse: http://info.cern.ch/.

A partir de là, Internet a connu un développement que Tim Berners-Lee qualifie d’exponentiel. «La raison de cette évolution est simplement que quelqu’un, à un moment donné, a décidé qu’il était temps de réaliser quelque chose de nouveau… et il l’a fait!».

Reste qu’au début, beaucoup n’ont pas saisi l’importance de cette nouvelle façon de communiquer, se souvient l’informaticien britannique. «Le CERN est plein de gens très intelligents, mais cela constituait une rupture de paradigme qu’ils n’ont pas tous compris. Ils ne pouvaient pas imaginer que des liens hypertextes puissent les mener d’un bout à l’autre de la planète», raconte-t-il.

Une autre date à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire d’Internet est 1994. C’est alors que le CERN a décidé de mettre à disposition les bases et les protocoles du web sans versement de redevances et sans autres restrictions.

«S’il en avait été autrement, l’invention serait certainement morte», se félicite aujourd’hui Tim Berners-Lee.

swissinfo, Simon Bradley à Genève
(Traduction de l’anglais: Carole Wälti)

Né à Londre en 1955, Tim Berners-Lee est le fils d’un couple de mathématiciens passionnés d’informatique.

Il obtient son diplôme de physique en 1976 à l’Université d’Oxford. La même année, il met au point son premier ordinateur.

En 1980, il passe six mois au CERN en tant que consultant dans le domaine de l’ingéniérie informatique. En 1984, il est de retour au CERN grâce à une bourse d’études et en 1989, il propose un projet global autour de l’hypertexte.

C’est en 1991 qu’il crée le premier site internet.

En 1994, il fonde le World Wide Web Consortium (W3C) au sein du Laboratory for Computer Science du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology) de Boston.

Le 15 avril 2004, Tim Berners-Lee reçoit le prix Millennium Technology pour l’invention du World Wide Web. En juillet 2004, il a été anobli par la reine Elizabeth II lors d’une cérémonie à Buckingham Palace.

Dans l’une de ses récentes interventions publiques, Tim Berners-Lee a synthétisé ainsi le passé, le présent et l’avenir du World Wide Web:

«La première version d’Internet, le web 1.0, était constituée de pages de textes reliées entre elles; aujourd’hui, le web 2.0 [par exemple les blogs et les réseaux sociaux], permet aux utilisateurs eux-mêmes de créer des contenus; mais la prochaine génération, le web 3.0, qu’on appelle aussi le web sémantique, permettra de relier automatiquement entre elles toutes les données et les applications.»

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