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Jacques Chessex ou la mystique du sexe

Jacques Chessex… «à l’affût»? Horst Tappe

Dans son dernier roman «L'Eternel sentit une odeur agréable», l'écrivain vaudois reste fidèle à ses ruminations érotiques. Chasseur à l'affût, il traque ici les odeurs de femmes enfouies dans les replis de la chair.

Jacques Chessex est à l’affût. Il chasse les odeurs de corps. Corps de femmes aux «relents de sang», sacrifiés sur l’autel des plaisirs sado-maso. Fouets, chaînes, menottes et godemichés sont les outils de leur sacrifice, le plus souvent subi dans un cri de douleur proche de l’extase.

C’est donc une mystique du sexe qu’observe l’auteur vaudois dans «L’Eternel sentit une odeur agréable», son dernier roman (éditions Grasset) placé sous la bonne garde d’un homme au regard cynique, Roger Vailland.

De ce dernier, écrivain français, de confession communiste, mort en 1965, Chessex fait le pivot de son roman. Grand libertin devant l’Eternel, Vailland troubla en son temps beaucoup de corps et d’esprits. L’ombre de Sade et de Choderlos de Laclos planait sur son oeuvre dont on citera deux romans au goût sulfureux: «La loi» et «La fête».

Ambiance de fête également dans «L’Eternel sentit une odeur agréable»… Fête des sens, voudrait-on ajouter, concoctée par Chessex, vaillant héritier des Sade et consorts.

Le goût de l’interdit

La luxure, ce n’est pas ce qui effraie le protestant de Ropraz qui, de livre en livre, s’introduit un peu plus dans les replis de la chair pour mieux en renifler le parfum et les miasmes. L’auteur de «Monsieur» (2001) n’a jamais caché son penchant pour la chose sexuelle.

«Il y a un goût du secret, du caché, de l’interdit, avoue-t-il dans un entretien, qui m’est venu très tôt avec la détestation de ma condition d’enfant et la rumination de quelques jouissances.»

Jouir est d’ailleurs l’affaire de son héros Jules-Henri Mangin, narrateur de «L’Eternel sentit une odeur agréable». Orphelin, placé très tôt dans une cure près de Bourg-en-Bresse, Jules-Henri grandit auprès d’un abbé qu’il sert avec ardeur. Jusqu’au jour où débarque Roger Vailland (ici personnage de fiction bien sûr).

Sollicité par l’évêque des lieux, Roger accorde à la paroisse les droits de monter une de ses pièces de théâtre. Jules-Henri est désigné comme assistant à la mise en scène. Le jeune homme, déjà attiré par les vifs arômes de peau, entre donc avec délectation dans l’univers de Vailland.

Et c’est un roman d’initiation à la vie qui s’écrit alors. A la vie de la chair que Jacques Chessex voudrait lumineuse et désirable, mais qui reste froissée et triste, asphyxiée par l’absence totale d’amour.

swissinfo, Ghania Adamo

– Né à Payerne en 1934, Jacques Chessex est à la fois poète, romancier, essayiste, critique.

– Après l’autobiographie « Monsieur», «L’Eternel sentit une odeur agréable» (Editions Grasset) marque son retour au roman.

– On lui doit notamment «L’Ogre» (Prix Goncourt 1973), «La Confession du Pasteur Burg», «Les yeux jaunes», «L’imitation».

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