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Jean Calvin, amusant décapage

Calvin, de retour sur le pavé genevois. Keystone

Des comédiens inspirés «détachent» le Réformateur de son cadre pour le mettre dans le présent. Dans la vieille Genève, ils partent sur les traces de leur héros au fil d’une balade coquine.

«J.C., ces initiales vous disent-elles quelque chose?», demande aux spectateurs la femme de noir vêtue. On a envie de lui répondre: Jésus-Christ, même si l’on sait qu’il s’agit de Jean Calvin dont on va suivre tantôt la vie dans un spectacle en mouvement intitulé «Calvin un itinéraire».

Entre Jésus-Christ et Jean Calvin, la différence est très grande, ne serait-ce que parce que le Christ n’entre dans aucun cadre, alors que Calvin est à jamais emmuré dans la ville de Genève, gravé dans la pierre (le Mur des Réformateurs) et prisonnier de son austérité qui lui colle aux os depuis cinq siècles.

Tout le pari du spectacle, écrit par Catherine Fuchs et mis en scène par Cyril Kaiser, est donc de «désemmurer» Calvin, au sens propre comme figuré. Il n’est pas question pour autant de mettre un coup de pied dans le célèbre Mur. L’ironie est ici conjoncturelle, liée au parcours du spectacle dont une large partie se déroule dans les rues de la vieille Genève, différentes forcément d’un soir à l’autre.

Restaurants bondés et galeries de luxe

Pour cette déambulation théâtrale, cinq étapes sont prévues. Départ de l’ancienne résidence du Consul de France, puis halte dans la maison de Calvin et dans la cour de l’Hôtel-de-Ville. Terminus: Auditoire Calvin. Chaque halte marque un moment d’histoire qui s’ouvre sur le passé de Genève et la vie de son Réformateur pour s’en détourner aussitôt. Récit effervescent de la comédienne Nicole Bachmann, la dame en noir précisément, qui joue la narratrice et le guide et mène le public de lieu en lieu.

Dans chaque édifice, chaque apparition de Calvin (très bien interprété par Vincent Babel) se fait à l’intérieur d’un cadre (costumes d’époque), et épouse ainsi la forme d’une immense toile de musée qui prendrait pour cimaises les murs du lieu. La toile s’anime l’instant d’une scène, avant de laisser les personnages se dégager de leur carcan muséal et s’échapper pour retrouver le présent.

Un présent qui se conjugue avec celui de la rue et tout ce que l’espace public envoie comme pied de nez au passé. Exit donc Calvin «le rabat joie sans humour», chassé ici par le babil joyeux des clients, en grand nombre sur les terrasses des cafés en ce soir d’août beau et chaud.

Exit aussi la réputation de sévérité et de sobriété que le Réformateur légua à Genève laquelle, ce soir-là, scintillait plus que jamais sous les ors de ses boutiques d’antiquaires et le vernis de ses galeries d’art.

«Il les a tous coincés, c’con-là»

Alors, lorsque l’un des personnages, en jeans et T-shirt, bien ancré dans ce siècle, balance au public: «Il les a tous coincés, c’con-là», on rit. On rit de ce préjugé échaudé. Drôle, malgré un côté didactique par moment scolaire, le spectacle regorge de ces traits d’humour qui mettent en échec un tas d’à priori sur Genève l’austère. C’est la qualité de cette pièce, créée l’été dernier à l’occasion du 500e anniversaire de la naissance de Calvin, et reprise cette année jusqu’au 13 septembre.

Cette reprise, la Ville de Genève l’a souhaitée. Histoire de profiter de la belle saison pour faire connaître la vieille ville, une partie de son histoire et de ses édifices, au public qui n’a pas pu, ou voulu, voir le spectacle l’an dernier. Il faut dire qu’en 2009, Calvin monopolisait les scènes. Il y eut «Genève en flammes» réalisé par François Rochaix, un spectacle sanglé dans l’académisme. Il y eut également, beaucoup plus décontracté, «Le Maître des minutes» de Dominique Ziegler.

Cyril Kaiser quant à lui, metteur en scène de «Calvin un itinéraire», affirme que si son spectacle a tant plu, s’il a été réclamé encore cet été, c’est grâce à ses formes: «Un théâtre de rue qui mêle allègrement fantaisie, humour, gravité, drame, comédie, poésie, tout en évitant l’ironie ».

Ghania Adamo, swissinfo.ch

«Calvin un itinéraire», à voir dans la vieille ville de Genève, jusqu’au 13 septembre.

Départ: cour de la Société de lecture, 11 Grand-Rue.

Compagnie: Théâtre du saule vrieur

Texte: Catherine Fuchs.

Mise en scène: Cyril Kaiser.

Scénographie: Christophe Kiss.

Avec notamment: Vincent Babel, Nicole Bachmann, Rachel Gordy, Elise Perrier, Joël Waefler…

Né à Noyon (Picardie), en 1509.

Fils d’un procureur ecclésiastique, il est d’abord élevé dans la religion catholique et destiné à une carrière de juriste.

S’étant lié avec plusieurs partisans de Martin Luther, il embrasse bientôt les principes de la Réforme et commence à propager ses théories dans Paris.

En 1534, suite aux persécutions menées contre les protestants français, il se réfugie près d’Angoulême, puis s’exile à Bâle où il publie, en 1536, «l’Institution de la religion chrétienne» qui contient l’essentiel de ses idées sur la foi et ses liens avec la société.

Ce livre a un retentissement énorme et Calvin est nommé, à Genève, professeur de théologie.

Deux ans après, il est banni de cette ville pour cause de rigorisme excessif. Mais il y est rappelé en 1541.

Il participe alors à la création, à Genève, d’une république calviniste.

En 1559, il fonde l’Académie de Genève et en confie le Rectorat à Théodore de Bèze.

Il s’éteint à Genève en 1564.

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