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La tête dans les étoiles mais les pieds sur terre

En 2012, âgé d’à peine 19 ans, Max Hubacher a remporté le prix du cinéma suisse de la meilleur interprétation pour son rôle dans «Verdingbub» de Markus Imboden. verdingbub.ch

Chaque année, des centaines de jeunes acteurs cherchent un débouché dans le monde du cinéma. La concurrence y est féroce et le talent et la chance ne suffisent pas pour survivre. Rencontre avec deux jeunes comédiens prometteurs: Max Hubacher et Marie Leuenberger.

«Jouer a été pour moi un vrai coup de foudre. Enfant déjà, je regardais les acteurs de théâtre avec enchantement et je rêvais d’être sur scène, à leurs côtés. J’adore entrer dans la peau d’un personnage, chercher à en déchiffrer la personnalité. Parfois, j’ai l’impression de mieux réussir à m’exprimer en jouant que dans la vie de tous les jours.»

A 33 ans, Marie Leuenberger a déjà plusieurs films à son actif et un rêve: pouvoir vivre de son art et jouer dans les théâtres du monde entier ainsi qu’au cinéma. «Pour le moment, je m’en sors bien, dit-elle. J’ai plusieurs contrats en Allemagne et j’essaie de remplir les temps morts en faisant différents petits travaux.»

Sa carrière cinématographique a débuté en 2009 avec le film Die Standesbeamtin, du réalisateur germano-suisse Micha Lewinsky. Un rôle qui lui a valu le prix suisse de la meilleure interprétation et une reconnaissance au festival des films du monde de Montréal.

Beaucoup de diplômes, peu de débouchés

Comme beaucoup d’autres jeunes acteurs suisses, Marie Leuenberger a fait ses premiers pas au théâtre avant d’être catapultée au cinéma, presque par hasard. Dans son cas, le tremplin fut le projet Junge Talente, lancé il y a six ans par deux experts du casting, Corinna Glaus et Susan Müller, et soutenu par l’Office fédéral de la culture.

Chaque année, huit jeunes acteurs encore inconnus sont sélectionnés lors d’une audition, puis présentés à différents producteurs et metteurs en scène européens. C’est ainsi que Marie Leuenberger est entrée en contact avec la troupe de Micha Lewinsky.

Cette initiative, la seule du genre en Suisse, est venue combler un vide dans l’industrie cinématographique, explique Corinna Glaus. «Contrairement aux autres pays, comme la Belgique ou le Danemark, la Suisse ne fait pas grand-chose pour la promotion des jeunes acteurs. Une fois leurs études terminées, ils sont laissés à eux-mêmes et ne réussissent souvent à se faire un nom qu’après 30 ans.»

Dans ce secteur, la concurrence est féroce. Chaque année en Suisse, on compte une centaine de jeunes qui sortent d’une école professionnelle avec un diplôme d’acteur en poche. Ils et elles sont même deux, voire trois fois plus nombreux si l’on tient compte des divers instituts privés et des écoles de théâtre liées à une compagnie. Un potentiel énorme, en somme, pour une réalité théâtrale et cinématographique aussi petite que celle de la Suisse.

Jusqu’il y a peu d’années, les réalisateurs suisses choisissaient rarement des jeunes, poursuit Corinna Glaus. «Aujourd’hui, il y a un intérêt croissant. Et parfois, ce sont justement ces jeunes talents émergents qui font la force d’un film et qui sont récompensés dans les festivals. Ces prix sont fondamentaux pour se faire un nom au niveau international et avoir ainsi de meilleurs débouchés.»

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Catapulté sur le grand écran

Max Hubacher est l’un de ces jeunes. En 2012, à l’âge d’à peine 19 ans, il a remporté le prix du cinéma suisse pour la meilleure interprétation dans le film Verdingbub (Markus Imboden) et a ensuite été sélectionné au Shooting Star du festival de Berlin, qui présente chaque année les dix meilleurs acteurs européens.

La carrière de Max Hubacher a été fulgurante. Après avoir fait du théâtre enfant déjà, il a débuté sur le grand écran à 16 ans. «On cherchait de jeunes acteurs pour Stationspiraten, le film de Michael Schaerer, et le concours était ouvert à tout le monde, raconte-t-il. J’ai ainsi décidé de me lancer, même si je n’avais jamais joué devant une caméra. Ce fut un grand défi et je dois dire que j’ai vraiment eu de la chance.»

De fait, il n’existe pas en Suisse de formations spéciales pour ceux qui rêvent de devenir acteurs de cinéma. Il y a en revanche de plus en plus d’écoles de théâtre qui proposent des séminaires spécifiques en collaboration avec l’industrie cinématographique. Quelques instituts enseignent également aux jeunes comment gérer leur carrière, comment apprendre à se vendre et même comment vivre avec le poids d’une soudaine célébrité.

Même si la Suisse est un petit pays où les visages les plus connus passent souvent inaperçus, la notoriété peut quand même causer quelques problèmes. «Tu te retrouves d’un jour à l’autre sous les projecteurs, pressé de demandes de la part des journalistes ou de gens qui t’arrêtent dans la rue pour te féliciter. C’est clair que cela fait très plaisir, mais, en même temps, c’est étrange… Quand j’allais en ville, j’avais souvent l’impression d’être observé. Je pensais être devenu paranoïaque», raconte avec modestie Max Hubacher.

La 48e édition des Journées de Soleure se tient du 24 au 31 janvier 2013.

Sept films sont en compétition pour le «Prix de Soleure»:


Der Imker, de Mano Khalil, documentaire

 

Forbidden Voices, de Barbara Miller, documentaire

 

Rosie, de Marcel Gisler, long métrage de fiction


Thorberg, de Dieter Fahrer, documentaire


Tutto parla di te, d’Alina Marazzi, long métrage de fiction


Von heute auf morgen, de Frank Matter, documentaire


Wir kamen um zu helfen, de Thomas Isler, documentaire

La section «Rencontre» accueille cette année le réalisateur italo-suisse Silvio Soldini, qui s’est fait un nom en 2000 avec Pane e tulipani, interprété notamment par Bruno Ganz et couronné de huit David di Donatello (l’Oscar italien). Dix long métrages et documentaires de Soldini seront projeté à Soleure, dont son dernier film, Il comandante e la cicogna, en lice pour le Prix du public.

Pas seulement le cinéma…

Bien que le chemin menant au grand écran soit souvent difficile, le métier d’acteur continue à faire rêver. «Nous recevons chaque jour des dizaines de candidatures spontanées de professionnels ou d’amateurs qui aimeraient un rôle dans un film, commente Corinna Glaus. Mais peu se rendent compte de la quantité d’énergie et de volonté qu’il nous faut pour faire ce métier qui balance souvent entre rêves, succès et précarité.»

Aujourd’hui, il est pratiquement impossible de vivre seulement du cinéma en Suisse. «Un jeune acteur diplômé est payé environ mille francs par jour de tournage, explique Corinna Glaus. Les prises peuvent durer entre deux jours et une semaine. Pour des rôles principaux, où l’acteur est engagé au mois, on négocie un forfait tournant autour de 20’000 francs. Et celui qui s’est déjà fait un nom et qui travaille avec un agent peut même demander 50’000 francs.»

Etant donné qu’un acteur peu connu réussit difficilement à décrocher plus d’un rôle par an dans un film, le calcul est vite fait. C’est pourquoi les jeunes doivent jongler entre un contrat au cinéma – lorsqu’ils arrivent à un avoir un – une pièce au théâtre et même quelques publicité ou, qui sait, un petit travail pour une banque en tant qu’animateur dans l’une de ces activités de team-building tellement à la mode.

Rêve américain?

Marie Leuenberger et Max Hubacher ne se sont cependant pas découragés. «Maintenant que j’ai terminé le lycée, je veux aller étudier le théâtre en Allemagne. Je suis en train de passer les examens d’admission», confie Max Hubacher. Mais concurrence oblige, il préfère ne pas dévoiler ses cartes et rester discret sur les projets qui l’attendent. Pendant ce temps, il travaille dur.

Mais rêve-t-il d’Hollywood? «Il est clair qu’Hollywood reste un grand rêve, même s’il est probablement impossible, répond-il. Mais je dois dire que l’expérience vécue jusqu’à présent en Suisse m’a tellement donné. Mon objectif est de jouer: ce qui importe, ce n’est pas où, mais comment.»

Un avis partagé par Marie Leuenberger. «Je veux pouvoir participer à un film qui m’enthousiasme, pas devenir célèbre, affirme-t-elle. Et peut-être qu’en ce sens, l’Europe a beaucoup plus à m’offrir que le rêve américain.»

(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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