Des perspectives suisses en 10 langues

Katie Melua à Montreux, la simplicité élégante

Katie Melua sur scène, entre intensité et retenue. Keystone

Avec 9 millions d'albums vendus, la frêle britannique d'origine géorgienne est aujourd'hui un poids lourd de l'industrie du disque. Elle a donné jeudi soir un superbe concert à Montreux. Peu avant, swissinfo rencontrait la chanteuse dans sa loge.

Du folk, des accents jazzy, et du blues, étonnamment souligné dans ce spectacle donné dans le Miles Davis Hall.

Au point que, après avoir chanté son répertoire, de «The Closest Thing to Crazy» à «If You Were A Sailboat» en passant par «Nine Million Bicycles», Katie Melua n’hésite pas à reprendre «Kozmic Blues» de Janis Joplin en rappel. Sans chercher à mimer la diva éthylique, mais en restant elle-même: intense et sobre à la fois.

A l’heure où les bombes siliconées du «R&B» jouent de la vulgarité chronique, le mot qui vient à l’esprit pour évoquer Katie Melua est «élégance». Elégance ciselée de sa musique. Elégance de sa voix comme de sa robe noire. Elégance de ses propos… Une sorte, apparemment, de pureté, si ce mot a un sens.

swissinfo: Quel genre de personne êtes-vous avant d’entrer en scène?

Katie Melua: Je n’ai pas de rituel particulier, ni de chant guerrier bizarre avec mes musiciens. Je me détends, je me chauffe… et j’y vais!

swissinfo: Pour une jeune artiste, le «Montreux Jazz Festival» signifie-t-il quelque chose de particulier?

K.M.: Oui, absolument, il suffit de regarder le line-up du festival, tout le monde est là, de Leonard Cohen aux Babyshambles! Et le contexte est étonnant: tellement de légendes ont joué ici, et soudain vous faites partie de ça! Oui, je suis vraiment heureuse.

swissinfo: Cohen a donné un magnifique concert à Montreux. Sa chanson «In my Secret Life» figure sur votre dernier album, et vous avez participé à Montréal à un concert-hommage… C’est une référence pour vous?

K.M.: Je suis une immense fan de Leonard Cohen. «In my secret life» signifie beaucoup pour moi. Les paroles évoquent le combat des deux personnes qui sont en nous. Quelque chose qui est vraiment universel. Et il a cette façon de dire les choses d’une façon qui n’a jamais été dite auparavant. Je me sens vraiment reliée à lui.

swissinfo: Vous êtes imprégnée de folk et de blues… Comment se sont développées ces influences entre la Géorgie et la Grande-Bretagne?

K.M.: En Géorgie, j’écoutais surtout de la musique folklorique de Géorgie. Et certaines musiques de l’Ouest, comme Queen, ou Elton John, des choses très eighties. Mais c’est en venant à l’Ouest et en ayant une approche plus sérieuse de la musique que je me suis plongée dans le folk. J’ai découvert Dylan, Joni Mitchell… C’est cette musique qui m’a vraiment influencée.

swissinfo: Aujourd’hui, vous avez vendu à peu près 9 millions d’albums. Vous n’avez pas parfois le vertige?

K.M.: Pas vraiment. Je ne voudrais pas avoir l’air blasé, mais… il ne faut pas penser en termes de chiffres. L’important, c’est de faire de la musique, et le reste est un formidable bonus qui t’apporte la sécurité, à toi et à ta famille. Qu’un album ait du succès ou non, ce n’est pas qu’une question de musique, mais aussi de chance. Il y a tellement d’artistes qui ont un talent fou et qui ne vendent rien! Pour moi, vendre beaucoup n’est pas la preuve qu’on est un grand artiste. La preuve est plutôt dans la longévité des chansons…

swissinfo: On a l’impression que vous êtes un mélange étonnant de fraîcheur, de naturel et d’une approche très calibrée de vos albums et de vos chansons…

K.M.: C’est possible. C’est sans doute dû à ma collaboration avec Mike Batt. C’est un tout grand du «songwriting» et de la production. J’ai eu beaucoup de chance de le rencontrer et de faire trois albums avec lui. Mais nous sommes issus de deux perspectives très différentes de la musique, et de la vie. C’est peut-être ce qui crée ce mélange étonnant.

swissinfo: Comment s’articule votre collaboration?

K.M.: En général, il a des chansons toutes prêtes, même si, sur le dernier album, il en a écrit spécialement pour moi. Parfois je lui en apporte, on travaille dans les deux sens.

swissinfo: On a pourtant l’impression que certains de ses textes collent particulièrement avec vous…

K.M.: Oui, mais en fait, il y a peu de chansons qu’il a écrites pour moi. Ce sont souvent des chansons qu’il a composées il y a longtemps. La raison pour laquelle ça colle comme ça, c’est parce que je les choisis, et que je ne chanterais pas une chanson à laquelle je ne me sens pas ‘connectée’. D’où le plaisir que j’ai à les chanter.

swissinfo: Mike Batt et vous, ce sont deux générations musicales différentes. Vous avez parfois des conflits?

K.M.: Bien sûr! On ne peut pas avoir de collaboration artistique sans avoir des désaccords. Mais une bonne collaboration, c’est de parvenir à un résultat qui te satisfait. Trois albums, cela représente évidemment beaucoup de différends! Mais notre collaboration est excellente.

swissinfo: Allez-vous continuer à travailler ensemble ou comptez-vous un jour lui dire «maintenant, je suis une grande fille»?

K.M.: Mike est aussi mon manager, et je suis sur son label. Et ça, ça ne va pas changer. Par contre, ce troisième album est le dernier où il aura travaillé comme auteur et producteur. Je suis à la recherche d’un nouveau producteur, je vais écrire davantage et également chercher des chansons écrites par d’autres gens.

swissinfo: J’aime particulièrement la chanson «Spider’s Web», que vous avez signée. Quelques mots à son propos?

K.M.: C’est une chanson que j’ai écrite quand j’avais 19 ans. Elle parle, de façon assez naïve, de politique. Elle a été influencée par mon origine géorgienne. Le point de vue de quelqu’un qui vient d’un pays en voie de développement et qui découvre la vie à l’Ouest, dans un pays développé. Cette chanson essaie d’explorer un peu cela…

swissinfo: Pour conclure… Dans mes rêves, j’aimerais vraiment aller voir un film d’horreur avec vous – ceux qui connaissent la chanson «Scary Films» comprendront.

K.M.: Oh, sweet! D’accord! Lequel?

swissinfo: Ce n’est pas très important…

K.M.: Je crois qu’un film d’horreur japonais serait une bonne idée, non?

Interview swissinfo, Bernard Léchot à Montreux

Katie Melua est née en Géorgie (ex-URSS) en 1984.

Fille de médecin, contraint à se déplacer souvent, elle est passée par Moscou, Batoumi (Géorgie), Belfast dès l’âge de 9 ans, puis Londres.

Pendant ses dernières années de scolarité, elle suit les cours du Brit School for the Performing Arts. C’est là que le compositeur et musicien Mike Batt («Lady of the Dawn», «The Ride to Agadir») la remarque.

Il la signe sur son label «Dramatico». Trois albums vont naître de cette collaboration: «Call of the search» (2004), «Piece by Piece» (2005) qui connaît un succès mondial notamment grâce à la chanson «Nine Millions Bicycles», et «Pictures» (octobre 2007).

Le 2 octobre 2006, Katie Melua est entrée dans le Livre Guinness des records après avoir donné le concert le plus profond sous le niveau de la mer (à -303 mètres), sur une plate-forme pétrolière dans la mer du Nord! Un DVD retrace l’histoire de ce concert: «Concert Under The Sea: The Documentary Film»!

La 42ème édition du MJF a lieu du 4 au 19 juillet.

Au total, les deux scènes voient défiler près de 90 groupes.

Maintes animations complètent la programmation, dont 250 concerts et DJ gratuits, des croisières sur le Léman et des voyages musicaux en train.

Les organisateurs disposent d’un budget de 18 millions de francs.

Le festival a été créé en 1967 par Claude Nobs, toujours aux commandes. De nombreux disques live y ont été enregistrés.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision