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L’école et ses 26 ministères de l’éducation

L'école en phase d'harmonisation, comme ici à Payerne, où deux cantons gèrent un gymnase commun. Keystone Archive

Le fédéralisme demeure au coeur de l'école suisse, avec ses 26 ministères de l'éducation pour autant de cantons. De quoi en perdre son latin.

Les députés viennent d’accepter une révision constitutionnelle sur l’école. Elle force le système à s’harmoniser à l’échelle nationale sans lui contester sa décentralisation.

Même âge d’entrée à l’école, même durée de scolarité obligatoire et des niveaux d’enseignement, reconnaissance des diplômes: l’harmonisation est au centre de cette révision constitutionnelle qui devrait passer devant le peuple à l’automne 2007.

Vaste chantier, cette harmonisation (de l’école maternelle aux hautes écoles) devient même obligatoire. La Confédération devra forcer les cantons à s’entendre s’ils n’y parviennent pas seuls.

Le pays se dirige donc tout droit vers «un espace éducatif homogène, d’un haut niveau de qualité et qui couvre l’ensemble du territoire», selon la terminologie officielle.

Actuellement, la mobilité intercantonale reste problématique pour les enfants en âge de scolarité. Ils passent d’un système à un autre – programmes différents, âges décalés, possibilités de raccordement problématiques…

L’âge minimum d’entrée à l’école primaire est par exemple de 5 ans et trois mois à Obwald et de 7 ans à Appenzell, Rhodes Intérieures. La même école primaire dure 4 ans dans le canton de Vaud et six dans celui du Jura.

Eviter les excès du fédéralisme

Pour concrétiser ce qui n’est pas une centralisation à la française mais davantage qu’une simple coordination, la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) mettra en consultation un projet de concordat intercantonal au début de l’an prochain.

«Si l’on va plus loin, on uniformise, on centralise le système, comme le demandait l’an dernier le parti radical (PDR / centre droit), indique Olivier Maradan, secrétaire général adjoint de la CDIP. La clé du système repose plutôt sur le bon usage de la subsidiarité entre tous les niveaux de décision.»

«L’école fait partie des très grandes compétences des cantons, explique Nicolas Schmitt, maître de recherche à l’Institut du fédéralisme à Fribourg. D’ailleurs, la CDIP est la plus grosse conférence intercantonale, tous secteurs confondus.»

C’est par son biais que les cantons ont entrepris depuis plus de trente ans d’harmoniser certaines de leurs pratiques. Au travers de plans d’études cadre notamment, aujourd’hui en chantier.

Un domaine très proche des citoyens

La Suisse est un agrégat de petits Etats qui au fil du temps ont délégué une part de leurs compétences. Comme, très tôt, l’armée ou la monnaie.

Mais la santé et l’éducation touchent le citoyen de près, explique Nicolas Schmitt. «Autant que possible, ces domaines sont restés de la compétence du niveau le plus bas.»

«La Suisse a tout intérêt à conserver un système décentralisé au niveau éducatif, avance le chercheur. Comment, sinon, gérer des écoles en plusieurs langues, dans plusieurs cultures? La décentralisation scolaire s’impose d’elle-même.»

Cette décentralisation s’applique au niveau des communes déjà, qui gèrent l’école enfantine et obligatoire, soutenues par des commissions scolaires comprenant des parents d’élèves. Ces commissions élisent parfois les enseignants et contrôlent la bonne marche de l’école.

Vingt-six ministères de l’éducation

La constitution fédérale octroie l’instruction publique aux cantons. Et c’est au sein des 26 ministères de l’éducation du pays que sont notamment dessinés les plans d’études.

Au niveau du gouvernement fédéral, aucun ministère de l’éducation n’a la haute main sur le secteur. Mais les réflexions vont actuellement bon train pour réunir sous un même toit des tâches réparties dans trois ministères.

Par élève, la Suisse est l’un des pays de l’OCDE qui dépensent le plus pour l’éducation. Raisons principales: le niveau de salaire des enseignants et le multilinguisme.

«On pourrait penser qu’en raison de la décentralisation, le coût de l’administration de l’école est plus élevé, indique Michel Rohrbach, collaborateur de la CDIP. Les chiffres de l’OCDE disent le contraire.»

swissinfo, Pierre-François Besson

La Suisse consacre annuellement 11’000 francs par élève à l’éducation, soit 3000 francs de plus que la moyenne de l’OCDE (2001).
De la maternelle à l’université, elle dépense 25 milliards de francs par an (2002, 18,6% des dépenses publiques totales).
87% de cette dépense sont assumés par les cantons et communes.
Et la moitié de cette enveloppe bénéfice à l’école obligatoire, qui accueille sept élèves sur dix.

– Selon le principe de subsidiarité, les cantons sont souverains tant qu’ils n’ont pas délégué leurs compétences à la Confédération (art 3 de la Constitution fédérale). La Constitution précise aussi qu’ils sont responsables d’un enseignement primaire suffisant pour tous (art 63).

– L’harmonisation de l’école semble partout bien accueillie, y compris dans la population. Le dernier sondage de «Perspective Suisse» sur les grandes propositions de réformes indique que 88% des 14’000 personnes interrogées veulent même un système scolaire unifié à l’échelon national.

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