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L’accord fiscal avec Londres ouvre de nouveaux fronts

La présidente de la Confédération Eveline Widmer Schlumpf et le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso le 20 février dernier Keystone

Sauver le secret bancaire. C’est l’espoir de Berne après l’accord révisé entre la Suisse et la Grande-Bretagne. Les observateurs du secteur ont des doutes. Ils en font part à swissinfo.ch

L’accord révisé entre Berne et Londres, selon le modèle Rubik, est la solution proposée par la Suisse en réponse aux échanges automatiques d’informations fiscales demandés par la Commission européenne. Ce qui enterrait définitivement le secret bancaire.

Pour pouvoir continuer de dissimuler l’identité des titulaires de comptes offshore, Rubik propose de verser une indemnité pour l’évasion fiscale passée et d’obliger les banques à prélever un impôt sur les bénéfices futurs des actifs de leurs clients.

Ce mardi, un accord Rubik remanié avec la Grande-Bretagne a été dévoilé. Il prévoit de ne recueillir que les impôts sur les bénéfices qui ne sont pas couverts par la directive européenne sur l’épargne. L’impôt sur les intérêts du revenu continuera d’être soumis à la directive de l’UE, tandis que toute une gamme d’autres bénéfices sera couverte par Rubik.

Pragmatisme ou idéalisme

 

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été exclue de l’accord avec Londres. Ce qui satisfait aux exigences de l’UE.

Mais l’accord contient une clause stipulant que le paiement des retenues d’impôt libère une fois pour toute les clients bancaires suisses de leurs obligations fiscales. En d’autres termes, il est censé empêcher de nouvelles demandes pour un échange automatique d’informations.

Certains experts estiment que la Commission européenne (CE) pourrait encore hésiter face à cette clause et montrer une plus grande résistance au traité. «Il s’agit d’un conflit évident avec le principe de base de l’impôt sur l’épargne [qui ne contient pas une telle disposition]», déclare à swissinfo.ch Mark Morris, conseiller fiscal basé à Zurich.

De son côté, Dieter Freiburghaus, professeur émérite à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), est convaincu que le traité Rubik finira par passer, malgré les objections possibles.

«La CE pourrait encore soulever des objections, déclare-t-il à swissinfo.ch. A long terme, Bruxelles veut toujours un échange automatique d’informations, mais la CE devra accepter ce traité révisé, puisque de nombreux Etats ont d’urgence besoin d’argent. Ce qui plaide en faveur du pragmatisme et non de l’idéalisme.»

Récompenser les tricheurs

 

La CE ne fera aucun commentaire avant d’avoir digéré le traité révisé Rubik. Mais même si elle l’accepte à contrecœur, il n’y a aucune garantie que le traité sera avalisé par le Parlement britannique.

Plus tôt ce mois, un sous-comité parlementaire a produit un rapport accablant sur l’accord, craignant qu’il ne «récompense ceux qui ont délibérément évité l’impôt par rapport à ceux qui ont payé leur dû».

L’accord similaire conclu avec l’Allemagne a également suscité l’opposition d’une partie de la classe politique allemande.

Une autre critique du traité britannique pointe le trop grand nombre des lacunes.

Une importance vitale

 

Le groupe de pression Tax Justice Network a qualifié l’affaire de «fromage suisse criblé de trous», notamment parce que l’accord ferme les yeux sur les trusts, ces sociétés fiduciaires qui permettent de masquer l’identité des bénéficiaires, ce qui rend impossible leur taxation.

«N’importe qui pourrait court-circuiter l’ensemble du système Rubik en mettant en place un trust au Panama, tout en demeurant en règle sur le plan fiscal», confirme Mark Morris, avant de pointer d’autres points faibles concernant, entre autre, les régimes d’assurance spécialisés.

Mais les fraudeurs n’ont pas encore gagné la partie, selon Mark Morris. Une série d’amendements comblera les trous béants de la directive sur épargne quand elle aura surmonté les objections de l’Autriche et du Luxembourg.

«Jusqu’à mardi [lorsque le traité britannique a été mis à jour], le système Rubik était responsable du paiement de l’impôt sur les intérêts des revenus. Maintenant cela relève de la directive sur l’épargne et les modifications boucheront un grand nombre de lacunes». estime Mark Morris.

En plus, la définition des intérêts sur le revenu sera également renforcée dans la directive. Cela pourrait inclure des revenus imposables actuellement couverts par l’accord Rubik.

«Ces amendements vont finir par faire du système Rubik une coquille vide», prédit Mark Morris.

Le succès du traité Rubik est pourtant d’une importance vitale pour le secteur financier suisse. Si l’accord avec Londres peut être adopté et mis en œuvre au début de l’année prochaine, d’autres pays comme la Grèce pourraient commencer à négocier leurs propres accords Rubik.

Le Conseil fédéral a pour objectif de créer de bonnes conditions cadres pour la place financière suisse, dont il entend simultanément accroître l’acceptation au niveau international.

La stratégie prévoit d’une part de régler les problèmes fiscaux hérités du passé avec les Etats concernés. Elle s’attachera d’autre part à garantir à l’avenir l’imposition des revenus et des gains en capital.

Trois instruments permettront d’atteindre ces objectifs:

– des conventions concernant l’imposition internationale à la source.

– une amélioration de l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire selon les normes internationales.

 – l’extension du devoir de diligence des prestataires de services financiers.

En mars 2009 déjà, le Conseil fédéral a décidé de développer l’assistance administrative en matière fiscale.

La Suisse intègre cette assistance dans les nouvelles conventions de double imposition et dans les conventions qui sont renégociées.

Le Conseil fédéral présentera des mesures concrètes d’ici à septembre 2012.

Source : Ministère suisse des finances

Les accords signés avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne prévoient une

régularisation des avoirs non déclarés et détenus en Suisse par des ressortissants de ces deux pays.

Le cas échéant, le versement d’un impôt forfaitaire unique sur le capital déposé, prélevé par un agent débiteur (en principe une banque), et versé de façon anonyme (le nom de l’épargnant n’est pas mentionné) aux autorités fiscales allemandes ou britanniques permet de régler le passé. Le taux d’imposition prévu varie entre 19 et 34%.

Pour les futurs rendements sur les capitaux, un impôt libératoire sur les intérêts et sur les dividendes est prévu. Pour l’Allemagne, le taux applicable est fixé à 26,375%, ce qui correspond à celui en vigueur dans ce pays. En revanche, pour la Grande-Bretagne, il varie entre 27et 48% selon la catégorie des rendements sur les capitaux.

En Allemagne, l’accord signé avec la Suisse n’a pas encore été ratifié par le Parlement. Il est notamment contesté par le Parti social-démocrate et les Verts, qui estiment que l’accord serait trop favorable aux fraudeurs.

En ce qui concerne le traité avec la Grande-Bretagne, il a été complété pour répondre aux réserves de la Commission européenne concernant sa compatibilité avec le droit européen. Seule sa structure juridique a cependant été modifiée. Devant encore être approuvé par les Parlements suisses et britanniques, l’accord devrait entrer en vigueur au début de 2013. 

(Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand)

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