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L’aide aux personnes âgées atteint ses limites en Suisse

La politique du maintien des personnes âgées à domicile est actuellement privilégiée dans la pratique. Visum

En Suisse romande, les institutions spécialisées n'ont pas assez de lits pour accueillir les personnes âgées dont le nombre ne cesse de croitre. C'est le constat du sociologue Stefano Cavalli, qui vient de terminer une thèse sur le sujet. Interview.

Le responsable de la santé publique du canton de Vaud l’a annoncé cette semaine: des cas de maltraitances continuent d’apparaitre dans les établissements médicaux sociaux (EMS), même s’ils sont en diminution.

Sur 57 EMS inspectés en 2008 sur un total de 160 établissements dans le canton, 17 d’entre eux ne sont pas conformes, dont 8 ne respectent pas les bases légales sur les mesures de contrainte, selon Pierre-Yves Maillard.

Un constat sur lequel revient Stefano Cavalli, chercheur au Centre interfacultaire de gérontologie de l’Université de Genève, qui vient de soutenir une thèse de doctorat en sociologie sur l’entrée en EMS.

swissinfo: Les institutions pour personnes âgées ont-elles un personnel qualifié?

Stefano Cavalli: On peut toujours améliorer la formation du personnel, mais les problèmes viennent surtout de la surcharge de travail. Le manque de temps ou l’absence de disponibilité peuvent être vécus comme de la négligence par le résident. Le point positif est que la maltraitance dans les homes est aujourd’hui ouvertement débattue.

En revanche, la maltraitance envers les ainés qui vivent à domicile reste un sujet tabou. Elle peut être due à des conflits avec l’entourage mais aussi dépendre de l’incapacité des proches à faire face aux problèmes et handicaps qui frappent la personne âgée.

swissinfo: La tendance générale est-elle de garder le plus longtemps possible les personnes chez elles?

S C: Oui, c’est toujours la politique du maintien à domicile qui est privilégiée. Cela dit, certains cantons réalisent que l’augmentation constante du nombre de personnes âgée impose la construction de nouveaux EMS. Et ce, même si le pourcentage de personnes en institution tend à diminuer.

Actuellement, une bonne partie de la Suisse romande ne dispose pas d’un nombre suffisant de lits dans les EMS. En conséquence, des personnes âgées qui ne peuvent plus rester chez elles sont hospitalisées, faute de pouvoir être accueillies dans un EMS. Ce qui d’ailleurs coûte plus cher qu’une prise en charge en EMS.

Aujourd’hui, l’entrée en EMS est retardée et les nouveaux résidents sont de plus en plus malades et handicapés. En même temps, les professionnels qui interviennent à domicile doivent faire face à des cas de plus en plus lourds.

Dans certaines situations, on peut d’ailleurs se demander si la politique de maintien à domicile n’est pas allée trop loin. Et cela bien que la plupart des personnes âgées souhaite rester à domicile

swissinfo: Vous avez donc observé que les personnes âgées veulent rester le plus longtemps possible chez elles.

S C: Quand on interroge des personnes de plus de 80 ans chez elles, la très grande majorité dit vouloir rester à domicile et y finir ses jours. Ces personnes ne veulent surtout pas entendre parler des EMS.

Mais, une fois franchie la porte de l’institution, leur discours change. Presque toutes les personnes interviewées en EMS affirment avoir décidé elles-mêmes de faire le pas et entrepris elles-mêmes les démarches nécessaires. Ce qui n’est pas forcément le cas. Mais cette revendication est une manière de prouver à soi-même et aux autres que l’on reste maitre de sa vie. Elle aide à mieux s’adapter au nouvel environnement.

swissinfo: En Suisse romande en tous cas, il semble donc que la politique actuelle à l’égard des personnes âgées a atteint ses limites?

S C: Vu l’augmentation du nombre de personnes très âgées et l’arrivée prochaine dans cette tranche de vie de la génération du baby-boom, il est clair qu’il faudra mettre plus de moyens et de personnels à disposition pour les EMS et pour les aides à domicile. Et ce, même si on observe une amélioration de l’état de santé des personnes âgées au fil des générations.

swissinfo: Les familles s’occupent-elles de leurs anciens?

S C: Les personnes qui entrent en EMS ne sont pas abandonnées par leur famille. Au contraire, on observe une intensification des visites à la suite du déménagement. La question à se poser est en revanche celle de l’étendue du réseau familial de la personne âgée. Par exemple, un quart des nouveaux résidents d’EMS que nous avons interviewés n’avait pas d’enfants. Et que se passera-t-il quand la génération du baby-boom atteindra la très grande vieillesse?

Outre le renforcement des structures existantes, une solution est en train de se dessiner en Suisse romande: des structures intermédiaires entre les aides à domicile et les EMS. On peut mentionner par exemple les appartements avec encadrement médico-social, les hôpitaux et les foyers de jour ou même les séjours temporaires en EMS. Ces solutions aident la personne âgée à surmonter une période difficile, limitent les hospitalisations et permettent de soulager les familles.

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Selon Stefano Cavalli, les disparités socio-économiques se répercutent clairement sur la santé des personnes âgées, suite en particulier à la dureté des métiers accomplis.

Les EMS sont majoritairement occupés par des personnes de catégorie sociale modeste, à cause des problèmes de santé qu’elles rencontrent.

Les personnes aisées ont moins recours aux EMS, surtout parce qu’elles sont en meilleure santé et moins à cause de leur capacité à s’offrir des aides particulières.

La plupart des résidents interviewés par Stefano Cavalli déclarent s’être bien adaptés au changement de lieu de vie qu’implique l’entrée en EMS, certains dès le premier jour, d’autres après être passés par une période difficile.

S’installer en EMS implique de quitter son chez-soi, mais permet à la personne âgée de bénéficier d’une prise en charge continue, de vivre dans un cadre sécurisant, voire, pour celles qui vivaient seules, d’être entourées.

Au niveau fédéral, la politique de la vieillesse comprend la prévoyance vieillesse financière avec le système des trois piliers (1er pilier : AVS et prestations complémentaires; 2e pilier: prévoyance professionnelle [caisses de pension]; 3e pilier: prévoyance individuelle).

La Confédération s’occupe, d’autre part, de prévoyance sanitaire, c’est-à-dire de la prévention, de l’assurance-maladie et du financement des soins de longue durée.

Les cantons et les communes ont pour tâche de veiller à ce que les personnes âgées disposent d’assistance et de soins, tant à domicile que dans les établissements médico-sociaux.

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