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L’aide aux victimes du tsunami à l’heure du bilan

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Plus de quatre ans après le drame, on peut dire que si des erreurs ont été commises par les organisations humanitaires, le bilan apparaît plutôt positif concernant le travail effectué par les ONG suisses à Aceh. Reportage.

On a beaucoup entendu, notamment en Suisse, que trop d’argent avait été récolté pour venir en aide aux pays d’Asie dévastés par le tsunami du 26 décembre 2004.

Confrontée à une vague de générosité internationale sans précédent, l’organisation humanitaire française MSF (Médecins sans frontières) avait même annoncé quelques mois seulement après la catastrophe qu’elle refuserait désormais les dons et utiliserait les sommes déjà reçues pour d’autres causes.

Un malentendu

«C’est un grave malentendu», s’insurge Roland Jeanneret, le responsable de la communication de la Chaîne du Bonheur, première plateforme de collecte et de solidarité humanitaires en Suisse.

«S’il y a eu excédent, c’est uniquement en ce qui concerne l’aide d’urgence, explique-t-il. En ce qui nous concerne, cette première phase d’aide ne représente traditionnellement qu’une toute petite partie de notre travail et de nos fonds, pas plus de 15%. Près de 60% sont consacrés à la reconstruction et à la réhabilitation et le reste, entre 20 et 30%, alloués au développement et à l’aide à long terme.»

«On le voit d’ailleurs très clairement maintenant sur le terrain à Aceh: loin d’avoir trop d’argent, on se rend compte qu’on n’en aura sans doute pas assez pour y financer tous nos projets jusqu’au bout», ajoutait Roland Jeanneret lors d’une récente tournée post-tsunami dans la province indonésienne.

En effet, bientôt cinq ans après le raz-de-marée, avec en vue la fin prochaine d’une des plus importantes opérations humanitaires jamais menées dans le monde, la Chaîne du Bonheur a voulu vérifier ce qui a été concrètement réalisé sur place grâce aux quelques 228 millions de francs au total généreusement offerts par la population suisse, un record historique.

Chantier en cours

Première constatation qui s’impose en visitant les différents projets des organisations partenaires que la Chaîne du Bonheur a financés en Indonésie: le travail n’y est pas terminé. Ainsi la Croix-Rouge, après avoir inauguré deux écoles à Aceh, en a-t-elle encore une dernière à finir. Elle ne pense pas quitter les lieux avant 2010, alors que Caritas est encore en train de distribuer des maisons à mille victimes du tsunami à Melaboh, sur la côte…

Une situation qui s’explique au vu de l’ampleur des besoins dans le territoire où la vague géante a provoqué les plus gros dégâts et tué le plus de personnes – quelque 160’000 des 220’000 victimes recensées en tout.

Mais cette lenteur est aussi à mettre sur le compte d’un certain nombre d’erreurs commises par les organisations humanitaires dépêchées sur les lieux, la gestion chaotique et le manque de coordination étant les plus souvent citées par les observateurs.

Le gigantisme même de la réponse mondiale à la catastrophe a parfois constitué un obstacle, les trop nombreuses ONG se marchant littéralement sur les pieds dans leur empressement à reconstruire la province, sans trop se soucier d’assurer la complémentarité de leurs efforts.

Le personnel humanitaire suisse en poste dans la région reconnaît d’ailleurs assez ouvertement que l’opération a représenté pour eux un défi, la plupart n’ayant jamais eu à gérer auparavant de projets aussi vastes. «On a tous beaucoup appris ici, admet Bettina Iseli de Caritas, une expérience qui sera sans doute très utile à l’avenir lors d’autres catastrophes».

Mauvaise répartition

«Le vrai problème n’est pas tant qu’il y ait eu trop de dons ou pas, mais bien la mauvaise répartition de l’aide, qui a fait que certains ont trop reçu alors que d’autres ont été oubliés», relève de son côté Teuku Samsul Bahri, de l’ONG locale «Eye on Aceh».

Le jeune intellectuel indonésien observe par exemple que plus les zones dévastées étaient éloignées et difficiles d’accès (comme certaines petites îles perdues au large), moins elles ont reçu l’attention de l’aide internationale. Il dénonce aussi le grave déséquilibre qui a systématiquement favorisé, d’après lui, l’aide physique, autrement dit la construction d’infrastructures et de bâtiments, au détriment des ressources humaines pourtant nécessaires pour les faire fonctionner

«Avant, il n’y avait pas assez d’écoles par ici, maintenant il y en a partout! C’est très bien, dit-il, sauf que, comme on n’ a pas formé davantage de professeurs, on n’en a tout simplement pas assez pour enseigner dans tous ces magnifiques établissements flambant neufs!»

Succès helvétiques

Dans l’ensemble toutefois, les projets suisses à Aceh semblent largement épargnés par ces critiques, ayant su éviter les principaux écueils dans lesquels sont tombés leurs collègues d’autres nations.

A noter en particulier une aide ciblée au maximum. Soit géographiquement, comme dans le cas de Caritas, qui a décidé de concentrer son aide à Melaboh, une région où peu d’autres ONG sont présentes. Soit dans un secteur d’expertise précis, par exemple dans le cas de Swisscontact, qui s’est spécialisé dans la formation professionnelle grâce à ses camions remplis de matériel éducatif pour futurs électriciens ou réparateurs moto, camions capables de sillonner toute la province.

Avec, de manière générale, une volonté de prendre en compte tous les aspects d’un projet selon une vision à long terme respectueuse des exigences du développement durable. «Cette manière de faire n’est pas rapide, explique Betina Iselli, mais elle donne à terme des résultats bien meilleurs.»

swissinfo, Niki Nadas, Bangkok

Le 26 décembre 2009 marquera le 5e anniversaire du tsunami qui a ravagé les côtes de l’Océan indien en Asie du Sud-Est, à la suite d’un séisme de magnitude 9 survenu au large de l’île de Sumatra.

Les pays touchés furent l’Indonésie (la province septentrionale d’Aceh), le Sri Lanka, l’Inde, la Thaïlande et dans une moindre mesure les territoires africains de la Somalie, de la Tanzanie et du Kenya.

La catastrophe a provoqué la mort ou la disparition de 230’000 personnes, dont plus de 160’000 à Aceh, et fait 125’000 blessés. La Suisse a déploré 130 victimes parmi ses ressortissants.

L’ensemble des dons qui ont afflué dans les territoires dévastés s’est élevé au niveau mondial à plus de 9 milliards de francs suisses.

La contribution de la Confédération s’est élevée à 35 millions, dont 12,5 millions pour l’Indonésie, alors que quelque 228 millions ont été versés par la population à la Chaîne du Bonheur.

La plateforme de collecte de fonds privés de la radio-télévision SRG SSR idée suisse a ainsi pu financer en grande partie une centaine de projets de reconstruction gérés sur place par quelque 25 organisation non-gouvernementales partenaires.

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