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L’année des conflits de travail

14 septembre 2005, manifestation nationale du service public. Keystone Archive

Malgré la reprise économique qui s'est esquissée, le climat social a continué de se détériorer en 2005, affirment les syndicats.

Les grèves ont été moins dures que l’an dernier, mais pour la première fois, le personnel de la Confédération est descendu dans la rue.

Le 1er décembre, quelque 2500 employés fédéraux ont manifesté leur colère à Berne. Ils dénonçaient les baisses de salaires et la réforme de leur caisse de pension.

Au lieu de la compensation du renchérissement, ils recevront en mars une allocation unique et non assurée de 1,9% du salaire annuel brut, alors qu’ils espéraient une prime de 2,4%.

«Le ton a complètement changé lors des assemblées de délégués», explique Pierre-André Tschanz, de l’association du personnel de la Confédération (APC). «Le 9 novembre, lors d’une réunion avec le ministre des finances Hans-Rudolph Merz, les mots ‘grève’ et ‘mesures de lutte’ ont été prononcés pour la première fois».

«Cela montre que le climat est en train de se modifier et que le personnel en a assez». Pierre-André Tschanz envisage d’autres mouvements de résistance contre la nouvelle politique du gouvernement pour l’an prochain, mais pas forcément sous forme de grèves.

Durcissement


Dans le secteur privé aussi, les rapports sociaux se durcissent. «Pas dans la majorité des entreprises, mais dans celles qui sont en main de financiers», précise Fabienne Blanc-Kühn, du syndicat Unia.

Et de citer l’exemple du groupe métallurgique soleurois Swissmetal, qui va fermer la fonderie de l’usine Boillat à Reconvilier (BE), malgré un protocole d’accord signé fin 2004 avec le personnel.

Du côté des employeurs, on voit les choses différemment. Peter Hasler, président de l’Union patronale suisse (UPS) qualifie même d’«agréable» l’atmosphère entre les partenaires sociaux. «Sur les 700 conventions collectives de travail (CCT) régulièrement négociées, seules une à trois donnent lieu à des conflits», explique-t-il.

Taxis immobilisés

Plusieurs débrayages ou actions de protestation ont néanmoins ponctué l’année. Le 14 septembre, des milliers d’employés des services publics fédéraux, cantonaux et communaux se sont mobilisés contre les économies dans des dizaines de villes de Suisse.

Les chauffeurs de taxis de l’aéroport de Zurich ont pour leur part mené une grève de cinq jours en juillet pour réclamer un salaire minimal de 4000 francs.

A Sierre (Valais), 400 ouvriers des usines du groupe d’aluminium Alcan ont débrayé pendant une heure fin juin, pour exprimer leur désaccord à la suppression de 110 emplois. Quelque 150 collaborateurs du centre de distribution Rewe/Usego d’Egerkingen (Soleure), racheté par le discounter Denner, ont observé un arrêt de travail en octobre pour exiger que leur CCT soit reconduite.

Les médias n’ont pas été épargnés. Des employés de la Radio suisse romande ont manifesté début novembre à Lausanne contre des suppressions d’emplois. Chez Edipresse, le même motif a fait descendre dans la rue les journalistes de la «Tribune de Genève» en mai et ceux du quotidien vaudois «24 Heures» en septembre.

Record en 2004


Les conflits du travail se traduisant par des grèves restent toutefois relativement rares en Suisse. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), qui ne dispose pas encore de chiffres pour 2005, a enregistré en 2004 huit arrêts de travail d’une durée d’un ou plusieurs jours.

Le nombre de journées de travail perdues durant cette année, marquée par les grèves de trois semaines chez Filtrona à Crisser (Vaud) et de dix jours chez Swissmetal à Reconvilier (Jura bernois), s’est monté à 38’915.

Même si cela ne représente en gros que 0,03% du total des journées travaillées en une année dans le pays, le chiffre n’en constitue pas moins un record depuis le début des statistiques en 1984. Il est ainsi supérieur de plus d’un tiers au dernier record (24’719), qui remonte à 1998.

swissinfo et Anja Germond, ats

Entre 1990 et 1998 (derniers chiffres disponibles), les grèves ont fait perdre en moyenne à l’économie suisse 0,6 jours de travail par année pour 1000 travailleurs.
En comparaison, le nombre de jours perdus a été de:
4,8 en Allemagne,
23 en France,
42 aux Etats-Unis,
102 en Irlande,
177 en Italie,
217 au Canada.

(source: Benchmarking Deutschland, agence de promotion économique du gouvernement allemand)

– La votation populaire du 25 septembre sur l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux membres de l’Union européenne a permis d’éviter de nombreux conflits du travail.

– Syndicats et patronats, qui souhaitaient que le peuple accepte cet objet, se sont rapidement mis d’accord sur certaines Conventions collectives de travail en vue de lutter contre la sous-enchère salariale qui pourrait résulter de l’arrivée de nouveaux travailleurs européens.

– Ce fut notamment le cas dans le secteur de la construction, chez Swisscom, dans l’hôtellerie et dans la restauration, des branches où les négociations sont en général plutôt musclées.

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