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L’anonymat, embûche pour la naturalisation

Une assemblée communale réunie autour de naturalisations, à Emmen en septembre 2003. Keystone

Les chances d’obtenir la citoyenneté suisse s’effondrent lorsque la demande est traitée par les urnes, constate une étude publiée mardi.

Les chercheurs notent aussi que la présence active de l’Union démocratique du centre (droite dure) influence les décisions de naturalisation dans les communes.

Un chiffre parlant. Selon l’étude publiée par Fonds national pour la recherche scientifique (FNS), les naturalisations soumises au vote populaire obtiennent un taux de refus supérieur de 23% à celles traitées dans le cadre d’autres procédures – assemblée communale ou commission de naturalisation.

«Nous nous attendions à ce que la procédure de naturalisation influence le résultat. Mais qu’une décision par les urnes fasse croître de près d’un quart le nombre de refus est une grande surprise», assure Marc Helbling.

Avec Hanspeter Kriesi, ce politologue à l’Université de Zurich a étudié 207 communes helvétiques pour le Programme national de recherche sur l’extrémisme de droite.

Et à ses yeux, l’anonymat dont profite l’électeur lors des votes à bulletins secrets est mobilisateur. C’est dans cet anonymat que les arguments xénophobes font surtout mouche.

Les deux chercheurs constatent en revanche que les décisions prises en assemblées communales publiques ne réduisent pas les chances des prétendants au passeport rouge à croix blanche.

Le poids de l’UDC

Autre facteur essentiel mis en évidence par l’étude pour expliquer le nombre de refus important (4% de plus) dans certaines communes: la conception que les habitants ont de leur nationalité helvétique. «L’image de la Suisse et ‘d’être Suisse’ dans une commune détermine l’application ou non d’un mécanisme d’exclusion», explique Marc Helbling.

Cette étude souligne aussi l’influence de l’Union démocratique du centre (UDC / droite dure). Lorsque ce parti est actif dans une commune, le taux de refus des demandes de naturalisation progresse de 5%.

Toujours sur le plan de l’influence politique, les partis de gauche par contre ne pèsent en rien sur les décisions de naturalisation, notent les auteurs.

Jusqu’ici, le taux de chômage ou la proportion de la population étrangère revenaient le plus fréquemment pour expliquer les disparités en matière d’accès à la naturalisation.

Ces éléments jouent certes un rôle, mais uniquement lorsqu’ils servent d’arguments directs contre les requérants dans une procédure de naturalisation, permet aussi d’avancer cette étude.

Un dossier «chaud»

Cette étude ne tombe pas dans le désert. La problématique des naturalisations est un thème qui fait les gros titres depuis que plusieurs communes de Suisse alémanique ont refusé ces dernières années le passeport suisse à plusieurs postulants, la plupart originaires d’ex-Yougoslavie.

Juridiquement, le Tribunal fédéral (Cour suprême) a déclaré en 2003 les naturalisations par les urnes anticonstitutionnelles. Mais l’UDC a lancé une initiative populaire (100’000 signatures requises) pour contrecarrer cette interdiction.

Dans le canton de Schwytz en avril dernier, l’électorat a en outre approuvé une autre initiative de l’UDC en faveur de votations à bulletin secret en assemblée communale cette fois-ci. Le Tribunal fédéral ne s’est pas encore prononcé sur ce dernier cas.

Mais dans un précédent arrêt, il avait estimé que les votes en assemblée communale ne devaient pas se faire à bulletins secrets et que les décisions sur les demandes de naturalisation devaient être motivées.

swissinfo et les agences

Lorsque la décision de naturalisation est rendue anonymement – par la voie des urnes en réalité – le taux de refus est supérieur de 23% à celui observé lorsqu’une autre procédure est utilisée.
Lorsque l’UDC est active dans une commune, les chances d’obtenir le passeport rouge à croix blanche sont inférieures de 5%.
Une conception restrictive de la nationalité suisse réduit ces chances de 4%.
L’influence des partis de gauche est insignifiante sur les décisions de naturalisation.

– L’étude du Fonds national de la recherche scientifique s’inscrit dans le débat actuel sur les naturalisations. En septembre 2004, le peuple suisse a refusé une proposition de faciliter la naturalisation pour les jeunes étrangers de la deuxième génération.

– Cas unique en Europe, l’attribution de la nationalité suisse est le fait d’instances de niveau communal. Notamment des assemblées communales ou des commissions de naturalisation.

– En 2003, le Tribunal fédéral a déclaré illégales les décisions de naturalisation prises à bulletin secret et non motivées. L’UDC fait pression en faveur du secret dans les assemblée communales réunies pour décider des naturalisations.

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