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L’après-antibiotiques se prépare à Genève

La manipulation génétique de certaines amibes s'avère prometteuse. Image tirée du site de l'Université de Dublin

Désarmer les bactéries sans les tuer. Fondée sur cette idée, une société genevoise se lance dans la recherche de nouveaux agents anti-infectieux.

De quoi développer des alternatives aux antibiotiques contre lesquelles les bactéries savent se défendre.

Athelas, dans la mythologie de J.R. Tolkien, c’est «l’herbe qui guérit» utilisée par les Elfes. Désormais, c’est aussi le nom d’une jeune société de biotechnologie établie à deux pas de l’Université de Genève.

Ses fondateurs, Pierre Cosson et Jean-Pierre Paccaud, sont tous deux maîtres-enseignants à la Faculté de médecine. Et leurs projets n’ont plus rien d’un rêve.

L’année dernière, Athelas a obtenu deux prix à l’innovation, l’un décerné par l’Ecole polytechnique de Zurich et la société McKinsey, et l’autre par l’édition européenne du Wall Street Journal.

Et dans la foulée, la start-up genevoise a obtenu un financement de deux millions de francs, octroyé par une société de capital-risque à laquelle participe le géant pharmaceutique Novartis. Une performance dans le climat ambiant, où les investisseurs se montrent plutôt frileux.

Une amibe étonnante…

Comme pas mal d’avancées scientifiques, la découverte des techniques sur lesquelles travaille Athelas doit quelque chose au hasard et à la chance.

Au départ, Pierre Cosson étudie dictyostelium discoideum, une amibe aux propriétés fascinantes. Ces organismes unicellulaires possèdent en effet le don de former une communauté lorsque la nourriture vient à manquer.

Quelques centaines de milliers d’amibes se regroupent alors pour former un petit ver qui se meut dans le sol. Plus étonnant encore, les cellules se différencient. Le tronc du ver devient plus rigide et la «tête» produit des spores, chargés d’assurer la reproduction de l’espèce.

…qui devient un cobaye inattendu

Mais au-delà de ces propriétés surprenantes, c’est une autre caractéristique de dictyostelium discoideum qui va déboucher sur l’idée fondatrice d’Athelas.

Pierre Cosson et Jean-Pierre Paccaud remarquent en effet que l’amibe peut se faire infecter par des bactéries. Exactement comme l’être humain. Mieux: certaines bactéries rendues inoffensives pour l’homme (par manipulation génétique) le deviennent également pour l’amibe.

L’inverse est-il également vrai? Pour l’heure, les chercheurs n’ont pas osé en faire l’expérience sur l’homme. Mais le fait est que des bactéries rendues inoffensives pour l’amibe le sont également pour les souris de laboratoire.

Un énorme raccourci



Dans les mois qui suivent, Athelas va donc tester systématiquement diverses bactéries dont on aura inhibé un gène. Si elles deviennent inoffensives pour dictyostelium discoideum, on pourra en déduire que le gène en question est responsable de la virulence de la bactérie.

«Il s’agit là d’un énorme raccourci, admet Jean-Pierre Paccaud. Nous prenons des risques, et nous ne prétendons surtout pas que notre système soit exhaustif ni qu’il permette de découvrir tous les facteurs de virulence.»

Malgré cela, les tests préalables sur l’amibe présentent l’énorme avantage d’être infiniment plus simples et plus rapides que ceux effectués sur l’animal…. et à fortiori sur l’homme.

Financement à trouver

Aujourd’hui modestement installée dans 230 m2 de laboratoires, Athelas compte atteindre une première vitesse de croisière dès ce printemps. La société devrait alors employer six collaborateurs.

Mais d’ici 18 mois, elle aura besoin d’un nouvel apport d’argent frais. Jean-Pierre Paccaud estime que dix millions de francs feraient l’affaire.

Pour développer un jour des médicaments capables de remplacer les antibiotiques, ce n’est pas vraiment cher payé.

swissinfo, Marc-André Miserez

Issue de la Faculté de médecine de Genève, Athelas a reçu en moins d’une année deux prix à l’innovation.
Grâce à un capital-risque de deux millions de francs, son fonctionnement est assuré pour les 18 prochains mois.
Ultérieurement, elle aura encore besoin d’une dizaine de millions pour poursuivre ses travaux.

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