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L'arnaque du «mercure rouge» passait par la Suisse

Des scientifiques avaient affirmé que ce produit miracle était comparable à l'uranium 235. Keystone Archive

Inventé par le KGB, ce faux «produit nucléaire» a été retrouvé dans les caches de Ben Laden. Des livraisons ont transité par la Suisse.

Ce contenu a été publié le 25 mars 2002 - 08:21

Les services secrets russes décident de produire en grande quantité de l'antimoniate de mercure, un sel de mercure assez difficile à fabriquer, dans la ville de Sverdlovsk. De très sérieuses revues scientifiques commencent à raconter les vertus extraordinaires de l'antimoniate, baptisé «mercure rouge».

Grâce à ce produit miracle, on pouvait réaliser une bombe atomique en comprimant l'uranium naturel que l'on trouve un peu partout dans la nature. Et donc plus besoin d'acquérir dans des laboratoires ultra gardés de l'uranium 235 ou du plutonium. De quoi mettre l'eau à la bouche de tous les tyrans de la planète.

Le premier à mordre à l'hameçon de ce conte de fées atomique a été Kadhafi. Il a acheté une grande quantité de «mercure rouge» à 3000 dollars le gramme en 1990. «Il a fallu plusieurs dizaines d'essais avant que Kadhafi se rende compte qu'il avait été mené en bateau par des escrocs», sourit le général Jean Guyaux, auteur de «L'espion des sciences» (1).

Ancien des services secrets français, Jean Guyaux énumère dans ce livre les arnaques scientifiques imaginées par les espions. Le «mercure rouge» occupe une place de choix. Pour rendre crédible cette poudre de perlimpinpin, le KGB va se dissimuler derrière des intermédiaires, et passer par la Suisse.

Une arnaque juteuse

A cette époque, le «mercure rouge» n'est pas considéré dans la Confédération comme étant un produit faisant partie d'un matériel de guerre. Il pouvait, dès lors, être librement commercialisé en Suisse. Car cette arnaque, imaginée par les Russes, s'est développée avec la complicité des Suisses et des pays occidentaux.

«Quand le marché s'essoufflait, la CIA venait en renfort du KGB. Les services américains firent même publier par des scientifiques renommées des articles très sérieux sur les propriétés nucléaires de l'antimoniate de mercure», raconte encore le général Guyaux.

Le but de la manœuvre? L'argent, bien évidemment. Mais il s'agissait aussi de bloquer la course à l'armement de tous les pays qui tentaient de fabriquer une bombe atomique: la Libye, mais aussi la Syrie, l'Irak, la Corée du Nord. Leurs laboratoires perdaient des mois sinon des années à expérimenter le «mercure rouge».

Jusque dans les caches de Ben Laden

Pourquoi reparle-t-on de cette arnaque aujourd'hui? En remontant les filières, les Américains tentent de retrouver les pays et les organisations intéressés par le matériel nucléaire. Ils ont ainsi découvert que les Saoudiens avaient acheté 700 kilos de «mercure rouge», en passant notamment par la Suisse.

Jamais l'Arabie Saoudite n'a envisagé de se doter de l'arme nucléaire. En revanche, elle pourrait avoir approvisionné certains mouvements islamistes. Des caches de Ben Laden en Afghanistan conservaient précieusement cette poudre de perlimpinpin à 3000 dollars le programme.

swissinfo/Ian Hamel

(1) «L'espion des sciences», par le général Jean Guyaux, Flammarion, 348 pages.

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