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«Prendre l’avion coûtera plus cher à l’avenir»

Flughafen Hamburg
L'aéroport "Helmut Schmidt" d'Hambourg est le cinquième plus grand d'Allemagne. Reuters

Des vols à 19 euros à travers l’Europe, c’est bientôt fini, avertit le directeur de l’aéroport d’Hambourg Michael Eggenschwiler. La faillite d’Air Berlin est le signe que la branche de l’aéronautique est en phase de consolidation, estime le Bâlois d’origine.

Mutations sur les marchés, faillites, prises de contrôle et apparitions de nouvelles compagnies aériennes font partie des activités quotidiennes d’un directeur d’aéroport. Michael Eggenschwiler le sait bien, lui qui a débuté sa carrière au début des années 1980 après avoir réalisé un travail de diplôme sur la société Crossair à Bâle. Depuis 2003, il est responsable de l’aéroport d’Hambourg, qui doit notamment faire face à une hausse croissante du nombre de ses passagers.

«En 2017, nous allons dépasser la barre des 17 millions de passagers», estime Michael Eggenschwiler, qui base ses prévisions sur les chiffres des huit premiers mois très prometteurs de l’année. Cela représente trois millions de passagers de plus qu’en 2014. Depuis le Lounge de l’aéroport, où se déroule l’entretien, on peut observer l’énorme chantier en cours sur le tablier principal de l’aéroport. Celui-ci sera complètement rénové d’ici 2020 pour un montant de près de 120 millions d’euros. Les vacances d’été sont pratiquement terminées à Hambourg et le hall des arrivées est plein à craquer.

Michael Eggenschwiler
Le Bâlois Michael Eggenschwiler est aux commandes de l’aéroport d’Hambourg. Petra Krimphove

Deux nouvelles tombées au cours des dernières semaines viennent toutefois un peu assombrir le tableau. D’une part, la faillite d’Air Berlin, qui signifie la fin de certaines lignes au départ d’Hambourg. D’autre part, l’annonce, au mois de juin, de la compagnie low-cost Easyjet d’abandonner sa base dans la ville hanséatique au printemps 2018. Il n’y aura plus d’équipages stationnés sur place et de nombreuses connexions seront supprimées. Au lieu des 1,5 million de passagers actuels, Easyjet n’en transportera plus que 700’000 au départ d’Hambourg.

Une branche en mutation

Près de 800’000 passagers en moins, c’est douloureux, admet Michael Eggenschwiler, qui fait néanmoins preuve d’une sérénité toute helvétique. Certains vols Easyjet, comme ceux à destination de Pise et de Thessalonique, sont tellement attractifs qu’il y aura certainement un concurrent pour s’engouffrer dans la brèche, estime-t-il.

La perte d’autres liaisons aériennes, comme celle d’Easyjet à destination de Londres, pourrait en revanche affecter la clientèle. A l’heure actuelle, quatre compagnies aériennes exploitent une ligne à destination de Londres. Il y en aura une de moins à l’avenir.

L’insolvabilité d’Air Berlin fait actuellement les gros titres en Allemagne, mais pour l’aéroport d’Hambourg il s’agit là d’un problème mineur. La compagnie aérienne n’exploitait jusqu’à présent que deux lignes, à destination de Munich et de Düsseldorf. Là aussi, un concurrent sera certainement intéressé à prendre la place de la défunte compagnie. «Je ne me fais pas de souci», positive le directeur de l’aéroport.

L’aéroport d’Hambourg est en quelque sorte un miroir miniature des bouleversements qui affectent la branche de l’aéronautique. «Le marché européen se consolide gentiment», relève Michael Eggenschwiler. En Amérique du Nord, cette évolution est déjà achevée. A la suite de plusieurs acquisitions, il n’y a plus que quatre compagnies aériennes, à savoir American Airlines, Delta, United et Southwest, qui se partagent le gâteau. Toutes les quatre sont rentables. Aux Etats-Unis, on ne trouve pratiquement plus de billets à prix cassés. «En Europe aussi, les prix vont augmenter à long terme», prédit notre expert.

Air Berlin, un révélateur

Les turbulences qui entourent l’insolvabilité d’Air Berlin sont le révélateur de la lutte qui fait rage pour la conquête des parts de marché en Europe. L’appel d’offres concernant la vente d’Air Berlin est actuellement en cours. Lufthansa et Easyjet ont montré un grand intérêt, tout comme Condor. Ryanair s’est en revanche retirée du processus en claquant la porte. La compagnie irlandaise parle d’un «jeu pipé», duquel Lufthansa sortira de toute façon gagnant. Du point de vue de Michael Eggenschwiler, une reprise des avions d’Air Berlin par Ryanair n’aurait pas été chose aisée. «Air Berlin vole avec des Airbus, Ryanair avec des Boeing». Les deux flottes ne sont donc pas directement compatibles. La décision quant à la reprise d’Air Berlin doit tomber d’ici au 15 septembre.

«Certaines machines ne restent plus que 25 minutes au sol. Un délai souvent impossible à tenir»
Michael Eggenschwiler

Michael Eggenschwiler se refuse à émettre un pronostic sur le nom du ou des acquéreurs. «Je ne crois pas que les 140 avions d’Air Berlin reviennent à une seule compagnie», affirme le directeur de l’aéroport. Et d’ajouter: «Pour la concurrence sur le marché intérieur, je souhaiterais que les clients aient le choix et qu’il n’y ait pas seulement Lufthansa.» Le groupe allemand, qui possède également Eurowings et Germanwings, détient déjà près de 50% du marché intérieur allemand.

Des calculs toujours plus serrés

L’expert bâlois salue le fait que l’avion soit devenu un moyen de transport tout à fait conventionnel. Même si à l’époque des vols bon marché, le transport sans confort et à moindre coût a énormément perdu de son glamour. «Aujourd’hui, pratiquement tout le monde peut se permettre de prendre l’avion», relève-t-il. En hiver pour aller skier dans les Alpes, au printemps pour se rendre dans une ville italienne et en été sur une île lointaine.

En tant que directeur de l’aéroport, Michael Eggenschwiler se réjouit de chaque atterrissage et décollage supplémentaires, tout en admettant que les calculs toujours plus serrés des compagnies aériennes peuvent mettre son aéroport en difficulté. «Certaines machines ne restent plus que 25 minutes au sol», souligne-t-il. Durant ce laps de temps, il faut embarquer et faire débarquer les passagers, charger et décharger les bagages, faire le plein de carburant, remplir les stocks de nourriture et nettoyer l’appareil. Des délais souvent impossibles à tenir, le chargement des bagages à la main étant très fastidieux. «Ce travail ne peut malheureusement pas être automatisé», dit l’expert.

Par ailleurs, les mouvements de vol croissants provoquent des réactions de mécontentement parmi la population concernée. Hambourg s’efforce de réduire autant que possible le fardeau pour les habitants, avec une interdiction stricte de vol de nuit et des incitations financières afin que les compagnies aériennes ne fassent pas voler leurs appareils au petit matin ou en fin de soirée, relève encore Michael Eggenschwiler. Même si les nouveaux appareils sont bien plus silencieux et efficaces que leurs prédécesseurs. «Il y a eu un énorme développement dans ce domaine», dit-il.

Traduit de l’allemand par Samuel Jaberg

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