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L’enseignement, façon romanche

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L'enseignement est l'un des pôles essentiels de la préservation du romanche, l'une des trois langues officielles du canton des Grisons.

Mais entre l’expansion de l’allemand et l’introduction du romanche unifié, le rumantsch grischun, les options sont diverses et parfois controversées.

Le romanche est parlé par environ 15% de la population du canton des Grisons. C’est évidemment dans les régions les plus romanchophones (la Surselva et la Basse-Engadine) que le romanche est enseigné à l’école.

Mais également à Coire, le chef-lieu germanophone des Grisons, où l’Ecole cantonale des Grisons propose un baccalauréat bilingue allemand-romanche.

L’idée qui sous-tend cette formation, introduite en 1999, est que les élèves puissent suivre un cursus en allemand – la langue qu’ils utiliseront le plus dans le cadre professionnel ou pour une formation plus poussée – sans pour autant négliger le romanche, qu’ils parlent dans le cadre familial.

La classe GC

La classe GC, constituée d’élèves de 16-17 ans provenant majoritairement d’Engadine, suit cette formation bilingue.

«Ils ont trois leçons de romanche par semaine, plus une quatrième période consacrée au rumantsch grischun», explique Chasper Pult, leur professeur. «Certaines autres branches sont également enseignées en romanche, par exemple la biologie et l’histoire».

Les autres leçons sont données en allemand, une langue que tous les élèves parlent parfaitement. Mais la dimension romanche semble essentielle pour eux. «C’est la langue que nous pratiquons le mieux, celle que nous parlons le plus entre nous», relève Domenic.

Leur enthousiasme pour leur langue est manifeste. «Le romanche est une forme d’identité pour nous», souligne Gianna Martina.

L’école compte 1500 élèves, dont 80 Romanches. Ceux-ci utilisent chacun leur propre idiome: rappelons qu’il existe cinq variantes traditionnelles du romanche. Au sein de l’école, chacun a donc dû apprendre à comprendre l’autre, ce qui a fait beaucoup en termes d’intégration et d’échange.

Débat

Mais si le romanche prospère à l’Ecole cantonale de Coire, dans le reste des Grisons, le débat sur l’éducation romanche fait rage.

«L’enseignement est une donnée essentielle de toute langue minoritaire, parce qu’il représente une forme d’institutionnalisation de son background culturel », commente Chasper Pult, qui est par ailleurs l’un des grands spécialistes du romanche.

Dans les zones où l’on parle romanche, c’est l’idiome local qui est enseigné comme seule langue pendant les trois premières années du cursus scolaire, avant d’être progressivement remplacé par l’allemand.

«Ce qui signifie que les enfants issus de parents non-romanches doivent assimiler cette langue même dans les villages où le romanche est minoritaire – une situation unique en Europe», constate Chasper Pult.

Mais dans les régions où le romanche a reculé en faveur de l’allemand, il y a eu des pressions germanophones visant à ce que l’enseignement de l’allemand intervienne plus tôt. Cela a été le cas par exemple dans les villages de Pontresina et Samedan, en Haute-Engadine, où un modèle d’école bilingue a été introduit.

Cette évolution a été critiquée, notamment par la Lia Rumantscha, principal organisme de promotion du romanche, qui craint que le romanche ne soit ainsi plus assez protégé.

Standardisation

Un autre «sujet qui fâche» est la question du rumantsch grischun (RG), la langue uniformisée. Le canton des Grisons est favorable à son introduction dans les écoles primaires d’ici 2010, principalement pour des raisons financières: actuellement, les ouvrages scolaires sont publiés dans les cinq idiomes romanches!

Le principe serait que les élèves apprennent à comprendre et à écrire le RG, tout en continuant de pratiquer leur propre idiome.

Mais le projet est impopulaire. «Dans beaucoup de régions, on affirme que les enfants devront ainsi apprendre une langue qu’ils n’utiliseront pas dans le cadre de la vie quotidienne. Et il y a pour chaque idiome une tradition écrite que les gens souhaitent conserver», relève Chasper Pult.

Seul le Val Müstair, en Engadine, a pour le moment marqué un véritable intérêt pour l’introduction du RG dans ses écoles.

A tout cela s’ajoute le fait que les enseignants – qui devraient eux-mêmes apprendre le RG – sont très divisés sur la question, un sondage récent en témoigne.

Quoi qu’il en soit, à Coire, ceux qui vivent actuellement le bilinguisme dans le cadre de l’Ecole cantonale des Grisons, restent favorables à ce que le romanche soit partie intégrante de leur programme d’études.

«Je pense qu’il faudra beaucoup d’efforts pour que le romanche survive, dit Gianna Martina. Mais je pense que si nous l’enseignons à nos enfants, il sera préservé.»

swissinfo, Isobel Leybold-Johnson
(Traduction de l’anglais: Bernard Léchot)

Dans le canton des Grisons, les communes décident de la langue qu’elles emploient aussi bien dans leurs écoles que dans leur administration. Les livres sont fournis par le canton.

Selon les communes, le romanche peut donc être la langue de l’enseignement ou une matière à enseigner.

Jusqu’à la fin des années 90, les élèves suivaient le même programme que les alémaniques, plus deux heures hebdomadaires de romanche. Mais depuis 1999, les lycées du canton proposent un baccalauréat bilingue.

Le canton des Grisons souhaite que tous les écoliers primaires commencent à lire et à écrire le rumantsch grischun d’ici 2010. Un concept d’enseignement du RG est en cours d’élaboration.

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