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L’Europe, l’argent suisse… avant une votation

En une heure, Micheline Calmy-Rey a mis la salle dans sa poche. swissinfo.ch

Micheline Calmy-Rey, ministre suisse des Affaires étrangères, a défendu la politique européenne de la Suisse mardi face au public, à Fribourg.

Salle comble pour cette conférence-débat, organisée dans la perspective du référendum sur le milliard d’aide aux 10 nouveaux pays membres de l’Union européenne, le 26 novembre.

«Nous ne pratiquons pas une politique de puissance, mais d’influence». C’est ainsi que la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a résumé sa politique étrangère à Fribourg, à l’invitation de l’Association suisse de politique étrangère (ASPE).

Micheline Calmy-Rey telle qu’en elle-même, avec sa frange, ses mèches blondes, son tailleur-pantalon et, surtout, son débit précis et rapide.

Plein à craquer, l’auditoire de l’Université rassemblait un public varié, avec un ex-conseiller fédéral (ministre), un ou deux députés, des notables, beaucoup d’étudiants, un père avec ses enfants adolescents venus prendre une leçon de civisme, quelques personnes de la campagne…

L’atmosphère était quasi recueillie et le silence total pour cette conférence de Micheline Calmy-Rey dans l’aula «Joseph Deiss», du nom de son collègue fraîchement retraité du Conseil fédéral (gouvernement), un Fribourgeois… défenseur du dossier européen.

Du global au plus proche

Un peu comme les caméras du site Google Earth, l’exposé a démarré sur les difficultés d’un monde qui se globalise et «se rapproche de plus en plus de la Suisse». Comment défendre nos intérêts et notre sécurité face à cette complexité? «Poser la question c’est déjà y répondre», déclare la ministre.

Puis le discours se resserre sur la Suisse, «pays neutre sans agenda caché», seul face aux grandes nations. Ne faisant partie ni des grandes structures internationales ni de l’Otan, son salut est donc dans le bilatéralisme.

Ce qui est aussi une chance de se profiler de manière indépendante dans la prévention et la résolution des conflits, qui permet à la diplomatie helvétique de «rapprocher la réalité internationale des règles du droit, sur lesquelles notre pays a toujours misé».

Autre condition pour une politique étrangère «pragmatique»: une relation «fiable et responsable» avec l’Union européenne (UE).

«La Suisse ne peut s’extraire de sa position géostratégique, entourée de tous côtés par l’UE qui, de ce fait, lui assure aussi la sécurité», a rappelé Micheline Calmy-Rey.

Pas d’argent, pas de Suisse

Mais le thème «le plus brûlant», c’est l’argent, et «la politique ne badine pas avec l’argent, en Suisse moins qu’ailleurs». Les rires ont alors fusé, comme ils fuseront suite à une autre plaisanterie: le Suisse jamais content à qui Dieu offre une vache, puis un tabouret à traire, puis une «boille» à lait… et qui lui demande 3 francs 50 en échange d’un verre de lait.

La salle une fois dégelée, Micheline Calmy-Rey a parlé chiffres. La Suisse souhaite verser 100 millions de francs par an sur 10 ans aux 10 nouveaux pays membres de l’UE, alors que cette dernière y injecte… 33 milliards. Dont l’économie suisse (et l’emploi) devrait bénéficier, vu la croissance rapide de l’Est et les 450 millions de consommateurs que compte l’UE.

Par ailleurs, les disparités diminuant, «les citoyens de ces pays ne viendront pas chez nous».

Une fois la question du fameux milliard sur la table, la salle s’est faite encore plus attentive. Après tout, il faudra se prononcer le 26 novembre sur le référendum de l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure) contre la loi fédérale sur la coopération avec les Etats d’Europe de l’Est.

Pas un sou pour Bruxelles

Micheline Calmy-Rey a précisé que la votation vise d’abord à renouveler la base légale de l’aide à la transition des pays de l’Est, inaugurée à la chute du communisme et qui arrive à échéance en 2008. «Un refus remettrait tout en question, peut-être même avec l’UE lorsqu’elle en tirera les conclusions», a-t-elle averti.

Au terme d’aide de «cohésion», propre aux relations de Bruxelles avec ses nouveaux membres, la ministre préfère celui de «transition» vers la démocratie et le marché libre, propre à la politique de Berne.

«Cet argent n’ira pas dans les caisses de Bruxelles, ni des gouvernements concernés. Il servira à poursuivre notre politique autonome d’aide à ces pays avec des projets concrets, définis par nous et nos partenaires au sein de ces sociétés», a martelé la conseillère fédérale.

Et d’émettre ce vœu pieu: «Je ne doute pas que, le 26 novembre, les Suisses sauront reconnaître leur intérêt».

Pas un mot sur l’adhésion

Est arrivé le moment des questions, bien sages et sans remous, à part lorsqu’une personne a demandé pourquoi «on donne de l’argent à l’étranger et pas pour nos forêts». Ou une autre qui a profité de l’aubaine pour se lancer dans un discours-fleuve qui a fini par déclencher l’hilarité générale, y compris ministérielle.

Le temps (très compté) a manqué pour parler de l’adhésion à l’UE, serpent de mer que la ministre a magistralement passé sous silence. De toute façon, vu l’applaudimètre et les commentaires enthousiastes, l’opération séduction semblait parfaitement réussie. En une heure, montre en main.

swissinfo, Isabelle Eichenberger

– Le 5 septembre à Fribourg, Micheline Calmy-Rey, ministre des Affaires étrangères, a prononcé une conférence sur «La politique européenne de la Suisse», à l’invitation de l’Association suisse de politique étrangère.

– Il s’agissait du 3e débat d’un cycle de 8 exposés sur les thèmes européens, en collaboration avec différentes associations.

Si le peuple suisse accepte cette aide, Berne versera 100 millions de francs sur dix ans aux 10 nouveaux pays membres de l’UE.
Le marché de l’UE compte 450 millions de consommateurs.
En 2005, l’excédent des recettes avec les pays de l’Est a atteint 1,4 milliard de francs en faveur de la Suisse.

La Suisse veut poursuivre la voie bilatérale avec la mise en œuvre et l’application des accords bilatéraux I et II et, si nécessaire, l’adaptation et le renouvellement des accords.

Approfondir les relations contractuelles dans de nouveaux domaines, comme l’électricité, le système de positionnement par satellite Galileo, la santé publique ou le libre-échange dans le secteur agroalimentaire.

Confirmer le versement d’un milliard de francs sur dix ans aux 10 nouveaux membres de l’UE. Cette promesse faite en mai 2004 fait l’objet d’un référendum de la droite dure le 26 novembre prochain.

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