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L’Europe accorde un sursis à la Suisse

Si Bruxelles obtient satisfaction, l'industrie textile suisse fera partie des industries les plus touchées. Keystone

La Suisse remporte une manche dans la bisbille douanière qui l'oppose à l'Union européenne (UE). Pour l’heure, elle ne sera pas taxée sur les biens communautaires qu’elle réexporte dans l'Union.

Bruxelles a reporté de trois mois la mesure qui devait entrer en vigueur le 1er mars.

«C’est le premier pas vers une solution définitive», s’est réjoui mardi Luzius Wasescha, délégué aux accords commerciaux du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), lors d’une conférence de presse à Berne.

«Je sais que les médias ont pour habitude de parler de prix, de concessions, de gagnants et de perdants, a déclaré le délégué à swissinfo. Mais en fait, aujourd’hui, il s’agit d’une victoire pour le libre-échange à l’intérieur du continent européen.»

Les deux parties, qui se sont rencontrées dans la matinée, ont convenu d’examiner les bases juridiques ainsi que l’impact économique de l’introduction de ces droits.

La Commission européenne devrait se pencher sur le dossier mercredi déjà, selon Luzius Wasescha, qui a remis le dossier en mains du président de la Confédération Joseph Deiss.

Or, l’intention initiale de l’administration européenne des douanes était de lever dans moins d’une semaine la franchise de douane qui s’applique depuis trente ans aux marchandises de l’UE.

Réunion dans dix jours

La Suisse a réaffirmé qu’elle considérait cette nouvelle interprétation comme une violation de l’accord de libre-échange de 1972. Le texte prévoit la franchise de douane tant pour les biens industriels de l’UE que pour ceux de la Suisse.

Les deux parties vont à nouveau se rencontrer dans un mois. D’ici là, la Suisse et son voisin européen vont réexaminer l’ensemble du dossier et le disséquer au niveau juridique. Des deux côtés, les conséquences qu’il aura sur l’accord de libre-échange seront analysées sous toutes ses coutures.

Luzius Wasescha a précisé que les discussions se sont déroulées dans un esprit constructif. L’ambassadeur suisse s’est en outre montré relativement confiant quant à une issue positive de l’affaire.

Premières estimations

Une éventuelle modification de l’application du droit serait lourde de conséquences pour les entreprises concernées en Suisse. «Et dans l’Union européenne», a tenu à préciser Luzius Wasescha.

Si le manque à gagner éventuel est difficilement quantifiable, le seco a donné pour la première fois quelques chiffres.

Par exemple, entre 1 et 2 milliards de francs générés par l’industrie chimique pourraient être frappés annuellement par les nouvelles taxes. Ce montant s’élève à 1,2 milliard pour le secteur automobile, a dit le délégué aux accords commerciaux.

Rien à voir avec les bilatérales

Berne ne perçoit par ailleurs aucune intention de la Commission européenne de faire pression sur la Suisse.

«Il n’y a aucun lien entre ce dossier et la négociation des accords bilatéraux bis», a ajouté Luzius Wasescha, réitérant ainsi des propos du ministre de l’Economie Joseph Deiss.

Luzius Wasescha en veut pour preuve l’étonnement européen: son homologue européen Alexander Wiedow, directeur politique de l’administration des douanes, n’a eu connaissance de ce dossier qu’au moment où la Suisse a fait part de son courroux.

Entreprises momentanément satisfaites

Dans un communiqué, economiesuisse s’est félicité de l’obtention de cet accord provisoire. Mais il ne lève pas toutes les insécurités qui pèsent sur les entreprises suisses. La Fédération des entreprises suisses fait remarquer que le dossier n’est de loin pas clos.

Pour economiesuisse, le fait de taxer des produits d’origine européenne reste incompréhensible. Il est encore plus irrationnel qu’une telle décision ait été prise sans consulter Berne.

Les dommages pour certains pans de l’économie suisse pourraient s’avérer importants. Pour d’autres, c’est tout simplement leur survie qui est en péril.

Mais rien n’est encore joué. Si Berne a remporté une bataille, elle n’a pas encore gagné la guerre douanière…

swissinfo et les agences

– Bruxelles a annoncé ce nouveau régime douanier qui touche la Suisse il y a une semaine.

– Il était prévu que, dès le 1er mars, les produits communautaires importés en Suisse et réexportés dans les pays de l’Union soient imposés sur la base d’une taxe douanière qui, dans certains cas, aurait pu atteindre 12%.

– Jusqu’à présent, les réexportations dans l’UE et dans les pays de l’Association européenne de libre-échange (Suisse, Norvège, Liechtenstein et Islande) étaient exemptées de droits de douanes. La pratique se basait sur l’accord de libre-échange conclu en 1972 entre la Communauté économique européenne (ancêtre de l’UE) et l’AELE.

– Mais Bruxelles estime que la Suisse a jusqu’à présent bénéficié d’avantages réservés aux membres de l’Espace économique européen (EEE).

– La Norvège, l’Islande et le Liechtenstein font partie de l’EEE. En revanche, la Suisse n’est pas membre, suite au refus populaire de décembre 1992.

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