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L’expérimentation animale en augmentation

Les souris de laboratoire paient un lourd tribut à l’expérimentation animale. Keystone

Après avoir connu une forte baisse à la fin du 20e siècle, l’expérimentation animale est à nouveau davantage pratiquée en Suisse, selon la Fondation «Recherches 3R».

Fêtant son 20e anniversaire, l’organisation, soutenue par la Confédération et l’industrie, milite notamment pour de méthodes de substitution.

Le nombre d’animaux utilisés pour des expérimentations médicales est passé de 2 millions à moins d’un demi-million entre 1983 et 2000, soit une baisse de près de 80%. Mais cela n’empêche pas la Fondation Recherches 3R de tirer la sonnette d’alarme, car la courbe est repartie à la hausse dès 2001, en Suisse et en Europe.

Lors d’une manifestation publique organisée fin août pour fêter ses 20 ans d’existence, l’organisation a insisté: il reste beaucoup à faire pour améliorer le sort des animaux de laboratoire.

Selon l’ancien conseiller national Hugo Wick, membre fondateur et président de 3R, «des souris manipulées sont très souvent utilisées dans les études sur des défaillances génétiques», a-t-il expliqué.

Gènes inactivés

Ainsi, pour étudier certaines maladies telles qu’Alzheimer, les chercheurs peuvent inactiver des gènes du patrimoine héréditaire de souris en remplaçant ou en ajoutant des éléments d’ADN dans les cellules. La perte de l’activité génétique entraîne des changements d’apparence et de comportement.

Certaines caractéristiques physiques et biochimiques s’en trouvent également affectées. Souvent, pour un seul projet de recherche, ce sont plusieurs milliers de souris qui sont utilisées. Selon la fondation, quelque 94’000 souris génétiquement modifiées ont été utilisées en 2005 en Suisse.

«Remplacer, réduire, améliorer»

La Fondation 3R a été créée en 1987 pour encourager la recherche et le développement de méthodes de recherche ne recourant pas à l’expérimentation animale. Les 3 «R» signifient «replace», «reduce», «refine» (remplacer, réduire, améliorer).

«La création de la fondation était une première en Europe», a rappelé sa vice-présidente, la radicale argovienne Christine Egerszegi. «Il s’agissait en effet du premier partenariat entre des institutions publiques et l’industrie privée dans ce domaine.»

Ces partenariats public/privé sont aujourd’hui nombreux, mais aucun n’est adapté au financement de la recherche, a-t-elle déclaré lors de la cérémonie d’anniversaire.

Pour la présidente du Conseil national (chambre basse du parlement), la situation en Suisse n’est pas comparable à ce qui se passe en Angleterre, où des activistes de la cause animale s’en prennent tous les jours aux chercheurs, au mépris des règles de l’Etat de droit.

Typiquement suisse

«En Suisse, les personnes impliquées, qu’elles proviennent de l’industrie pharmaceutique, des milieux de la protection des animaux ou de la politique, se mettent autour d’une table et dialoguent», a encore relevé Christine Egerszegi.

Une «disposition» typiquement suisse, selon elle, que Thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma, l’association de l’industrie pharmaceutique suisse qui soutient le travail de la Fondation 3R, attribue à la tradition de la démocratie directe.

Par ailleurs, celui-ci a souligné le «respect» dont les sociétés pharmaceutiques font preuve à l’égard des animaux lorsqu’elles doivent pratiquer l’expérimentation animale.

«La question est évidemment épineuse, a ajouté Thomas Cueni. Comment protéger les êtres humains grâce à l’expérimentation animale tout en évitant aux animaux de souffrir inutilement?»

swissinfo, Faryal Mirza
(Traduction et adaptation de l’anglais: Ariane Gigon Bormann)

La Fondation Recherches 3R soutient des projets avec un budget de 700’000 francs par année.
Jusqu’ici, elle a pu attribuer environ 14 million de francs à des chercheurs. La moitié de ces fonds est allouée par la Confédération, l’autre moitié par Interpharma.
Le Conseil de fondation compte neuf membres: trois parlementaires fédéraux, deux représentants de la protection des animaux, deux d’Interpharma et deux de l’Office vétérinaire fédéral.

Selon la loi, «est considérée comme expérience sur les animaux toute intervention au cours de laquelle des animaux vivants sont utilisés pour:

vérifier une hypothèse scientifique, vérifier les effets d’une mesure déterminée sur l’animal, tester une substance (à certaines exceptions près), prélever ou examiner des cellules, des organes ou des liquides organiques, obtenir ou reproduire des organismes étrangers à l’espèce, l’enseignement, la formation ou la formation continue.

Toute personne qui entend effectuer des expériences sur les animaux doit être titulaire d’une autorisation de l’autorité cantonale compétente.»

Les 3 «R» – «replace, reduce, refine» – reposent sur un concept développé en 1959 par des scientifiques britanniques pour régir l’utilisation que les hommes font des animaux dans les laboratoires.

«Replace»: remplacer l’expérimentation animale par d’autres méthodes.

«Reduce»: limiter à un minimum le nombre des expériences sur animaux.

«Refine»: atténuer dans toute la mesure du possible les contraintes auxquelles sont soumis les animaux d’expérience.

Le concept n’est pas encore adopté par tous les pays industrialisés mais son acceptation gagne du terrain.

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