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L’héritage de Monsieur Réfugiés

La nouvelle procédure d'asile sera plus rapide, mais également plus sévère. Keystone

Avant de quitter la tête de l’Office fédéral des réfugiés (ODR), Jean-Daniel Gerber rappelle que la politique suisse de l’asile va vers un durcissement.

Mais il presse également les pays de l’Union européenne d’accélerer leurs efforts en vue d’une politique commune dans ce domaine.

Vendredi, Monsieur Réfugiés donnait une de ses dernières conférences de presse en tant que chef de l’ODR. L’occasion de souligner les défis auxquels vont devoir faire face cette année les autorités responsables du droit d’asile.

Au premier rang de ces défis, l’obligation d’économiser 137 millions de francs d’ici 2006. L’ODR en effet n’échappe pas au programme d’économies décidé par le gouvernement.

Et la première mesure concrète prendra effet le 1er avril – soit le jour même où Jean-Daniel Gerber reprendra les rênes du Secrétariat d’Etat à l’économie.

«Nous aurons un nouveau système pour les requérants dont la demande est manifestement infondée, explique Monsieur Réfugiés. Ils ne toucheront plus d’aide sociale, sauf dans les cas d’urgence».

Les demandeurs d’asile dont la demande a été rejetée auront désormais 24 heures pour quitter la Suisse. Mais dans la pratique, on n’expulsera personne avant un délai de cinq jours.

Selon la nouvelle législation, il reviendra aux cantons, et non à l’ODR, de payer la facture pour les requérants dont la demande a été refusée.

De plus en plus d’illégaux

De côté de l’OSAR, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, on s’inquiète des conséquences conjointes de la nouvelle législation et des coupes budgétaires.

L’OSAR estime jusqu’à 8000 les personnes qui pourraient se retrouver dans l’illégalité et devoir solliciter l’aide des cantons, des communes, des églises ou des œuvres d’entraide.

«Il est bon que le traitement des demandes soit accéléré, mais nous avons des craintes quant à la qualité de ce traitement, confie à swissinfo Jürg Schertenleib, de l’OSAR. Les requérants n’auront plus d’assistance légale et il sera encore plus difficile pour eux de faire appel en cas de décision négative.»

A l’ODR, on réplique que les vrais requérants n’ont rien à craindre de la procédure.

«Ces mesures sont effectivement destinées à effrayer certaines personnes, admet Dominique Boillat, porte-parole de l’Office. Le but est d’avoir moins de demandes d’asile déposées par des gens qui viennent pour des raisons médicales ou pour trouver un job.»

Quoi qu’il en soit, les procédures sont aussi appelées à évoluer au fil du temps. Selon Dominique Boillat, les autorités procéderont à une évaluation de leur efficacité après quelques mois, afin de proposer les changement éventuellement nécessaires.

Pour une politique européenne

A l’heure du bilan, Jean-Daniel Gerber rappelle également la nécessité de trouver un accord sur l’asile avec les pays européens. Ceci afin d’éviter de perdre trop d’argent en traitant plusieurs fois les mêmes demandes manifestement infondées.

Le chef sortant de l’ODR attire également l’attention sur une sorte de «compétition de la misère» que se livrent les pays du continent, Suisse comprise.

«Chaque pays essaye d’avoir le système le plus misérable possible, afin de décourager les immigrants illégaux, explique Jean-Daniel Gerber à swissinfo. Et ce n’est pas bon. Il vaudrait bien mieux harmoniser les systèmes».

L’Union européenne possède pourtant déjà une politique d’asile commune, sanctionnée par les accords de Dublin. Mais le patron de l’ODR estime que ceux-ci n’ont pas très bien fonctionné jusqu’ici.

En vertu de ces accords, un requérant qui voit sa demande d’asile refusée par un pays signataire n’a pas le droit d’en déposer une autre dans un autre pays signataire.

Jean-Daniel Gerber estime que la Suisse doit rapidement signer les accords de Dublin. «Tant que nous n’en faisons pas partie, nous sommes exposés à recevoir de nombreuses requêtes qui ont été refusées ailleurs, et cela sans même le savoir», rappelle le chef de l’ODR.

swissinfo et les agences

– A fin 2003, la Suisse comptait moins de 90’500 réfugiés et requérants d’asile. Le chiffre est retombé à son niveau de 1992, après être monté à 130’000 au moment de la guerre dans les Balkans

– Toujours en 2003, le nombre des nouvelles demandes d’asile a baissé de 20%, à 20’806 cas. La pile des cas en suspens a également fondu, de 35’000 en 1998 à 10’400 l’an dernier

– Le délai de traitement des demandes s’est sensiblement raccourci. En 2003, près de 6000 demandes ont été traitées en moins d’une semaine et 60% du total en moins de quatre mois

– Conséquence de cette évolution: les dépenses de l’ODR sont passées d’un milliard et demi de francs en l’an 2000 à 920 millions en 2003

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