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L’histoire des Suissesses aux USA enfin écrite

Susann Bosshard-Kälin s'est attaquée à un thème méconnu. MC Bonzom

L’histoire de l’immigration des Suissesses aux Etats-Unis commence à être écrite. «Westward: Encounters with Swiss-American Women», de Susann Bosshard-Kälin, est en effet le premier livre à dévoiler l’expérience «ordinaire et unique» de ces femmes.

Susann Bosshard-Kälin, journaliste et auteur suisse, était cette semaine à Baltimore et Washington, après San Francisco, Chicago et New York, pour présenter la version anglaise de son ouvrage sorti en allemand il y a deux ans.

«Westward: Encounters with Swiss-American Women» («Vers l’Ouest: rencontres avec des femmes suisses-américaines») est le premier ouvrage consacré à l’histoire des femmes suisses aux Etats-Unis.

Quand elle s’est mise au travail sur ce livre, en 2007, son auteur avait donc très peu de sources bibliographiques sur lesquelles fonder sa recherche. «Il n’y a pas beaucoup de documents relatifs aux femmes de l’immigration et aucun sur les Suissesses qui ont immigré aux Etats-Unis au 20ème siècle», indique Susann Bosshard-Kälin à swissinfo.

Histoire récente, histoire ancienne

Fondé sur des dizaines d’heures d’entretiens, le livre propose une série de 15 portraits de femmes  qui ont quitté la Suisse pour les Etats-Unis entre 1940 et 1965.

En marge de ces histoires d’immigration féminine du 20ème siècle, Susann Bosshard-Kälin a confié à Leo Schelbert, spécialiste de l’histoire de l’immigration aux Etats-Unis, qu’il a enseignée pendant 32 ans à l’Université d’Illinois, le soin de raconter la vie de quatre Suissesses qui avaient traversé l’Atlantique au 18ème et au 19ème siècles.

L’idée du livre a d’ailleurs été suggérée à Susann Bosshard-Kälin par le professeur Schelbert. «Ce volume est important car jusqu’à présent, l’histoire de l’immigration suisse était une histoire d’hommes», explique-t-il.

L’histoire de l’immigration des Suissesses aux Etats-Unis, telle qu’elle transparaît dans le livre, est, à la fois, «ordinaire et unique», comme l’écrit Leo Schelbert dans l’un des essais qu’il a rédigés pour cet ouvrage. «Ces femmes ne sont pas des figures historiques ou des célébrités, mais elles ont vécu des réussites et des défaites entre deux pays, deux cultures et  deux langues», note Susann Bosshard-Kälin.

«Les gens que j’ai rencontrés lors des mes conférences autour du livre me disent qu’ils peuvent mieux comparer la vie de ces femmes à leurs propres vies et ils sont touchés par les histoires relatives à l’immigration qui, avant tout, sont des histoires humaines, le récit d’un voyage, d’une aventure et d’une quête», observe l’auteur.

«Aventurière par nature»

L’une de ces femmes «ordinaire et unique» est Rosa Schupbach-Lechner, venue seule de Zurich aux Etats-Unis en 1959. Agée alors de 31 ans, elle ne pensait  rester que quatre mois.

«Mais j’ai été captivée par New York, par le mode de vie américain. Les Etats-Unis m’ont aussi offert beaucoup plus d’opportunités que ce que j’aurais eu en Suisse en tant que femme à l’époque», confie Rosa Schupbach-Lechner.

«Je n’ai pas peur, je ne suis pas venue avec un homme, un frère ou un mari, je suis arrivée aux Etats-Unis sans connaître personne, je ne pouvais que  m’appuyer sur moi», lance-t-elle.

Avec une fierté évidente, elle raconte qu’elle a complété ses études à New York, qu’elle a eu plusieurs boulots, petits et grands, qu’elle s’est mariée avec un Américain, qu’elle est devenue veuve rapidement. Aujourd’hui, elle s’apprête à fêter ses 83 ans. Elle est vice-présidente de la Swiss American Historical Society et elle a récemment reçu du maire de New York un certificat pour marquer ses 30 ans de service en tant qu’assistante de police bénévole.

«Je patrouille dans les rues de New York de nuit avec un autre bénévole au moins deux fois par semaine, nous ne sommes pas armés, nous avons seulement une radio qui nous relie au commissariat, mais comme trois assistants de police bénévoles ont été tués il y a quelques années, nous portons maintenant un gilet pare-balles», dit-elle, sans souci apparent.

Celle qui se décrit comme «aventurière par nature» considère clairement les Etats-Unis comme son pays. «Chez moi, ça veut dire là où sont mes amis, mes emplois, tous bénévoles, c’est là où je me sens à l’aise, là où je me sens heureuse, et pour moi, c’est ici, aux Etats-Unis», affirme-t-elle. «La Suisse, c’est bien mais ce n’est pas vraiment chez moi, toute ma famille proche a disparu, je n’y ai plus que des descendants de cousins et quelques bons amis.»

Cependant, même quelqu’un d’aussi téméraire que Rosa Schupbach-Lechner avoue être «déchirée entre la Suisse et les Etats-Unis». «Quand je suis aux Etats-Unis, je veux être là-bas, et quand je suis en Suisse, je veux être ici», reconnaît-elle.

Susann Bosshard-Kälin souligne que «certaines femmes sont uniquement attachées aux Etats-Unis, d’autres sont attachées aux deux pays, mais toutes ont, au fond d’elles-mêmes, une part de leur être en Suisse, et c’est parce qu’elles ont toutes passé leur enfance en Suisse».

«Westward: Encounters with Swiss American Women» est le premier livre sur l’histoire des Suissesses immigrées aux Etats-Unis. Sa version originale, en alémanique, fut publié en 2009

Susann Bosshard-Kälin. La journaliste suisse Susann Bosshard-Kälin y fait le portrait de 15 Suissesses arrivées aux Etats-Unis entre 1940 et 1965.

Leo Schelbert. L’ouvrage contient aussi des essais de l’historien Leo Schelbert sur l’immigration féminine aux Etats-Unis et sur quatre Suissesses immigrées dans ce pays aux  18ème et 19ème siècles.

CH-USA. Le volume est publié par la Swiss American Historical Society, notamment avec le soutien du Musée des Suisses dans le Monde, à Penthes (Genève).

Longue histoire. Les relations entre la Suisse et les Etats-Unis relèvent d’une longue tradition: entre 1700 et 2009, quelque 460’000 Suisses et Suissesses ont émigré aux Etats-Unis et on estime à plus d’un million le nombre des Américains ayant des racines suisses.
 
75.252. Actuellement, 75.252 Suisses (chiffre 2010) , soit plus de 10% des Suisses de l’étranger, vivent aux Etats-Unis.
 
Relations diplomatiques. En 1822 déjà, la Suisse ouvrit ses premiers consulats à Washington et à New York. Soixante ans plus tard (en 1882), elle établit à Washington sa première ambassade extra-européenne.
 
Intermédiaire. La Suisse représente les intérêts américains en Iran et à Cuba, et les intérêts cubains à Washington.
 
Entreprises. Plus de 550 entreprises suisses sont installées aux Etats-Unis. Elles emploient environ 400’000 personnes.

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