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L’histoire suisse à la portée de tous

L'historien Georges Andrey de passage à swissinfo. swissinfo.ch

Moins de deux mois après sa parution, «L'histoire de la Suisse pour les nuls» se révèle être un succès de librairie. La preuve que les Suisses s'intéressent encore à leur histoire.

Pour l’auteur, l’historien Georges Andrey ce succès ne constitue pas vraiment une surprise. Son livre répond en effet à un besoin.

Difficile de le rater. De couleur jaune et noire, ce gros «pavé» – il ne fait pas loin de 600 pages – est partout. Dans les libraires, bien sûr, mais aussi dans les rayons livres de la plupart des grandes surfaces romandes, fait plutôt rare pour un livre d’histoire.

Les ouvrages de la collection «pour les nuls» visent à transmettre un savoir de manière simple à un public le plus large possible. Paru le 10 octobre, «L’histoire de la Suisse pour les nuls» a d’ores et déjà atteint ses objectifs.

Quelque 14’000 ouvrages ont déjà trouvé preneur. Un tel chiffre constitue un véritable succès de librairie à l’échelle romande.

Compte tenu de l’engouement du public, une traduction en allemand est d’ores et déjà prévue. L’ouvrage devrait être présenté lors l’édition 2008 de la Foire du livre de Francfort.

Pour en savoir plus, swissinfo a rencontré l’auteur, l’historien Georges Andrey.

swissinfo: Votre histoire de la Suisse est très événementielle. On n’y trouve pratiquement pas d’éléments d’histoire politique ou sociale. N’est-ce pas un manque?

Georges Andrey: Evidemment, si on le voit sous l’angle de l’histoire totale, ce livre est un échec. Mais je le dis très clairement: le but n’était pas de faire de l’histoire totale.

L’histoire totale correspond à une période de l’historiographie, notamment avec la grande aventure de la «Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses», un ouvrage paru dans les années 1980. Ce livre a connu un grand succès, mais pas auprès du grand public. Il était plutôt destiné à un public déjà averti et bon connaisseur de l’histoire suisse.

L’angle était différent de celui de «L’histoire de la Suisse pour les nuls». Le but était de parler des forces économiques et de la population. Il ne s’agissait plus d’une histoire des élites politiques, économiques ou culturelles. Ce qui était prioritaire auparavant est donc devenu secondaire. C’était la notion marxiste de l’histoire, c’est-à-dire une histoire essentiellement centrée sur les peuples.

swissinfo: Est-ce qu’il faut nécessairement passer par une histoire événementielle et des biographies pour pouvoir intéresser un large public?

G. A. : Le genre biographique a toujours bien marché, en dépit de ce que l’on a appelé l’Ecole des Annales en France, qui a débuté après 1945 et qui est devenu un succès mondial dans le monde des historiens.

Mais on assiste aujourd’hui à un retour de l’institutionnel en histoire. On s’intéresse d’abord aux institutions politiques, c’est-à-dire à ceux qui gouvernent.

Or qui gouverne, en Suisse? C’est le peuple! J’ai donc écrit une histoire de la plus vieille démocratie du monde; c’est bel et bien une histoire politique, une histoire institutionnelle avec des dates clefs.

Je me suis rendu compte que les aînés avaient appris des dates à l’école. Ils ont donc quelques repères chronologiques. Mais les plus jeunes n’ont plus ces repères. Ces dernières années, l’enseignement s’est surtout intéressé à la vie quotidienne, aux modes de pensée, etc.

swissinfo: Est-ce que vous ressentez un besoin de mieux connaître l’histoire au sein de la population?

G. A. : C’est absolument évident. Mais la question, c’est de savoir comment satisfaire ce besoin.

Il semble qu’il y ait trois ouvrages qui marchent bien. Il y a «L’histoire suisse» de Grégoire Nappey, une chronologie agrémentée de très jolies caricatures de Mix & Remix. C’est rigoureux, mais très sommaire. Face à cela, il y a mon «pavé» qui fait presque 600 pages. Enfin, il y a «L’histoire suisse en un clin d’œil», un essai de Joëlle Kunz.

On a donc trois visions de l’histoire qui sont complémentaires. Si vous êtes pressé, regardez le Nappey. Si vous voulez savoir ce que cela signifie, regardez le «pour les nuls». Si vous voulez avoir une vision globale, presque une philosophie de l’histoire suisse, prenez l’essai de Joëlle Kunz.

swissinfo: Pourquoi assiste-t-on à ce regain d’intérêt?

G. A. : Parce qu’on a oublié l’enseignement de l’histoire suisse. C’est un véritable scandale, car un peuple vit aussi de ses racines.

S’il y a un jour une grande crise entre les deux grandes communautés linguistiques de ce pays, on ne se trouvera plus de racines communes. Il y aura alors danger de voir Alémaniques et Romands vouloir suivre des destins séparés des deux côtés de la Sarine.

swissinfo: Dans votre livre, vous accordez une large place aux femmes.

G. A. : Les femmes ont été longtemps les grandes absentes de l’histoire suisse. J’ai voulu leur rendre leur juste place. Je n’ai pas pu le faire dans le texte suivi étant donné qu’elles n’ont pas de place dans l’institutionnel et que j’ai justement écrit une histoire institutionnelle.

Je le fais donc au travers des encadrés. C’est la petite astuce technique de la série «pour les nuls».

Interview swissinfo, Olivier Pauchard

Georges Andrey naît à Lausanne en 1939.

Après deux baccalauréats en France (latin-grec et philosophie), il passe une licence ès lettres puis un doctorat en histoire à l’université de Fribourg. Thème de sa recherche: les réfugiés français à Fribourg sous la Révolution.

Il travaille ensuite comme premier assistant à l’université de Berne, dans le domaine de l’histoire électorale. Dès la fin des années 1970, il partage sa vie entre l’administration fédérale et l’enseignement à l’université de Fribourg.

Bon nombre de ses publications portent sur les relations entre la Suisse et la France. La France lui a remis en 2004 l’insigne d’officier de l’ordre des Palmes académiques.

Georges Andrey est également l’auteur de l’un des chapitres de la «Nouvelles histoire de la Suisse et des Suisses», ouvrage de référence paru dans les années 1980.

La série «pour les nuls» a été inventée par les éditions First aux Etats-Unis. Le nom anglais est «for dummies».

A la base, l’idée était de rendre accessible le charabia informatique accessible au plus grand nombre.

Vu le succès de la formule, d’autres thèmes sont désormais traités. C’est ainsi que l’on trouve: «La philosophie pour le nuls», «La guitare pour les nuls», «L’astronomie pour les nuls», «Le code de la route pour les nuls» ou encore «Le sexe pour les nuls».

La formule «pour les nuls» se retrouve sous licence dans 39 pays. Il n’existe pas d’édition suisse. Les livres diffusés en Suisses proviennent de France, d’Allemagne ou d’Italie.

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