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L’homme de Neandertal était violent

Les scientifiques ont recouru à l'imagerie numérique pour recomposer l'ensemble du crâne. (National Academy of Sciences) Keystone

Des scientifiques suisses ont scanné un crâne du paléolithique. Leurs conclusions sont publiées dans la revue de l'Académie des Sciences.

Les anthropologues suisses, Christoph Zollikofer et Marcia Ponce de Leon, publient cette semaine les résultats de leur enquête sur un fait divers qui remonte à l’an 34 000 avant notre ère. Cette année-là, un homme âgé de 18 à 25 ans a été frappé, probablement par derrière, à l’aide d’une arme contondante qui lui a ouvert le crâne.

C’est sur le crâne de ce jeune homme que les scientifiques suisses, accompagnés par deux collègues français, Bernard Vandermeersch et François Lévêque, se sont penchés pendant six ans. Le crâne fait partie du squelette découvert par François Lévêque en 1979, sur le grand site préhistorique de Saint Césaire, en Charente-Maritime.

Un crâne reconstitué

Mais, même si le squelette de Saint Césaire demeure à ce jour le plus complet au monde, il lui manque la partie gauche du crâne. Les chercheurs suisses et français ont donc passé la partie droite au scanner à Bordeaux, où le squelette est conservé. Puis, à l’université de Zurich, ils ont recouru à l’imagerie numérique pour reconstituer l’ensemble du crâne.

Le logiciel employé par les anthropologues est d’ailleurs similaire à celui utilisé par la police pour imaginer le visage vieilli d’un fugitif ou d’une personne disparue et par les studios d’animation d’Hollywood pour réaliser des films comme Toy Story.

Les scientifiques ont alors découvert une cicatrice de la boite crânienne qui révèle que l’homme de Saint Césaire a été blessé par une arme tranchante, une blessure probablement infligée par l’un de ses semblables. Même si, un peu rustre, l’homme de Neandertal a longtemps été perçu comme un gentil, occupé à la cueillette et à la chasse.

Or, il apparaît désormais comme un violent. Et curieusement, sa violence provient de ce que Christoph Zollikofer appelle «sa sophistication». «La taille du cerveau de l’homme de Neandertal est presque identique à celle du cerveau de l’Homo sapiens, explique l’anthropologue suisse à swissinfo. Ce qui lui a permis de comprendre le potentiel destructeur des outils à sa disposition.»

Un être humain agressif

Une démarche que l’Homo sapiens d’aujourd’hui adopte souvent. «Il suffit, lance Christoph Zollikoffer, de songer à la violence conjugale dans laquelle des outils quotidiens comme des ustensiles de cuisine sont employés, et même, dans un certain sens, aux attentats du 11 septembre où des outils ont été détournés de leur usage habituel, pour être transformés en armes.»

L’étude de l’anthropologue suisse confirme donc que l’agression est une composante intrinsèque de l’être humain. «Il n’est plus possible de penser que l’humanité a été bonne par nature à une quelconque période de son histoire, souligne le chercheur. L’agression et la violence sont des aspects du comportement social normal. Nous les trouvons en nous. Nous les avons trouvées chez les chimpanzés et, maintenant, nous les découvrons dans l’homme de Neandertal.»

A la décharge de l’homme de Neandertal, Christoph Zollikofer et son équipe estiment aussi que la société de l’époque était solidaire. En effet, les anthropologues ont établi que le jeune homme de Saint Césaire n’a pas succombé à sa blessure au crâne, probablement parce qu’il a été soigné par les siens.

Reste à savoir quelle est, en l’état actuel des connaissances, la différence fondamentale entre l’homme de Neandertal et l’Homo sapiens. «Neandertal a disparu, lance Christoph Zollikofer. Tandis que nous, nous sommes toujours là!» Une réponse qui n’est qu’une boutade, en partie du moins.

Une étape importante

L’article des annales de l’Académie américaine des Sciences est la première étude de l’anthropologue suisse à être publiée aux Etats-Unis. Et il s’agit d’une étape importante dans la carrière d’un scientifique.

«Publier aux Etats-Unis, confirme l’anthropologue suisse, c’est important. Ca facilite l’accès aux bourses de recherche et ça permet d’être reconnu dans son secteur. Vos travaux peuvent être repris et cités par d’autres chercheurs.» Et de conclure. «L’anthropologie est mondialisée, elle aussi!»

swissinfo/Marie-Christine Bonzom à Washington

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