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L’horlogerie éternue, les fournisseurs s’enrhument

A terme, entre 2000 et 3000 emplois horlogers au moins seraient menacés. Keystone Archive

A l'heure du Salon mondial de Bâle et Zurich, l'horlogerie suisse a des ratés.

Le produit fini éternue. Et les fournisseurs, eux, s’enrhument.

Certes, l’horlogerie suisse a exporté pour 10,6 milliards de francs en 2002. Mais depuis le début de l’année, le recul est net.

Au point que, estiment les spécialistes de la branche, ce serait un miracle si les ventes atteignaient 8 milliards de francs en 2003.

Pour les horlogers, ce ralentissement est grave. Mais, pour nombre de sous-traitants, il risque d’être mortel.

Chez les boîtiers, cadraniers, sertisseurs, décolleteurs et autres fabricants de pignons de l’arc jurassien, l’humeur est sombre. Les carnets restent désespéramment vides.

Des dizaines de PME en difficulté

«Nous avons l’impression que les entreprises horlogères sont entrées en hibernation», raconte le patron d’une PME qui tient à garder l’anonymat.

«Elles nous ont poussés à investir dans de l’équipement industriel pour satisfaire leurs besoins, il y a deux ans à peine, poursuit-il. Aujourd’hui, elles ne nous passent plus une seule commande.»

«Je ne sais plus comment je vais faire pour payer mon personnel, dont une partie est déjà au chômage partiel, regrette ce patron de PME. Pour l’instant, je ne veux pas licencier. Car j’espère que les salons horlogers feront naître du travail.»

Et de conclure: «En attendant, j’ignore comment je vais honorer les intérêts des prêts qui m’ont été consentis pour mes équipements».

Cette PME n’est pas une exception. Et de loin. Elles sont des dizaines dans ce cas.

Des milliers d’emplois menacés

Les estimations les plus optimistes parlent d’une perte probable de 2000 à 3’000 emplois, à terme. Car le marché est en train de s’effondrer.

La preuve? Aujourd’hui, n’importe quelle commande est acceptée, même la plus petite. Mieux, elle est quasiment réalisée avant d’avoir été passée.

Il y a 18 mois encore, il fallait compter avec des délais quasiment impossibles à respecter.

Et la situation ne devrait pas changer à très court terme. Certes, la conjoncture et la situation politique internationales pèsent d’un poids certain. Mais ce n’est pas la seule explication.

Un repli sur les valeurs sûres

Lorsque la situation était excellente, il y a deux ans et en partie l’an dernier, de nombreuses marques horlogères ont passé du segment moyen au segment du luxe.

Ainsi, en sertissant de l’acier, on a fait augmenter les prix de montres. Elles sont passées à 4000 voire 5000 francs, alors qu’elles se vendaient généralement entre 400 et 1000 francs.

Mieux, tout se vendait et en quantités. C’était le pactole. Mais la conjoncture a ralenti et les inquiétudes sont apparues.

Dans de telles circonstances, les acheteurs se rabattent sur les valeurs sûres, sur le luxe. Or, les marques à forte pérennité ne sont pas si nombreuses.

Résultat: tout s’est brusquement arrêté pour les autres marques qui se sont mises à stocker leur production en attendant de pouvoir l’écouler.

Plus personne n’a d’argent

Mais ce qui dort dans les stocks coûte cher. Alors, on a forcé la main des détaillants dans les marchés. On a rempli le ‘pipe-line’ pour pouvoir annoncer de bons résultats et transférer le risque chez les autres.

Mais, aujourd’hui, les autres n’ont plus d’argent. Ils sont dégoûtés. Au point que bon nombre d’entre eux ne veulent même plus venir au Salon de Bâle.

Cette situation est si grave que les promoteurs du Salon ont été contraints de publier un communiqué pour affirmer que la manifestation avait bel et bien lieu.

Elle s’ouvre donc jeudi, dans la douleur pour beaucoup d’exposants. Qui risquent bien d’y jouer leur survie.

swissinfo, Eric Othenin-Girard à Bâle

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