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L’hystérie religieuse continue…

Ange ou démon? Rien n’est clair sur Mayam. Dargaud

Sur la planète Mayam, entre paysages somptueux et créatures de rêves, on ne se lasse pas de s’étriper au nom des dieux. Uniquement sur la planète Mayam?

Avec «Les larmes du désert», le dessinateur suisse Daniel Koller et le scénariste belge Desberg proposent le 2e tome d’une série qui conjugue action et satire.

C’est sur la planète Mayam qu’évolue le Terrien June Lenny, désireux de se faire un maximum d’argent en un minimum de temps. A la recherche d’un trésor fabuleux, il marche sur les plates-bandes du terrible «Cartel du Fleuve Stellaire», qui ne le lui pardonnera pas. Voilà pour la dimension ‘polar’ de l’intrigue.

Mais à cause d’un bête concours de circonstance, June Lenny va être pris pour un dieu par une nouvelle secte émergente. Or Mayam est une planète où les sectes et autres religions sont reines, et où chacune est prête à laminer l’autre pour étendre un peu plus son pouvoir.

Voilà pour le contexte, c’est-à-dire la dimension satirique et iconoclaste de cette remarquable série, écrite par Desberg et dessinée par Koller.

Intuition et casting

«C’est un contexte essentiellement défini par Desberg. Il a son univers, qui est totalement en place quand il finit son scénario. C’est plutôt visuellement qu’il y a un apport de ma part», commente le dessinateur genevois Daniel Koller.

Un apport qui se traduit en particulier dans les paysages et l’architecture des lieux, qui tiennent de la kasbah et de la cathédrale gothique.

«Dans ce genre d’histoire, le paysage est aussi l’un des personnages. Je l’ai construit de façon complètement intuitive… La difficulté, c’est de se lâcher. Essayer d’imaginer des formes en se laissant guider plutôt par l’intuition que par la réflexion», raconte Daniel Koller.

Qui précise: «Des fois, je gribouille, au point qu’à la fin, j’ai une espèce de gros croquis que je reprends. Et comme tout est entremêlé, il y a des formes qui se détachent auxquelles je n’aurais pas forcément pensé».

Les personnages, eux, sont travaillés en commun: «Desberg veut un héros qui est beau, une héroïne qui est belle… il a des canons assez classiques. On fait donc une sorte de casting. Comme il habite Bruxelles, on travaille par Internet. Je lui envoie des croquis, il me renvoie des commentaires etc.»

Brillance du trait, mystère des ambiances, érotisme des personnages féminins… on pense parfois à la patte du Bâlois Enrico Marini, avec lequel Desberg collabore d’ailleurs pour la série «Le Scorpion».

«On me l’a dit souvent, mais… Je ne pense pas à Marini ni aux autres dessinateurs qui travaillent avec Desberg quand je dessine. Disons que dans la manière même qu’a Desberg de raconter une histoire, il y a des thématiques, un découpage qu’on retrouve d’une série à l’autre», répond Koller.

Messie par hasard

Le personnage principal, June Lenny est donc beau, matérialiste et sans trop de scrupules. Ce qui ne va pas l’empêcher de se transformer en dieu incarné pour un certain nombre de disciples hallucinés.

«Cela me fait penser au personnage d”Il était une fois la Révolution’, de Sergio Leone», relève Daniel Koller en évoquant le personnage de cet Irlandais, interprété par James Coburn, sur lequel les péons mexicains rebelles placent tous leurs espoirs: «Lui n’a pas de projet pour les autres. Et les autres voient dans ses actes des choses qui n’y sont pas».

Bien sûr, «Mayam», c’est juste de la science-fiction, métissée d’une bonne dose d’heroic fantasy. Bien sûr, tout cela est de la BD pour rire, frissonner ou s’émoustiller.

Mais tout de même. Il y a bien longtemps qu’un univers aussi spirituellement cauchemardesque ne nous aura pas semblé si proche de celui qui nous entoure, plus ou moins près, plus ou moins loin.

Mayam n’est pas la Terre, mais la Terre glisse vers Mayam. A l’heure où certains nient l’évolutionnisme. A l’heure où l’on affirme sans rire sa certitude de l’existence des anges. A l’heure où l’on s’immole pour mieux effectuer son transit vers Sirius. A l’heure où l’on parle d’«Axe du Mal». A l’heure où l’on égorge au nom d’un dieu et de son prophète.

Bref. A l’heure où les croyants de tous poils assènent la suprématie de leurs dieux et de leurs délires respectifs sous l’œil complaisant des médias, la satire de Desberg et Koller est la bienvenue.

On souhaite le succès à la série. Tout en espérant que si le succès est au rendez-vous, il n’entraînera pas la dilution du propos dans une succession de tomes où les rebondissements de l’intrigue primeraient sur la dimension satirique…

swissinfo, Bernard Léchot

«Les larmes du désert» est le 2e tome de la série «Mayam», publiée chez Dargaud.
Les dessins sont signés par le Genevois Daniel Koller, et le scénario par le Belge Stephen Desberg.
Aventure, érotisme et critique de la religiosité caractérisent la série.

– Daniel Koller né en 1963, à Genève. Il est autodidacte dans le domaine du dessin.

– Première publication dans le magazine « A Suivre » vers l’âge de vingt ans, sous le pseudonyme de Bader K. Puis, toujours dans « A Suivre », plusieurs publications sous son nom.

– En 2000, il publie «Honduras» (Les Tribulations de Luc Lafontaine) chez Casterman.

– En 2003 sort le 1er tome de «Mayam», dont le scénario est signé Desberg.

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