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Une organisation en quête de visibilité

Une patrouille mixte de policiers jeudi 24 avril 2014 a Bujanovac en Serbie. Keystone

L’ouest des Balkans font l’objet de la plus grande opération de terrain de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Mais tout le monde n'est pas convaincu de l’efficacité d’une organisation présidée cette année par la Suisse.

Un voyage récent sur place, organisé par le ministère suisse des Affaires étrangères, permet d’apporter quelques réponses.

Besa Shahini, analyste auprès du think tank European Stability Initiative, s’interroge: «Je ne sais pas pourquoi l’OSCE a encore besoin de 600 personnes au Kosovo. Nous n’en n’avions pas besoin pour les élections dans le nord en 2013. Une autre organisation aurait très bien pu remplir ce mandat. Nous aurions pu utiliser la mission de surveillance plutôt pour le processus électoral», a-t-elle lancé lors d’une table ronde avec de jeunes experts .

Elle souligne que, à part les élections, l’OSCE s’est largement limitée à un rôle de think tank au Kosovo, en observant la mise en œuvre de diverses lois sur les minorités et en tentant d’insuffler ses idées dans le processus politique local.

L’organisation ne gagne pas de meilleures notes auprès de Leon Malazogu, cofondateur du think tank kosovar Démocratie pour le développement. Durant la même table ronde, il a décrit l’OSCE comme «inutile à 90%.»

«A part les élections dans le nord du Kosovo et quelques rapports utiles sur l’Etat de droit, l’OSCE peut difficilement justifier sa présence massive.» Cette mission est en effet la plus importante de l’OSCE. Leon Malazogu fait référence au scrutin de l’an dernier, lorsque l’organisation a été accusée de pactiser avec les politiciens au lieu de soutenir les ONG qui ont mis à jour des cas d’irrégularités présumées.

Des élections générales anticipées doivent se tenir au Kosovo le 8 juin prochain.

Elles sont censées sortir le parlement de l’impasse sur un certain nombre de questions, dont la création des forces armées du Kosovo.

L’OSCE doit soutenir le processus électoral dans les quatre municipalités du nord, conseiller les commissions électorales locales, fournir un appui technique aux bureaux de vote et transporter le matériel électoral.

Quelque 120 personnes seront sur le terrain le 8 juin, selon le porte-parole de l’OSCE Nikola Gaon.

L’OSCE espère que les élections apporte la stabilité au Kosovo qui s’est séparé de la Serbie et a déclaré son indépendance en 2008.

Les premières élections locales au Kosovo en novembre dernier ont été perturbées, principalement dans les régions serbes du nord du pays .

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Visibilité

Le scepticisme persiste également chez les journalistes locaux et occidentaux. Jeta Xharra, directrice du Réseau balkanique du reportage (BIRN), ne mâche pas ses mots quand elle qualifie la mission de l’OSCE d’«impuissante». La célèbre journaliste doute que la présidence suisse de cette année puisse beaucoup améliorer la situation.

Pour sa part, Walter Müller, correspondant en Europe du sud-est de la radio publique suisse SRF, ne veut pas aller aussi loin. Mais il remet en question l’efficacité et la visibilité des efforts de l’OSCE dans la région: «La présence de représentants de l’OSCE, en particulier dans la vallée de Presevo, au sud de la Serbie, a été très utile pour prévenir la violence. Mais je me demande ce que fait l’organisation de tout son personnel.»

Globalement, l’OSCE employait en 2013 près de 2900 employés dans ses 16 missions sur le terrain et au siège à Vienne et disposait d’un budget de 176,6 millions de francs.

Sur le terrain

À l’origine, la plus grande organisation mondiale de sécurité avait pour but de mettre en place un forum de dialogue entre l’Occident et l’Orient à l’époque de la Guerre froide. Son mandat est de promouvoir les droits de l’homme et de fournir une expertise dans le développement des sociétés démocratiques (Etat de droit et bonne gouvernance). Au sommet de son agenda figure la protection des minorités nationales au Kosovo et en Serbie.

Parmi les projets soutenus par le Groupe de travail Suisse OSCE figure un cours de quatre mois dans une école secondaire de la ville de Bujanovac. L’objectif est d’encourager les étudiants de langue albanaise à apprendre le serbe, puisque le manque de compétences linguistiques renforce souvent la ségrégation dans l’une des régions les plus pauvres du sud de la Serbie.

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Réconcilier Serbes et Albanais

Ce contenu a été publié sur Dans la ville serbe de Bujanovac, la Suisse contribue au financement d’un projet de l’OSCE consistant à enseigner le serbe à la minorité albanaise pour favoriser l’intégration et éviter la réapparition de conflits ethniques.

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Le développement d’un service de police communautaire multi-ethnique dans la même région est un autre programme de l’OSCE souvent mis en avant. Les patrouilles mixtes de Serbes, d’Albanais et de Roms a contribué à renforcer la confiance dans les autorités, selon des officiers de police locaux et des représentants de l’OSCE.

Sonja Licht, une militante politique de premier plan qui a joué un rôle clé dans la résistance contre l’ancien président serbe Slobodan Milošević, fait l’éloge de la coopération entre les ONG et l’OSCE.

«Dans les conflits de basse intensité, l’OSCE joue un rôle majeur. Elle a convaincu le gouvernement serbe de s’engager dans le renforcement des capacités de la police, les questions de sécurité et de genre.» Elle se souvient d’un projet pour les jeunes Roms soutenu par l’organisation: «Il a apporté de l’espoir aux jeunes. Mais il n’a pas réussi à attirer l’attention du public.»

Bonne réputation

Le chef de la mission de l’OSCE à Belgrade, le suisse Peter Burkhard, réfute l’idée que l’organisation manque de visibilité: «Dans les Balkans, vous n’avez pas à expliquer ce qu’est l’OSCE. Elle bénéficie d’une très bonne réputation.» Il estime que l’OSCE a contribué, par sa simple présence, à faciliter la résolution des conflits dans le sud de la Serbie et les régions Sanžak.

Peter Burkhard et dix de ses cadres supérieurs font face à un petit groupe de journalistes suisses, lors d’un briefing dans le bureau de Belgrade sur les activités de sa mission, qui couvre la restructuration du système de la justice, l’expertise dans le domaine des médias, le suivi du processus de démocratisation et la lutte contre la corruption. «L’OSCE a aidé la Serbie sortir de son isolement», commente Paula Thiede, cheffe adjointe de mission.

Gordana Jankovic, cheffe de la mission sur les médias, avance: «Comment pouvez-vous illustrer la création d’une bonne loi? Nous travaillons en profondeur.»

Ministre suisse des Affaires étrangères et président pour 2014 de l’OSCE, Didier Burkhalter a expliqué l’intérêt de la Suisse dans la promotion de projets d’intégration au Kosovo et en Serbie.

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Confus?

Porte-parole de la mission de l’OSCE au Kosovo, Nikola Gaon est éloquent et aucune des critiques à l’encontre de son employeur ne semble lui échapper. Que ce soit pendant une visite au bureau du BIRN à Pristina ou pendant la table ronde avec des analystes politiques, le porte-parole sait quand et comment mettre les choses au clair.

Parfois, son travail est facile, quand Naim Rashiti, analyste pour le Balkans Policy Research Group, commente: «Je suis heureux que l’OSCE joue un rôle dans le dialogue. Parce que les Nations Unies ont perdu la bataille à jamais.»

Naim Rashiti voit un rôle plus important pour l’OSCE comme superviseur dans l’avenir. Ce qui incite Nikola Gaon à rétorquer que ce sont le «développement institutionnel» et le rôle non exécutif de l’organisation qui sont importants.

«L’OSCE est victime des désaccords entre les Etats membres. La Russie et la Serbie ont insisté sur le maintien d’une mission aussi large qu’aujourd’hui avec un mandat modeste», répond Naim Rashiti.

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