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L’Union européenne prend pied à Berne

La mission inaugurée par Micheline Calmy-Rey, Benita Ferrero-Waldner et Rita Kieber-Beck (depuis la g.). Keystone

La commissaire européenne aux Affaires extérieures, Benita Ferrero-Waldner, a inauguré mardi l'ambassade de l'Union européenne (UE) à Berne, en présence de Micheline Calmy-Rey.

La commissaire a indiqué s’être engagée pour cette représentation et tirer une joie évidente à pouvoir l’inaugurer. La ministre helvétique y voit, elle, une confirmation de la voie bilatérale choisie par la Suisse.

Dans son rapport sur l’Europe, présenté en juin dernier, le Conseil fédéral (gouvernement) soulignait que la voie des négociations bilatérales est actuellement la seule envisageable.

L’adhésion à l’UE, qui figurait encore parmi les principaux objectifs stratégiques tracés au cours de la dernière législature, se fonde désormais dans un large catalogue d’options.

Cette position des autorités helvétiques coïncide avec le sentiment que partage la majorité de la population. En effet, si les citoyens suisses ont bien approuvé les importants rapprochements négociés avec l’UE, ils refuseraient cependant massivement l’éventualité de l’adhésion.

Europhobes et europhiles

Parmi les acteurs qui ont animé le débat politique sur l’Europe au cours des années nonante, seuls les eurosceptiques semblent être restés sur le devant de la scène.

De leur côté, les partisans de l’adhésion ont accepté le compromis de la voie bilatérale, une formule dont ils ne voulaient pourtant pas. Mais, ils avaient accepté ce consensus et l’avaient même défendu contre les détracteurs de l’entrée de la Suisse dans l’UE.

Et c’est dans ce contexte que l’Union européenne a choisi d’ouvrir la plus récente de ses représentations dans la capitale helvétique, juste en face du siège du ministère suisse des Affaires étrangères.

Pendant ce temps et en coulisses, le contentieux qui oppose l’UE à la Suisse sur la question des allégements fiscaux octroyés par certains cantons aux entreprises étrangères continue d’alimenter les tensions.

Vers une normalisation des rapports

«L’ouverture de l’ambassade est le signe d’une certaine normalisation des relations entre la Suisse et l’Union européenne», explique le politologue Laurent Goetschel, professeur à l’Institut européen de l’Université de Bâle.

«L’UE dispose de nombreuses représentations un peu partout dans le monde et, ce serait une anomalie que de ne pas être présente en Suisse également», poursuit-il.

Laurent Goetschel estime que la présence de l’ambassade pourra simplifier l’échange d’informations entre Berne et Bruxelles et rendre plus visibles les relations qu’entretiennent les deux entités.

«Une représentation diplomatique revêt toujours un rôle symbolique, même si aujourd’hui, les négociations entre la Suisse et l’UE ne passent plus uniquement par le canal diplomatique des ambassades», dit-il.

Contacts précieux

Pour le politologue, ce serait une erreur que de sous-estimer l’influence de la présence d’un ambassadeur de l’UE sur le sol helvétique: «L’ambassadeur Reiterer est invité en de multiples occasions. Il faut bien admettre que de telles rencontres facilitent les échanges informels, échanges qui seraient par ailleurs impossibles si, pour chacun de ces contacts il fallait à chaque fois se rendre à Bruxelles».

Michael Reiterer, qui avait été dépêché à Berne au début de l’année, devrait bientôt être rejoint par deux collaborateurs. Les deux experts – l’un en politique et l’autre en économie – auront pour tâche de seconder le diplomate.

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Du pain sur la planche

«C’est le signe que la Commission européenne ne veut pas se contenter d’une petite mission et qu’elle compte bien réunir toutes les informations qui lui sont nécessaires à propos de la Suisse», observe Laurent Goetschel.

De toute évidence, la liste des dossiers qui attendent d’être examinés par la Suisse et la Commission européenne reste longue. Nombreux sont les points sur lesquels les négociateurs vont certainement s’achopper.

Ainsi, au-delà de l’épineuse question de la fiscalité, Berne devra aussi prochainement se pencher sur une contribution financière aux deux nouveaux membres de l’UE, la Roumanie et la Bulgarie. De plus, la Suisse est intéressée par l’ouverture de négociations bilatérales dans les secteurs du marché de l’électricité et de l’agriculture.

Parmi les autres sujets de pourparlers il y a les services, la participation à des programmes de recherche de l’UE, les certificats d’origine sur les denrées alimentaires, l’extension de la libre circulation aux ressortissants roumains et bulgares ainsi que la gestion du système satellitaire Galileo.

Courtoisie et circonspection

A défaut de doper l’avancement des dossiers, la présence de l’ambassade de l’UE à Berne devrait favoriser une compréhension réciproque.

«La présence de l’ambassade devrait améliorer la perception que la Suisse a de l’UE», observe pour sa part le député socialiste Roger Nordmann, membre du Comité du Nouveau mouvement européen suisse (NOMES).

«Il était temps qu’une représentation de l’UE s’installe à Berne, puisqu’il s’agit de l’un de nos partenaires politiques et économiques les plus importants», retient Christa Markwalder, présidente du NOMES et députée radicale.

Sur le front des anti-européens, l’enthousiasme est plus contenu. «Nous considérons que l’ouverture de l’ambassade comme la reconnaissance du fait que la Suisse ne fait pas partie de l’UE», souligne Hans Fehr, député de l’Union démocratique du Centre (UDC / droite dure) et directeur de l’Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).

«Mais, Monsieur Reiterer doit rester vigilant et veiller à ne pas se mêler de nos affaires internes. Il devra aussi rapporter objectivement et clairement la position de la Suisse auprès des autorités à Bruxelles», prévient Hans Fehr.

Personnellement, Hans Fehr admet éprouver une certaine sympathie pour l’ambassadeur Reiterer : « C’est typiquement un diplomate autrichien! ». L’ASIN l’a du reste convié à sa prochaine assemblée du 28 avril.

swissinfo, Andrea Tognina
(Traduction de l’italien : Nicole Della Pietra)

De nombreuses raisons pourraient expliquer l’ouverture relativement tardive de l’ambassade de l’UE en Suisse.

Le politologue Laurent Goetschel rappelle que l’UE dispose déjà d’une représentation à Genève. Cette unité est chargée des relations avec les institutions internationales. «Cela pourrait expliquer cette arrivée tardive à Berne. Mais, pour répondre à cette question, il faudrait connaître les motivations des autorités de l’UE.»

A en croire l’ambassadeur Michael Reiterer, dont les propos ont été repris par divers médias, les autorités européennes prévoyaient sans doute qu’à terme, la Suisse aurait adhéré à l’UE. Ce qui expliquerait ce retard.

La proximité géographique avec la Suisse, l’intensité de ses relations au cours des négociations bilatérales et la présence de la mission suisse à Bruxelles ont peut-être aussi influencé les rythmes de l’UE.

L’ambassadeur Michael Reiterer, est un diplomate autrichien, âgé de 52 âgé ans. Il entré en fonction à Berne, pour le compte de l’UE, au début de 2007.

Auparavant, il a été le vice-chef de la délégation de l’UE à Tokyo. Le diplomate a accompli une partie de ses études en Suisse et parle couramment le français.

Jusqu’ici, la résidence de l’ambassadeur à Berne servait également de représentation de l’UE. En Suisse, Michael Reiterer doit représenter la Commission européenne et non la Présidence de l’UE.

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