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La 5e révision de l’AI passe à trois contre deux

Keystone

Avec près de 60% de oui, les Suisses acceptent la 5e révision de l'Assurance invalidité. Elle prévoit une meilleure intégration professionnelle des handicapés, mais coupe également dans les prestations.

Les résultats les plus nets viennent de Suisse alémanique. Seuls quatre cantons – tous romands – ont exprimé un timide oui. Avec 36%, la participation est en-dessous de la moyenne habituelle.

54,6% dans le Jura, 50,9 à Genève, 50,1% à Fribourg et à Neuchâtel: les quatre cantons qui ont refusé cette révision l’ont vraiment fait du bout des lèvres.

Ailleurs, les taux d’acceptation varient entre 50,7 à Bâle-Ville et 79,5 en Appenzell Rhodes-Intérieures, avec des taux nettement plus élevés dans les cantons ruraux de Suisse alémanique.

Vaud dit oui à 52,5%, le Tessin à 53,3% et le Valais à 55,7%. Mais l’acceptation est déjà nettement plus claire à Berne (59%) et à Zurich (63%).

Des promesses à tenir

Dans le camp des vaincus, Cap-Contact et le Centre pour la vie autonome, les deux organisations d’handicapés qui avaient lancé le référendum, se disent davantage «gênées que déçues» du verdict populaire.

Déçues notamment qu’«un des pays les plus riches du monde supprime des prestations à des familles qui ont une personne invalide à charge».

Les référendaires attendent désormais du gouvernement, des milieux économiques et des partis de droite qu’ils tiennent leurs promesses.

«Actuellement, 50’000 personnes handicapées cherchent une place de travail, nous n’hésiterons pas à contacter tous ceux qui ont expliqué que, sans la 5e révision de l’AI, ils ne pourraient pas les engager», écrivent les deux organisations.

Les référendaires exigent aussi que les politiciens prennent leurs responsabilités et «votent un financement additionnel permettant à l’assurance invalidité d’être enfin assainie».

Pro Infirmis, de son côté, voit ce oui comme «une chance comportant des risques». La grande organisation, qui avait laissé la liberté de vote, espère elle aussi que l’intégration professionnelle des personnes handicapées se réalisera comme promis.

Une «sale campagne»

«Je suis triste pour les gens concernés», clame quant à lui Pierre-Yves Maillard, vice-président du Parti socialiste suisse, qui dénonce «une sale campagne de désinformation».

Le résultat, selon lui, c’est que 80’000 couples vont perdre 400 francs par mois, sur un revenu d’environ 2000 francs. La révision supprime en effet les rentes complémentaires versées aux conjoints des personnes à l’AI.

Seul motif de satisfaction pour le PS: la «résistance plus forte» dont a fait preuve la Suisse romande. «Ce n’est pas la déroute prévue, 40% de la population garde un esprit de solidarité», souligne Pierre-Yves Maillard.

Pour le vice-président des Verts Ueli Leuenberger, ce oui «ne résout aucun problème», et «il y aura davantage de personnes marginalisées et à la charge de l’aide sociale».

Et Ueli Leuenberger de dénoncer lui aussi la campagne «infecte» de l’UDC (droite nationaliste) sur les abus. Pour lui, «il est préoccupant de voir que ce sont des campagnes de dénigrement qui permettent de gagner des votations populaires».

Une réforme à mettre en oeuvre

Du côté des vainqueurs, le comité interparti en faveur de la 5e révision, qui réunit les partis bourgeois estime que «le souverain a compris que le référendum était dirigé contre les personnes concernées et qu’il aurait eu un résultat désastreux pour cette assurance sociale importante».

Organisation faîtière des petites et moyennes entreprises, l’Union suisse des arts et métiers (USAM) entend tenir ses promesses. Elle s’engagera auprès de ses membres pour que soit mis en oeuvre le principe de l’intégration avant la rente.

Du côté des grandes entreprises, regroupées au sein d’economiesuisse, on estime que ce oui «n’est qu’une étape intermédiaire». L’association est favorable à une augmentation de la TVA pour financer l’AI à condition d’améliorer le fonctionnement de cette assurance.

Les nationalistes veulent encore serrer la vis

Enfin, l’UDC entend continuer à durcir l’accès aux rentes et à traquer les abus. Dès lundi, le parti reviendra à la charge avec un papier de position de 40 pages sur les assurances sociales, indique son président Ueli Maurer.

Ses propositions pour une 6e révision de l’AI visant à serrer encore davantage la vis y figureront en bonne place. Et ce n’est qu’après que l’UDC acceptera de parler de financement.

swissinfo et les agences

La 5e révision de l’AI doit permettre d’économiser environ 500 millions de francs par année.

Les innovations principales:
– Avant qu’une rente ne leur soit octroyée, les assurés doivent déployer tous les efforts de réadaptation que l’on peut raisonnablement attendre d’eux. Le nombre des nouvelles rentes devrait ainsi baisser de 15 à 20%.
– Les cas d’invalidité potentielle peuvent être communiqués à l’AI à partir d’un mois d’incapacité de travail. Un entretien devrait suivre deux semaines plus tard pour voir quelles mesures peuvent être prises pour conserver l’emploi.
– Pour lutter en particulier contre les cas psychiques, qui représentent près de la moitié des rentes, on introduit des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle.
– Pour encourager les employeurs à garder ou à engager une personne atteinte dans sa santé, il est prévu une collaboration accrue entre les entreprises et l’AI, ainsi que des aides financières.
– Les rentes complémentaires en cours versées aux conjoints des personnes à l’AI sont supprimées, tout comme le supplément de carrière.
– Le système des indemnités journalières est adapté. Les assurés qui n’exerçaient pas d’activité lucrative avant l’intervention de l’AI n’en toucheront plus.

La 5e révision de l’AI est acceptée par 59,1% des votants.
Le taux de oui dans les cantons varie entre 79,5 (Appenzell Rhodes Intérieures) et 45,4 (Jura).
La participation est de 35,8%.

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