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La bière artisanale, avant tout une affaire de goût

Le brassage artisanal demande notamment une utilisation originale de sa baignoire. Dominique Javet

Les petites brasseries se multiplient et les consommateurs sont à la recherche de produits originaux. L'une des clefs du succès provient du fait que la fabrication d'une bière est un processus relativement simple, mais qui peut déboucher sur une multitude de goûts.

Que se soit au niveau industriel ou artisanal, la fabrication d’une bière est un processus finalement assez simple. La première étape consiste à concasser des céréales. Les grains concassés sont ensuite placés dans de l’eau chaude, afin de transformer l’amidon en sucre. Une fois ce processus terminé, une grande quantité d’eau est encore versée sur le résidu de grains pour en retirer les derniers sucres.

Le liquide ainsi obtenu – les spécialistes l’appellent le moût – est ensuite porté à ébullition et on y ajoute le houblon. Cette plante, élément essentiel de la bière, a deux fonctions: lui donner de l’amertume et la stériliser. Ensuite, le houblon est enlevé du moût qui par la suite est refroidi. C’est à ce moment qu’on y rajoute la levure qui lancera le processus de fermentation. Ne reste plus alors qu’à stocker le moût fermenté dans des cuves pour la maturation avant la mise en bouteilles ou en fûts.

Dans la cuisine

La fabrication de bière artisanale ne demande pas un énorme matériel. En fait, il est tout à fait possible de faire cette boisson dans son appartement. La cuisson a lieu tout simplement sur une cuisinière et le refroidissement dans la… baignoire.

Pour moins d’une centaine de francs, l’apprenti brasseur peut déjà acheter – principalement sur Internet – ce que l’on appelle un «kit de brassage». Ce kit comprend notamment un sceau de brassage, une spatule et des produits de nettoyage.

Pour faciliter la tâche du débutant, ces kits peuvent également contenir un moût déjà prêt, stocké dans une boîte de conserve. Il suffit d’en verser le contenu dans une casserole et de le diluer avec de l’eau.

«Ce peut être une solution pour débuter, déclare Dominique Javet de la brasserie artisanale Brasserie des Cieux. Le résultat est buvable, mais il ne faut tout de même pas s’attendre à des miracles. Brasser avec un moût tout prêt revient un peu à faire une soupe instantanée. Le résultat est sans surprise, mais suffisant pour transmettre le virus du brassage et aller plus loin dans cet art.»

L’art du brasseur

Pour aller plus loin, c’est en fait l’expérience et le tour de main du brasseur qui fera la différence. Le choix et le dosage des céréales qui donneront le moût permettent ainsi d’obtenir une multitude de saveurs. Par ailleurs, outre les traditionnelles céréales, il est possible d’ajouter d’autres produits pour donner des bières au goût spécial, par exemple de la citronnelle, des baies ou encore des cerises. Le choix est presque sans limite.

Mais pour parvenir à lancer une véritable production artisanale, l’art du brasseur ne suffit pas. Il faut également investir dans un équipement un peu plus conséquent. L’achat d’un refroidisseur ou cuves plus importantes, notamment, permet de quitter le pur amateurisme pour lancer une micro brasserie où la production ne se fera plus en litres, mais en centaines voire en milliers de litres.

Plus question alors de rester dans sa cuisine. Un local approprié devient nécessaire. Par ailleurs, le brasseur doit également s’annoncer auprès des autorités compétentes. «Dès que la production ne s’adresse plus au strict cadre familial, il est nécessaire de s’annoncer auprès des douanes et du chimiste cantonal», explique Dominique Javet.

«Le contrôle des services du chimiste cantonal consiste principalement à vérifier la propreté des installations et le respect des lois sur les denrées alimentaires, poursuit-il. Ce n’est pas très compliqué d’y arriver, mais essentiel. En effet, des problèmes avec le chimiste cantonal peuvent vite couler la réputation d’une brasserie».

Retour aux racines

Produire de la bière n’est donc pas d’une trop grande complexité. Mais pour les brasseurs qui dépassent le seul stade du hobby et qui nourrissent quelques prétentions commerciales, se pose la question du marché.

Pour l’heure, les brasseries artisanales ne connaissent pas vraiment de problèmes de débouchés. Au contraire, le problème consiste souvent davantage à assurer une production suffisante pour répondre à la demande des consommateurs.

Pour en savoir un peu plus sur cet attrait que la bière artisanale exerçait sur les consommateurs, nous nous sommes adressés à Julien Magnollay, patron du bistrot La Couronne d’Or à Lausanne. «D’après ce que me disent les serveurs, les gens sont attentifs à deux choses: la curiosité pour de nouveaux produits et leur aspect local», déclare-t-il.

«On sent qu’il y a peut-être une fibre écologique derrière cette tendance, poursuit-il. Il existe peut-être aussi un ras-le-bol face à la main mise des gros brasseurs. Nous assistons donc à une espèce de retour aux racines. Et tout cela se mélange au fait que ces bières artisanales sont souvent plus fortes que les bières industrielles. Il y a donc aussi un côté dégustation qui est important.»

Dominique Javet confirme cette analyse. «Effectivement, les consommateurs sont curieux de découvrir de nouveaux goûts et souhaitent quelque chose de plus authentique que la bière industrielle.»

Le producteur de la Brasserie des Cieux constate cependant une différence entre la production de Suisse romande et de Suisse alémanique. «En Suisse alémanique, les brasseurs prennent peu de risques, explique-t-il. Ils veulent être certains d’écouler leur production et vont donc avant tout brasser les traditionnelles bières blanches et bières blondes.»

«En Suisse romande, en revanche, c’est avant tout les goûts qui priment, poursuit-il. La plupart des brasseurs artisanaux veulent avant tout expérimenter de nouvelles saveurs et se soucient moins des débouchés. Mais heureusement, ces bières de caractères ont également trouvé leur public.»

Olivier Pauchard, swissinfo.ch

En 2008, les habitants de Suisse on bu l’équivalent de 8,7 litres d’alcool pur, soit 123’703 hectolitres d’alcool à 100%.

La bière a les faveurs du public. Sa consommation a augmenté de 0,6 litre par rapport à l’année précédente pour s’établir à 58 litres.

La consommation de vin est en revanche en baisse. Elle a diminué de 0,7 litre pour s’établir à 38,6 litres.

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