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La canicule a dopé les exportations d’électricité

Grande Dixence reçoit actuellement 30% de plus d’eau qu'à la normale. picswiss.ch

La fonte des glaces due à la chaleur a rempli les barrages de Suisse, qui doivent turbiner. Une aubaine pour l’exportation de courant vers une Europe en pénurie.

Une situation extraordinaire qui ne remet pas en question la stabilité du marché helvétique.

Ces jours de canicule et de sécheresse amènent à des situations parfois paradoxales.

C’est le cas en haute montagne, où on ne connaît pas la sécheresse, car la fonte intempestive des glaciers remplit les barrages de façon anormale. Par conséquent, les barrages tournent, par obligation, 24 heures sur 24.

Exemple avec le barrage de la Grande Dixence, qui reçoit actuellement 30% d’eau en plus à cause de la fonte du glacier du Gorner. Ses turbines sont activées en permanence pour que le barrage ne se remplisse pas trop vite.

«Or le courant ne se stocke pas!», lance Jacques Rossat, directeur d’Avenis et trader de cette société commerciale de EOS Holding (Electricité Ouest Suisse). Dans ces conditions, ce surplus de courant produit doit être utilisé et vendu.

«C’est une aubaine en cette période, poursuit Jacques Rossat, car la pénurie européenne fait grimper les prix fixés sur le marché européen de Leipzig».

Sérieuse hausse des prix

Au début du mois d’août, dans la tranche horaire 8 heures – 18heures, où le courant est le plus cher, le prix du kilowatt/heure a grimpé entre 30 et 40 centimes d’euro. Ce qui représente pratiquement 10 fois le prix normal à cette période.

Le prix moyen annuel est environ de 3 centimes d’euro le kw/h, et les pics d’été dépassent rarement les 10 centimes d’euro.

Et comme la Suisse fait partie du réseau continental européen, centré principalement sur l’Allemagne, la France et l’Autriche, elle peut pratiquer les prix de ce marché.

Certes, cette surproduction estivale n’est pas encore quantifiable, mais elle sera substantielle. Cependant, il faut savoir que pendant les deux mois d’été, les exportations de courant suisse sont de toutes façons les plus fortes, environ 3 millions de kw/h durant les heures de pointes.

La montagne aide la plaine

«Cette situation exceptionnelle en montagne et la structure du parc de production de la Suisse (60% d’électricité hydraulique et 40% d’électricité nucléaire) ne doit pas faire redouter une pénurie comme en Europe», explique Jacques Rossat.

«Car dans l’ensemble, la surproduction des barrages compense actuellement les pertes de production de courant fourni par les centrales hydroélectriques de plaine (au fil de l’eau) et les centrales nucléaires».

L’exemple le plus flagrant se trouve en Argovie, où deux tiers des machines des 25 installations le long du Rhin, de l’Aar, de la Reuss et de la Limmat, sont arrêtées.

Plus grave: quelques centrales situées sur des petits cours d’eau du canton d’Argovie ont même dû stopper leur exploitation. En comparaison avec un mois normal, la production a été inférieure de 245 millions de kw/h par mois depuis le début de juin. Ce qui représente une perte de 57% de la production hydroélectrique de ce canton.

Concernant le nucléaire, presque toutes les centrales de Suisse ont baissé leur production, à l’image de celle de Beznau, qui a réduit sa production de 15% à 16%, les eaux de l’Aar étant trop chaudes pour refroidir les réacteurs.

«Il est clair que si la canicule perdurait, constate Jacques Rossat, les centrales nucléaires devraient encore diminuer la production, les centrales au fil de l’eau pourraient être à sec, et la pénurie pourrait alors s’installer».

Pas de répercussion à long terme

«Cela dit, explique Jacques Rossat, si cette situation est spectaculaire et dope pour quelques jours les exportations, il n’y a pas de conséquence à long terme sur le marché».

Et le trader d’ajouter: «Le marché européen de l’électricité est effectivement très stable, comme celui du pétrole. Il est régi par le principe de l’offre et de la demande, et l’équilibre entre les importations et les exportations est assuré à terme».

Quant au consommateur qui s’inquiète de voir sa facture augmenter, il n’a pas de soucis à se faire. «La grande majorité des producteurs et des clients consommateurs, précise Jacques Rossat, signent souvent des contrats à long terme qui garantissent une stabilité des prix et évitent des factures en dents de scie».

Et même si en Suisse, le marché électrique n’est pas libéralisé, «il se pourrait que les bénéfices engrangés grâce à la vente de courant hydraulique à un prix élevé cet été profitent aux consommateurs suisses», avance Thomas Ruckstuhl, collaborateur d’Atel Trading.

Pour l’heure, donc, pas de soucis à se faire concernant le marché de l’énergie électrique. Mais il ne faudrait pas oublier qu’en Suisse, les glaciers, grand capital de l’énergie hydraulique, s’amenuisent d’année en année…

Bien sûr, leur disparition n’est pas pour demain. Mais il est à souhaiter que des solutions nouvelles soient trouvées.

swissinfo, Jean-Louis Thomas et Jean-Didier Revoin

Au début du mois d’août, le prix du kw/h a grimpé entre 30 et 40 centimes d’euro.
Soit 10 fois le prix normal à cette période.
Le prix moyen annuel est environ de 3 centimes d’euro le kw/h.
Les pics d’été dépassent rarement les 10 centimes d’euro.

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